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Les attentes des adolescents

II- Organisation de l’éducation à la sexualité en France

III.2 Les attentes des adolescents

III.2.1 Une information respectueuse

Les adolescents insistent sur le respect de leur pudeur et de leur intimité, comme le prévoit la Loi de 2003 (16). Mathieu, Ismaël ont été dégoûtés par les séances d’information sur la sexualité dont ils ont bénéficiés dans le passé : Mathieu nous dit : « Elle était trop directe… faut se retenir », Déborah dit aussi « Y’a des questions un peu trop personnelles et qui concernent pas toute la classe ».

85 / 207 Ils aimeraient qu’on prenne en compte leur timidité en permettant aux élèves les plus réservés de poser leurs questions par exemple par écrit. Charlotte nous explique : « Moi qui suis timide, ça (poser les questions par écrit) me permettrait de poser mes questions et avoir mes réponses quand même ».

Dans le livre « Et si on parlait de sexe à nos ados ? » publié en 2012 (7), I. Nisand, B.

Letombe et S. Marinopoulos insistent sur la nécessité de privilégier des moyens d’expression anonymes, par écrit, car les questions dévoilent beaucoup l’intimité des élèves. En parallèle, il est important de prévenir les élèves que des entretiens individuels sont possibles par la suite, au cours desquels ils seront libres de s’exprimer.

Les jeunes adolescents évoquent également l’importance du respect des différentes religions ou opinions sur le sujet, ce qui est également prévu par la Loi de 2003 (16) qui précise : « Cette éducation, qui se fonde sur les valeurs humanistes de tolérance et de liberté, du respect de soi et d'autrui, doit trouver sa place à l'école sans heurter les familles ou froisser les convictions de chacun, à la condition d'affirmer ces valeurs communes dans le respect des différentes manières de les vivre ».

Respecter les jeunes adolescents et prendre en compte leur timidité nous semble être fondamental afin de ne pas les traumatiser et les conduire à rejeter ces séances d’information.

III.2.2 Une information adaptée

Les préadolescents interrogés soulignent l’importance d’avoir une information sur la sexualité qui soit progressive dans le temps, adaptée à leur âge et qui tienne compte de leurs connaissances acquises antérieurement et de leurs questionnements. Charles-Antoine propose : « Poser des questions avant le cours et après on fait le cours par rapport aux questions qui ont été posées ».

Dans ce sens, L’Association Nationale des Centre d’Interruption de grossesse et de Contraception (A.N.C.I.C.) propose une écoute attentive de la demande des adolescents pour travailler à partir de leurs paroles et de leurs questionnements « du moment » (94). Cela permet de délivrer des messages qui tiennent compte du contexte, de la demande et de l’âge de l’adolescent (6).

La théorie constructiviste de Piaget, expliquée dans le manuel de Psychologie « Enseigner à des adolescents », écrit par C. Golder et D. Gaonac’h en 2001 (88), précise que si les contenus abordés ne sont pas adaptés aux élèves, ces derniers ne seront pas en mesure de les appréhender ni de les assimiler car ils ne possèdent pas encore les opérations mentales adéquates. L’enseignant doit proposer aux élèves des situations pédagogiques « à la frontière de ce que l’élève est sur le point de comprendre » pour le faire progresser. La théorie cognitive, plus récente, se développe sur l’idée qu’apprendre ne consiste pas à empiler des connaissances. Il est nécessaire de comprendre pour apprendre. Les connaissances antérieures sont indispensables au processus d’apprentissage car elles représentent le berceau pour accueillir de nouvelles connaissances. Une information qui ne pourrait être rattachée à une connaissance antérieure n’est pas pertinente et ne peut pas être mémorisée. Cela nécessite par ailleurs que l’enseignant adapte son discours dans son contenu et dans sa forme

86 / 207 Comme le réclament les jeunes de notre étude, pour mémoriser les informations transmises, les intervenants doivent donc s’appuyer sur leurs connaissances et travailler à partir de leurs questionnements et de leurs paroles pour les amener à réfléchir sur des notions nouvelles, mais qui sont à leur portée.

