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Les personnes désignées par les adolescents pour aborder la sexualité

II- Organisation de l’éducation à la sexualité en France

III.4 Quelles personnes peuvent informer les jeunes sur la sexualité ?

III.4.1 Les personnes désignées par les adolescents pour aborder la sexualité

Nous rappelons que les interlocuteurs sont les personnes avec lesquelles les jeunes adolescents abordent la sexualité, et auxquelles ils posent leurs questions.

Les intervenants sont les personnes désignées pour animer les séances d’information sur la sexualité auprès des préadolescents en milieu scolaire.

Les préadolescents citent en priorité : - leurs amis,

- leurs parents.

En deuxième recours, ils font appel à : - leurs enseignants,

- l’infirmière scolaire,

- les surveillants d’établissements,

- les intervenants externes (associations...).

89 / 207 Pour son travail de thèse en 2009, E. Martinez a mené 15 entretiens semi-dirigés auprès de mineures lors de leurs consultations pré-IVG. Certaines jeunes filles lui ont dit ne pas être à l'aise pour parler de sexualité avec leurs professeurs et préférer les intervenants extérieurs à leur établissement scolaire. L'infirmière scolaire était souvent citée également. Le rôle important des parents était souligné par toutes les jeunes femmes interrogées (102). Nos préadolescents ne font pas exactement les mêmes remarques.

III.4.1.1 Intérêt d’avoir plusieurs interlocuteurs et intervenants

Lise nous dit « C’est bien un peu des deux (les intervenants), comme ça, on a l’avis des deux… des fois, ils voient pas les choses de la même façon… et des fois, ils disent pas de la même façon… enfin, ils expliqueraient peut-être pas pareil ». Les jeunes adolescents font souvent appel à plusieurs personnes pour multiplier et comparer les avis. Cela leur permet aussi de compléter les explications qu’ils récoltent et d’aborder le sujet de différentes façons.

Ils adaptent d’ailleurs leurs questions à leurs interlocuteurs et inversement.

C’est un phénomène naturel dans l’acquisition des compétences selon Piaget (88, 91) : « Un individu constitue ses savoirs à l’aide d’autres individus, qu’il s’agisse d’observer, d’imiter, de collabore, de coagir ou de confronter différents points de vue ».

Il faut donc encourager les établissements scolaires à faire participer plusieurs intervenants lors de ces séances d’information sur la sexualité.

III.4.1.2 Les amis

Les amis sont systématiquement cités.

C’est avec eux que les jeunes adolescents parlent de sexualité. Ces résultats concordent avec ceux de la thèse de Clémentine Bonnet-Chasles (95) qui indique que le cercle amical est le premier moyen d’information des jeunes.

Pourtant, comme le soulignent D. Dumas (1), I. Nisand, B. Letombe et S. Marinopoulos (7) leurs réponses sont souvent incomplètes et manquent de nuances. Elles sont à l’origine de beaucoup d’idées fausses, de confusions et de craintes.

Cependant, concernant les jeunes que nous avons interrogés, beaucoup ont un avis critique et semblent facilement remettre en cause les informations transmises par leurs pairs.

Lise nous dit dans un premier temps « Je préfère demander à des personnes que je connais, je suis sûre qu’ils vont me dire la vérité », et plus tard elle rectifie : « Elles ont peut-être pas appris les bonnes choses, c’est pour ça que je préfère poser la question à plusieurs personnes pour voir s’ils disent la même chose ou pas ».

Cet esprit critique vis-à-vis de leurs camarades s’explique probablement, comme pour les médias, par leur jeune âge et leur entrée seulement partielle dans l’adolescence.

90 / 207 III.4.1.3 La place des parents

De nombreux préadolescent désignent leurs parents comme interlocuteurs privilégiés.

Il s’agit surtout pour eux d’une transmission naturelle d’informations, de valeurs, de conseils.

La sexualité est rarement abordée de façon théorique, mais spontanément lorsque la situation s’y prête. Selon E. Bourgeois, dans son livre publié en 2009 « Les jeunes, le sexe et l’Amour, comment leur en parler ? » (6), cela correspond à l’éducation morale qu’ils ont reçue. C’est pourquoi ils en parlent avec leurs parents sans en avoir de souvenir précis.

Françoise Dolto, rapportée par D. Dumas dans son livre « La sexualité des ados racontée par eux-mêmes » paru en 2009 (1), confirme bien que les parents ont un rôle majeur à jouer dans l’information sur la sexualité de leur enfant. Selon elle, pour aborder la question au bon moment et de façon adaptée, il suffit d’être à l’écoute de l’enfant qui pose ses questions à travers des gestes ou des symptômes. Pour ne pas le dégoûter, il ne faut pas hésiter à répondre à ses questions de façon approximative (sans mentir) car il admet très bien le mystère. Ce que dit aussi E. Bourgeois (6).

Vers 10- 12 ans, l’enfant interroge ses parents sur ce qu’il ne comprend pas, ce qu’il voit ou entend, par curiosité naturelle. Il faut simplement répondre aux questions qu’il pose mais il n’est pas adroit de les anticiper. À la puberté, la transformation du corps est à mettre en valeur.

