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L’organisation de ces séances d’information

II- Organisation de l’éducation à la sexualité en France

III.6 L’organisation de ces séances d’information

III.6.1 Organisation générale de l’information sur la sexualité auprès des préadolescents

III.6.1.1 Information de masse en classe

Le collège semble pour beaucoup être un lieu adapté. Selon D. Dumas dans « La sexualité des ados racontés par eux-mêmes » paru en 2009 (1), à l’adolescence, avec la mise à distance de la famille, les jeunes trouvent de nouveaux lieux de socialisation : groupes d’amis, champ médiatique, sphère professionnelle, voyages, loisirs. Ainsi, le principal lieu d’élaboration culturelle de la conduite affective est-il devenu l’école.

Cependant, les jeunes adolescents que nous avons interrogés avancent d’autres arguments.

Ils assimilent souvent les séances d’information à des cours scolaires, pendant lesquels ils reçoivent un véritable enseignement et des explications, comme Déborah : «ça serait plus simple, un peu comme un cours ». L’école étant un lieu dédié à l’enseignement, il leur paraît logique que ces séances s’y déroulent: « C’est là que les jeunes peuvent apprendre », nous dit Clélie.

C’est également l’endroit où se situe l’infirmerie, lieu de soin, discret, gratuit et accessible à tous.

Les établissements scolaires sont le plus souvent munis d’un C.D.I. où les adolescents ont accès à un certain nombre d’ouvrages qui leurs sont dédiés et qui peuvent traiter du sujet, comme le précise Ismaël.

Enfin, c’est là que se déroulent les récréations et les rassemblements de classe, moments propices pour aborder le sujet entre amis.

Certains préfèrent que les séances soient organisées dans une salle de classe connue.

D’autres au contraire proposent plutôt une salle moins habituelle, comme Frédéric : « Nous c’était dans une salle à part, c’était bien » ou même une salle spécialement dédiée à ce genre de séances.

III.6.1.2 Information plus ciblée, en individuel À l’infirmerie :

Suite à l’information de masse donnée en classe, l’infirmière est sans aucun doute une personne de choix pour assurer ensuite une information plus ciblée. Les jeunes adolescents ont bien identifié l’infirmière scolaire comme interlocutrice de premier ou deuxième recours, comme le soulignent la Loi (16) et les auteurs comme E. Bourgeois, I. Nisand, B. Letombe et

102 / 207 S. Marinopoulos (7).

Nous avons soumis aux jeunes l’idée d’organiser des séances d’information à l’infirmerie pendant la pause-déjeuner, de façon régulière (une fois par mois, par exemple). Ils pourraient s’y inscrire par petits groupes avec les personnes de leur choix, y compris des élèves ne faisant pas partie de leur classe. Ils ont été plutôt séduits par cette proposition. Emilie propose de réunir les élèves par centre d’intérêt pour le sujet plutôt que par classe. Ce type de séance lui offrirait cette opportunité.

Cette méthode d’information nous paraît intéressante. La participation des élèves à ces

« réunions » et leur efficacité, en complément d’une d’information générale en classe, pourraient être évaluées.

En cabinet de Médecine Générale :

Dans notre étude, le cabinet médical est d’emblée proposé par certains préadolescents comme Cédric qui nous dit : « Dans un cabinet médical ce serait mieux qu’à l’école ». Ce sont en général les préadolescents qui sont favorables à une information uniquement individuelle, considérant que le sujet est personnel et qu’ils n’oseront pas poser leurs questions devant les élèves de leur classe. Il estiment que le personnel soignant est le seul interlocuteur avec lequel ils pourraient être à l’aise pour aborder la sexualité : « Un médecin, ça concerne le sujet, c’est pas pareil ».

Les revues spécialisées de pédiatrie et gynécologie, ainsi que le rapport du Haut Conseil de la Population et de la Famille rédigé par I. Nisand en 2006 soulignent qu’il est important que le médecin traitant soit identifié comme relais auprès des jeunes adolescents pour aborder le sujet de façon individuelle. La démarche peut provenir du médecin ou de l’adolescent lui-même (48, 106, 107, 108).

