Analyse qualitative des résultats
2. Pertinence des catégories de types et de groupes
Nos résultats indiquent que les typologies produites par les enseignantes, qu’il s’agisse des types mentaux spontanés ou des groupes de ressemblance, correspondent bien aux sept catégories (C-A à C-G), que nous avons été à même de déduire au cours de l’analyse des entretiens (voir tableau 15). Cependant, lorsque nous regardons en détail les types d’élèves et les groupes de ressemblance correspondant à chacun de ces sept ensembles (voir tableaux 16 et 17), nous constatons que très peu d’élèves sont classés au sein des mêmes catégories. En effet, comme l’indique le tableau 18, nos résultats concernant les classements concordant à 100% sont relativement faibles.
Tableau 18 – Croisement des catégories de types (étude 2) et des catégories de groupes (étude 3)
Catégories de groupes
Total
C-A C-B C-C C-D C-E C-F C-G
Catégories de types
C-A 14 8 14 5 1 2 6 50
C-B 9 7 3 2 0 0 0 21
C-C 17 4 13 4 0 4 0 42
C-D 3 5 3 6 0 3 0 20
C-E 0 1 2 1 8 1 3 16
C-F 1 2 11 2 0 3 0 19
C-G 1 0 6 1 0 3 1 12
Total 45 27 52 21 9 16 10 180
Globalement le taux de recouvrement entre les classifications est de 29%. Malgré ce faible taux de concordance, on peut toutefois estimer que les classifications des enseignantes sont logiques (χ2(36)=134,316 ; p<.001) mais de force raisonnable quoique significative (VC=0,353 ; p<.001). Les enseignantes ne sont néanmoins pas égales en matière de recouvrement de classification entre les différentes tâches comme le montre le tableau 18. On peut lire que les pourcentages de recouvrement oscillent entre 8% et 50% selon l’enseignante considérée.
2.1 Quid des autres élèves ?
Nous avons été étonnées par ce faible recouvrement, au vu des résultats obtenus lors de l’élaboration de nos tableaux 7 et 8, au cours de l’étape 2, prouvant la pertinence des sept catégories que nous avions déduites lors de notre analyse. Nous pouvons observer, d’après
les résultats du tableau 18, que seuls 52 élèves se retrouvent classés au sein des mêmes catégories, aussi bien pour les types spontanés que pour les groupes de ressemblance. A ce stade de notre analyse, nous nous demandons où et comment sont classés les 129 autres élèves ?
Cette section nous permet de répondre aux deux question suivantes : (1) Que se passe-t-il avec les élèves dont la concordance ne correspond pas à 100% pour les deux études ? Comment sont-ils répartis ? (2) Les enseignantes auraient-elles une logique de répartition de ces élèves restants ?
L’analyse des tableaux de ventilation des élèves des types mentaux spontanés (étude 2) et ceux des groupes de ressemblance (étude 3) dans les catégories (tableaux 16 et 17), nous a permis de découvrir deux types de logiques internes des enseignantes, dans la répartition de leurs élèves au sein des catégories.
Tout d’abord, si nous observons la catégorisation, effectuée par chaque enseignante lors de l’étape 5, dans les tableaux 16 et 17, concernant les 129 élèves qui n’ont pas été classés de la même manière pour l’étude 2 et 3, nous remarquons que, pour une grande part de ces élèves, le changement ne s’opère que sur une seule variable ; à savoir, soit un changement de comportement, soit un changement d’une catégorie de niveau scolaire. Par exemple, l’élève 1 de l’enseignante E1, placé dans la catégorie C-B (bon élève, comportement vif et/ou perturbateur), dans l’étude 2, elle place ce même élève dans la catégorie C-A (bon élève, comportement agréable), lors de l’étude 3 (voir tableaux 16 et 17). Cet élève a conservé un niveau scolaire identique, mais a changé de comportement. Lorsqu’on regarde l’élève 13 de l’enseignante E3, celle-ci le place dans la catégorie C-F (élève en difficulté, perturbateur) pour l’étude 2 et dans la catégorie C-D (élève moyen perturbateur), celui-ci à donc changé de niveau scolaire d’une seule catégorie et gardé le même critère de conduite.