Il faut leur expliquer que l’ovulation et l’érection permettent la fécondation et la transmission de la vie, que l’amour s’exprime par le corps, que cela procure du plaisir, et que les gestes d’amour ne s’apprennent pas car chaque homme et chaque femme est différent et trouve naturellement ce qui fait plaisir à l’autre.

Ce passage éducatif ne doit pas être manqué car vers 13-14 ans, la pudeur de l’adolescent l’empêchera d’avoir des échanges sur tout cela avec ses parents. En effet, dès que l’âge avance, et que la pudeur s’installe ou que les premiers émois amoureux apparaissent, leur place devient plus difficile, quelle que soit leur ouverture d’esprit et leurs liens avec leurs enfants. Le dialogue devient plus conflictuel. Il y a deux raisons à ce phénomène. D’abord, les parents peuvent faire allusion, dévoiler leur propre sexualité involontairement, ce qui rebute profondément l’adolescent. Mais surtout, la sexualité ouvre la porte des sentiments à de nouvelles personnes, et donne l’impression aux jeunes de tromper leurs parents qu’ils craignent alors inconsciemment de décevoir.

Certains jeunes adolescents disent ne pas être à l’aise pour aborder le sujet avec leurs parents, comme Charlotte qui nous dit : « Je suis à l’aise pour parler de ces choses-là avec tout le monde sauf mes parents ».

Parfois c’est parce que ces derniers n’ont jamais abordé la sexualité avec eux. C’est le cas de Mathieu qui explique « C’est pas leur truc de toutes façons ».

D’autres, comme Emilie et Déborah, disent distinguer sexualité et puberté. Ils parlent assez facilement de la puberté avec leurs parents ou leurs médecins, mais refusent que ces derniers s’introduisent dans leur vie amoureuse, leur posent des questions et leurs donnent des explications à caractère sexuel. On peut imaginer que la sexualité est en fait un sujet tabou pour elles, et qu’elles n’osent l’aborder avec les adultes que par le biais de la puberté.

91 / 207 Ce chapitre nous montre bien que c’est aux adultes de prendre l’initiative d’aborder la sexualité, à la maison comme au collège et en cabinet de Médecine Générale, tout en respectant la timidité et l’intimité des préadolescents, en montrant simplement qu’ils sont ouverts et présents. Cela permet de casser les tabous avant que les adolescents ne rompent le dialogue avec les adultes et se tournent vers d’autres sources d’information.

III.4.1.4 Le rôle de l’enseignant

Certains préadolescents désignent naturellement les enseignants pour animer les séances d’information sur la sexualité et comme interlocuteur de deuxième recours après une information collective : « C’est son travail », nous dit Mathieu. Ils évoquent en général le professeur de S.V.T.

D’autres élèves considèrent que leur professeurs allient compétences théoriques et pédagogiques, Ismaël nous dit : « Parce que, au moins, ils savent expliquer aux enfants…

avec tout ce qu’ils ont appris, ils doivent savoir ». De plus, ils ont l’avantage de connaitre les élèves, leur niveau de connaissances, c’est ce que nous dit Déborah : « Si la personne (intervenant extérieur) elle connaît pas forcément ce que nous on connait, lui (l’enseignant), il connait mieux ». Enfin, ils sont eux-mêmes connus des élèves, elle rajoute : « C’est plus rassurant d’être avec quelqu’un qu’on connait ».

Certains pensent parler de sexualité avec leurs enseignants uniquement dans le cadre des séances d’information dédiées à la sexualité, Aurélie nous dit : « Quand on est sur le sujet ça me gêne pas, mais sinon si ». Cela témoigne de l’intérêt de l’organisation de ces dernières, en particulier pour les adolescents qui n’abordent pas ce sujet avec leurs parents en parallèle.

D’autres jeune adolescents sont plutôt résignés, comme Aurélie : « C’est toujours eux qui donnent des cours de toutes façons ». Pour eux, les séances d’information s’apparentent en fait à des cours classiques.

D’autres, enfin, considèrent que les enseignants ne sont pas des personnes adaptées pour aborder la sexualité avec les élèves.

Pour Frédéric, c’est parce qu’ils sont moins compétents que des personnes spécialisées. Il nous dit en effet : « C’est (les professeurs) pas forcément les mieux qualifiés pour ça, je pense que ça serait pas super ».

Pour d’autres, comme Laure, c’est par manque d’affinité : « Parce que j’aime pas trop les profs ». On peut penser qu’ils sont gênés par le rapport d’autorité qui existe avec leurs éducateurs. Ils redoutent probablement d’être jugés sur leur comportement, leurs connaissances, leurs questions. En effet, comme le dit E. Bourgeois (6), les enseignants notent les élèves, ils ont donc une position hiérarchique vis-à-vis d’eux. Dans le même sens, I.