Il n’est pas aisé d’aborder la sexualité avec les adolescents au cours d’une consultation de 15 minutes, alors qu’ils sont souvent accompagnés de leurs parents et qu’ils consultent pour un autre motif. Dans sa thèse, en 2011, Charlotte Rodenbourg a proposé et évalué un outil d’aide à la communication pour les médecins traitants baptisé « 5S » (109). Elle propose aux médecins généralistes de poser 5 questions, dans l’ordre énoncé, au décours de la consultation :

- SEUL : sais-tu que tu peux venir seul(e) en consultation ? - SECRET : sais-tu que je suis tenu(e) au secret professionnel ?

- SEXUALITÉ : sais-tu que nous pouvons parler ensemble de sujets comme la sexualité ? - SOUCIEUX : te sens-tu concerné(e) par ces sujets ?

- SÉCURITÉ : as-tu déjà pris des risques dans ce domaine ?

Cet outil présente l’intérêt de s’adresser aux adolescents des deux sexes.

Les médecins investigateurs ayant utilisé cet outil ont pu aborder de façon significativement plus fréquente le domaine de la sexualité en consultation avec les adolescents. En

103 / 207 conséquence, les adolescents sont plus souvent revenus seuls en consultation et le déroulement des consultations s’en est trouvé modifié, les médecins accordant par la suite bien plus d’importance au suivi de leurs jeunes patients.

Le rapport Gallais de la S.F.M.G. : « Contraception des adolescents : places et leviers spécifiques de la médecine générale » (110) et le décret de 1993 (70) proposent que la vaccination contre le Human Papilloma Virus (H.P.V.), dont l’âge vient d’être avancé entre 11 et 14 ans (111), soit utilisée comme levier de communication pour aborder les questions de puberté et de sexualité avec les adolescentes et leur entourage.

Ces pistes mériteraient d’être mieux connues et utilisées par les médecins généralistes.

Par ailleurs, nous pensons que toutes les consultations pour vaccination ou délivrance de licence de sport pourraient être l’occasion d’aborder le sujet avec les adolescents et les adolescentes.

À la maison :

Nous remarquons que le domicile n’est pas évoqué par les jeunes adolescents que nous interrogeons. Le domicile est le lieu de vie familiale où l’information se fait plutôt de façon informelle, c’est peut être pour cela qu’ils ne pensent pas à le citer.

Cependant nous rencontrons aussi certaines situations où les parents n’abordent jamais le sujet avec leurs enfants, comme Mathieu. Dans ce cas, les jeunes adolescents considèrent que la cellule familiale n’est pas adaptée à ce type de discussion.

III.6.2 Organisation pratique des séances d’information sur la sexualité

III.6.2.1 Mixité des groupes

Les préadolescents favorables aux groupes mixtes pensent que le sujet concerne de la même façon les filles et les garçons car ils se posent les mêmes questions, Ismaël nous dit :

« Bah, c’est normal, c’est pour tout le monde, les garçons et les filles…pratiquement toute la classe se pose la même question ».

D’autres considèrent que les groupes mixtes permettent de savoir ce que les autres pensent et quels sont leurs questionnements ; Charles-Antoine l’exprime bien : « Quand les autres posent des questions, bah des fois, c’est des trucs qu’on n’aurait pas pensé tout seul ». Cela leur permet aussi de découvrir les questions que se posent les préadolescents de sexe différent.

Emilie nous dit par exemple : « Comme ça on a vu les questions des garçons et des filles ».

Il est intéressant de noter que ceux qui aimeraient avoir des séances mixtes, reconnaissent souvent ne pas oser poser toutes leurs questions devant les jeunes de sexe différent. On peut

104 / 207 se demander si la mixité des séances d’information ne serait pas justement pour eux un moyen de dépasser cette barrière.

Les jeunes adolescents qui ne sont pas à l’aise pour parler de sexualité avec des personnes de sexe différent n’ont pas réussi à argumenter leurs réponses. D’après F. Laurant, dans son rapport « Evolution du rôle des lieux et des organismes d’information et d’éducation à la sexualité » publié en 2004 (58) ; les niveaux de maturité et les attentes à l’adolescence diffèrent entre les filles et les garçons, ce qui se traduit par des attitudes de mutisme, de réserve, voire d’indiscipline et peut justifier des séances non mixtes. Selon E. Bourgeois (6), à cet âge, garçons et filles sont en compétition, ils ne sont donc pas à l’aise pour aborder le sujet ensemble. Plus tard, au lycée, ils envisageront la sexualité comme un sujet qui concerne « le couple » et pas distinctement la fille et le garçon.

Pourtant, le fait de parler de sexualité en présence des filles et des garçons au moins pendant une partie de la séance d’information est à la fois un moyen de leur faire comprendre que la sexualité se construit ensemble et de casser ce tabou.