Au vu de la difficulté à classer certains élèves au sein de leurs différents types et groupes, qui nous a été rapportée par les enseignantes au cours des entretiens, nous proposons de considérer cette variation comme acceptable. En outre, nous faisons l’hypothèse que dans le
aient pu évoluer positivement ou négativement, aussi bien au niveau de leur comportement, que de leur compétence scolaire. Néanmoins, nous n’avons pas considéré les sauts de deux niveaux, à propos des compétences scolaires, comme acceptables.
Ensuite, nous avons pu observer un deuxième type de phénomène. En effet, en analysant à nouveau les 129 élèves n’ayant pas été classés de manière identique dans les études 2 et 3, nous remarquons que les déplacements s’effectuent souvent de manière récurrente par
« paquets » d’élèves. Autrement dit, ce sont des groupes d’élèves associés provenant d’une même catégorie, que les enseignantes déplacent vers une autre même catégorie. Par exemple, l’enseignante E1, dans l’étude 2, place les élèves 2, 3, 9, 10, 11 13 et 15 dans la catégorie C-C (élèves moyens, discrets), dans l’étude 3, ces mêmes élèves sont placés dans la catégorie C-A (bon élève, comportement agréable).
Nous suggérons donc de prendre en considération ces élèves dans le calcul de notre taux de recouvrement, car cela semble corroborer l’hypothèse qu’il y a des groupes d’élèves dans le chef des enseignantes, celles-ci semblent fonctionner selon une logique par regroupement des élèves de leur classe.
Tableau 19 - Recouvrement d'élèves dans les catégories
Enseignantes
Nous retrouvons, dans la première colonne (tableau 19), les 52 élèves (29%) placés de manière identique lors de nos études 2 et 3.
En nous basant sur les recouvrements optimistes, nous obtenons un total de 115 élèves, représentant un taux de recouvrement de 64% oscillant entre 50% et 84%. Bien que l’on ait un taux de recouvrement réaliste faible, on retrouve une logique forte en tenant compte
Lorsque nous prenons en considération les élèves ayant été déplacés par « paquets », ajoutés aux élèves ayant un taux de recouvrement de 100%, nous retrouvons 123 élèves avec un taux de recouvrement de 68%.
Suite au faible résultat obtenu en ce qui concerne le taux de recouvrement réaliste, nous avons émis l’éventualité que le degré d’enseignement puisse avoir une influence sur le classement effectué par les enseignantes. En d’autres termes, nous faisons l’hypothèse que les enseignantes des classes de division élémentaire (1P à 4P) auraient plus de difficultés à maintenir une constance dans le classement de leurs élèves au sein des types et des groupes, que les enseignantes de la division moyenne (5P à 8P). En effet, au cours des interviews menés auprès des enseignantes des petits degrés, ces dernières ont fréquemment mentionné la difficulté de catégoriser leurs élèves, vu leur jeune âge. Elles mentionnent notamment la rapidité de l’évolution de ces enfants. Leurs aptitudes ainsi que leur de comportement sont fluctuants, il leur est donc problématique de déterminer un niveau de compétence scolaire, de même qu’un type de comportement. Afin de vérifier nos propos, nous proposons, à travers le tableau 20, la même analyse, par niveau d’enseignement.
Tableau 20 – Croisement des catégories de types (étude 2) et des catégories de groupes (étude 3) par degré d’enseignement
Degré
d'enseignement
Catégories de groupes
Total
C-A C-B C-C C-D C-E C-F C-G
1P-4P
Catégories de types C-A 11 5 3 4 1 2 4 30
C-B 6 7 0 1 0 0 0 14
C-C 16 4 9 1 0 4 0 34
C-D 1 5 0 6 0 0 0 12
C-E 0 1 0 0 8 1 0 10
C-F 1 2 9 2 0 0 0 14
C-G 0 0 4 0 0 1 0 5
Total 35 24 25 14 9 8 4 119
5P-8P
Catégories de types C-A 3 3 11 1 0 2 20
C-B 3 0 3 1 0 0 7
C-C 1 0 4 3 0 0 8
C-D 2 0 3 0 3 0 8
C-E 0 0 2 1 0 3 6
C-F 0 0 2 0 3 0 5
C-G 1 0 2 1 2 1 7
Total 10 3 27 7 8 6 61
L’observation de ce tableau, nous indique que notre hypothèse ne se vérifie pas. Ce sont les enseignantes de la division élémentaire, qui semblent être les plus constantes dans la classification des élèves de leur classe, avec 34% de recouvrement, lors de la ventilation dans les types et les groupes. Le recouvrement concernant les enseignantes des grands degrés représentant une concordance de 18% seulement.