Nisand, B. Letombe et S. Marinopoulos (7) rappellent que les enseignants sont investis par les parents pour l’éducation de leurs enfants. Cela peut avoir deux conséquences : les adolescents peuvent craindre que leurs confidences soient répétées à leurs parents, et ils peuvent repousser les enseignants car ils représentent l’autorité parentale. Cependant, comme nous l’avons vu plus haut, ce deuxième argument est moins vrai pour les jeunes adolescents que nous avons interrogés car ils ne sont pas encore en rupture avec leur entourage familial et les adultes de manière générale.

92 / 207 Il semble donc utile que ces séances d’information soient organisées avec le personnel de l’établissement, qui est connu et dont les compétences sont reconnues par les élèves ; mais les enseignants ne sont peut-être pas les personnes les plus adaptées.

III.4.1.5 L’infirmière scolaire

Les adolescents reconnaissent les compétences des infirmières qui appartiennent au corps médical, Mathieu nous dit : « Bah ça aurait été mieux, parce que c’est elle (l’infirmière) qui s’occupe des maladies ».

Elles sont plus neutres que les enseignants, sans lien avec les parents, et elles ont moins de rapport d’autorité avec les élèves puisqu’elles ne les évaluent pas.

Présentes au sein de l’établissement, leur intervention est gratuite (contrairement aux médecins) et la présence parentale et la carte vitale ne sont pas nécessaires pour bénéficier de leurs soins.

Cela concorde avec l'étude menée par I.N.S.E.R.M. réalisée en 1994 qui portait sur les demandes de soins des adolescents (39). En effet, l'infirmière scolaire était le deuxième professionnel de Santé sollicité, citée dans 40 % de cas. Il est donc regrettable qu’elles soient si peu nombreuses et en conséquence peu disponibles (35, 60).

Ainsi la place de choix des infirmières des établissements scolaires pour l’information sur la sexualité nous semble confirmée. Il serait donc souhaitable d’augmenter leur temps de présence dans les établissements scolaires, afin de leur permettre de répondre à cette demande et d’être plus disponibles pour les élèves avant, pendant et après les séances d’information sur la sexualité.

III.4.1.6 Les surveillants

Aurélie a proposé que les surveillants de l’établissement participent à cette information. Elle le justifie par le fait d’être plus proche d’eux : « Les pions… je m’entends mieux avec eux qu’avec les profs ». On peut se demander si ce rapprochement est lié à leur faible différence d’âge (comme on le verra plus loin dans cette partie) ou simplement au fait que le rapport de forces soit moins important qu’avec ses parents et les enseignants.

III.4.1.7 Les intervenants extérieurs

Les jeunes adolescents qui sont favorables à un intervenant extérieur pensent qu’ils ont plus de connaissances que leurs enseignants et qu’ils ont plus d’expérience pour animer ce genre de séances. Mathieu nous dit : « Bah, ce serait mieux, parce que c’est aussi leur domaine ». Dans son livre « Les jeunes, le sexe et l’amour : Comment leur en parler ? » (6), E. bourgeois dit qu’une personne étrangère est également plus facilement écoutée car elle présente l’attrait de la nouveauté.

93 / 207 Dans ce cas, les jeunes adolescents disent être favorables à ce qu’un enseignant assiste de façon passive ou active à la séance. Selon E. Bourgeois (9), I. Nisand, B. Letombe et S.

Marinopoulos (7), la présence active des enseignants est particulièrement recommandée pour plusieurs raisons.

Pour être identifiés comme personnes-relais auprès des adolescents car ils constituent une excellente solution pour parer aux problèmes en cas d’urgence. Ce que confirme Charlotte qui nous dit « Pour pouvoir en reparler avec eux après, extérieurement ».

Pour montrer aux élèves que le débat est ouvert et qu’il n’y a pas de normalité, en cas de désaccord avec le discours tenu par les intervenants : « Si mon prof il est là, ça change peut-être quelque chose, il donnera peut-peut-être son avis ».

Pour se rendre compte, parfois, des situations de détresse que peuvent vivre certains de leurs élèves et qui peuvent expliquer un manque d’attention ou des comportements difficiles en cours. On peut imaginer des situations de sévices sexuels par exemple qu’un élève viendra confier au cours d’une de ces séances.

Pour créer un nouveau lien élève / professeur, par le partage des idées sur un sujet plus humain et moins théorique qu’habituellement. « Ça peut être des adultes qui posent des questions, ils savent pas tout sur nous » nous dit aussi Emilie.

Enfin, pour assurer un rôle de coordination auprès des autres enseignants et du Rectorat, comme le prévoit les règles de l’Education nationale (16) et comme le souligne Charles-Antoine « Au prof principal de cette classe, pour qu’il soit au courant et puis un prof qui pourrait leur en parler ».

Comme nous l’avons évoqué, la place des enseignants au cours de ces séances est discutable et discutée. Il semblerait que l’idéal soit que l’infirmière scolaire puisse participer à ces séances. À défaut, elles pourraient en être informée et rencontrer les intervenants extérieurs qui animent les séances. C’est aussi ce que recommande E. Bourgeois (6).

III.4.2 Les critères de choix des adolescents pour les intervenants