Nous pensons donc que les séances d’information pourraient être divisées en plusieurs parties, mixtes et non mixtes.

III.6.2.2 Taille des groupes

Certains jeunes adolescents sont mal à l’aise en petit groupe et en individuel, car ils se sentent trop exposés. Pour eux, au contraire, le travail en classe est l’occasion d’apprendre grâce aux questions des autres, comme Laure et Emilie : « Je suis mal à l’aise toute seule, j’aime pas » ; « Toute la classe ensemble, ça permettrait de poser les questions ensemble ».

Pour d’autres, au contraire, les petits groupes permettent de s’exprimer plus facilement ; Jérémie dit « C’est plus facile quand il y a moins de monde de donner son avis ».

Certains ont même proposé qu’on les laisse constituer eux mêmes leurs groupes, par affinités, afin de parler plus librement avec des personnes qu’ils jugent « de confiance ».

Dans le livre « Et si on parlait de sexe à nos ados ? » (7), il est souligné qu’il est important d’adapter la taille de l’auditoire aux capacités de maîtrise de l’animateur, afin d’éviter le chahut.

Comme pour les débats, il est important de ne pas trop exposer les élèves. Cependant, nous pensons que ces séances d’information, organisées et encadrées, peuvent être l’occasion de leur démontrer que leurs opinions sont intéressantes et probablement partagées. Cela les aiderait à dépasser cette censure qu’ils s’imposent à eux-mêmes et favoriserait les communications ultérieures entre eux. C’est aussi une façon, en cas d’avis divergents, de montrer qu’il n’y a pas de vérité ni de normalité dans le domaine de la sexualité, tant que la dignité de chacun et la Loi sont respectées.

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III.6.3 Déroulement des séances d’information sur la sexualité

III.6.3.1 Préparation des séances

Nous avons vu que les préadolescents souhaitent une information adaptée à leurs connaissances, à leurs questionnements actuels, pour cela une préparation en amont de la séance est recommandée. Cédric nous fait observer que peu d’élèves posent de questions parce qu’ils ne préparent pas les séances d’information : « On n’avait pas réfléchi avant ».

Corentin nous propose qu’intervenants et élèves préparent la séance ensemble en commençant par demander aux élèves de poser leurs questions avant la séance, pour en adapter le contenu

« Poser des questions avant le cours, et après on fait le cours en fonction des questions qui ont été posées ». Lise nous rapporte que son enseignante avait pris soin d’évaluer le niveau de connaissance des élèves avant la séance d’information, ce qui lui avait permis d’intervenir en conséquence.

Cette évaluation des connaissances et des questionnements des élèves avant ou au début de la séance semble indispensable pour répondre à leurs attentes. Cela permettrait d’augmenter leur participation et leur intérêt pour ces séances et d’en tirer un maximum d’informations.

III.6.3.2 Rythme des séances

Tous les jeunes ont proposé d’organiser la séance en plusieurs parties, comme Cédric :

« D’abord tous ensemble et par groupes, après, pour mieux parler ». Certains envisagent la séance idéale sur une journée complète. Ils sont plusieurs à avoir fait observer que le temps consacré à l’information à la sexualité est trop court.

Ils proposent de commencer la séance par les généralités en classe entière, puis de séparer les élèves en petits groupes (mixtes ou non) pour poser leurs questions, approfondir, débattre, faire des « jeux éducatifs »… Plusieurs auteurs, comme E. Bourgeois (6), I. Nisand, B.

Letombe, S. Marinopoulos (7), vont dans ce sens : commencer par une partie théorique simple et précise pour leur vider la tête des questions qu’ils se posent et montrer les compétences de l’intervenant, et plus tard aborder les questions plus émotives et répondre aux questions écrites, anonymes, auxquelles on leur laisse le temps de réfléchir.

F. Baruch, dans l’école des parents en 2009 (112) privilégie le scénario inverse : partir des questions des jeunes, et pour cela débuter en séparant les filles et les garçons pour qu’ils soient plus à l’aise pour s’exprimer. De même, les adolescentes interrogées par E. Martinez (103) étaient favorables à des séances en deux temps (surtout au collège) : filles et garçons séparés au début, puis regroupés.

Nous pensons que quel que soit l’ordre choisi, l’important est de permettre à chaque élève de pouvoir s’exprimer et obtenir les réponses à ses questions au cours de la séance.

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