III.2.3 Une information de qualité

Les préadolescents que nous interrogeons insistent tous sur l’importance de la fiabilité de l’information qu’ils reçoivent. Ils font preuve d’un esprit critique et comparent les différents avis qu’ils récoltent ; comme Lise : « Elles (ses amies) n’ont peut-être pas appris les bonnes choses, c’est pour ça que je préfère poser la question à plusieurs personnes pour voir s’ils disent la même chose ». Ils sélectionnent aussi les sites Internet qu’ils consultent.

Nous pensons que cela s’explique par leur jeune âge. Les jeunes adolescents ne sont pas encore rentrés dans leurs « crise d’adolescence ». Ils sont encore très réceptifs aux discours de leurs parents et enseignants et plutôt méfiants à l’égard des sources extérieures.

Cela démontre bien l’importance d’informer les jeunes adolescents tant qu’ils ne sont pas en rupture avec leurs éducateurs habituels.

III.3 Les modes d’information des adolescents

III.3.1 L’auto-information

« Le matin quand mon père nous dépose devant le collège, moi j’ai remarqué qu’il y a un distributeur où il y a écrit DUREX, et j’ai vu une pub DUREX à la télé, alors je me suis dit que ça devait être un distributeur de préservatifs » : notre entretien avec Ismaël illustre bien que l’information sur la sexualité se poursuit au delà des conversations avec les parents et les enseignants. La vie de tous les jours leur offre de multiples occasions de s’auto-éduquer parce que le cerveau humain est toujours en quête d’apprentissage, selon Piaget (88).

Certains préadolescents préfèrent chercher eux-mêmes les réponses à leurs questions, dans des livres par exemple, ou sur Internet : Ismaël nous dit encore « Ces questions-là je préfère les résoudre moi-même, enfin, je suis capable ! ». En effet dans la thèse de Clémentine Bonnet-Chasles qui a évalué les connaissances de la campagne « Comment choisir sa

contraception » et les connaissances sur les nouveaux moyens de contraception auprès de 295 lycéennes en 2009 (95), Internet et les médias sont la deuxième source d’information sur la sexualité pour les adolescents, après le cercle amical.

Il est donc important au cours des séances d’information sur la sexualité de les aider à choisir des sources d’informations qui soient fiables.

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III.3.2 Des questions restent sans réponses

Si certains adolescents s’arrangent pour chercher les réponses à leurs questions, d’autres, comme Margaux et Aurélie restent sans réponses. Cela nous interroge : est-ce par pudeur, par tabou ou même par honte de leurs questions ou de leur ignorance ? Pourquoi certains adolescents ne cherchent-ils pas de réponses à leurs questions alors qu’ils ont à disposition des moyens d’information facilement accessibles ? Est-ce par manque d’intérêt, par fatalisme ? Ou bien par crainte d’être découverts ? Préfèrent-ils encore rêver et garder l’image qu’ils se sont fait du sujet ?

III.3.3 Les risques des médias et de la pornographie

R. Poulin, dans « Les jeunes, la pornographie et la sexualisation précoce » paru en 2007 (96) et M. Marzanno dans « La pornographie ou l’épuisement du désir » paru en 2003 (97) et dans « « Alice au pays du porno » Ados: Leurs nouveaux imaginaires sexuels » paru en 2005 (98) ainsi que le rapport de B. Kriegel sur la violence à la télévision pour le Ministère de la Culture en 2003 (99) dénoncent les risques que présentent certains médias et l’accès des jeunes à la pornographie.

En effet, la sexualité est largement sollicitée dans nos sociétés modernes, notamment dans le cadre de la publicité, les magazines, les séries télévisées, les télés-réalités, sur Internet (sites de rencontre et réseaux sociaux...). Les médias véhiculent souvent des valeurs plus esthétiques et narcissiques que morales et affectives et favorisent une forme d’impudeur dans les échanges et une surexposition de l’intimité (7).

Il en résulte un étalage du corps, surtout féminin, comme objet à exploiter. La valeur de la femme est réduite à sa capacité à plaire et séduire. On incite ainsi les jeunes à penser que les relations sexuelles et l’attrait entre les hommes et les femmes n’appartiennent qu’au domaine du physique (100, 101). La valorisation des performances sexuelles et l’éloge de la jeunesse débouchent sur la perte des repères intergénérationnels (96).

De plus, le besoin de voir et de comprendre des adolescents rencontre facilement les offres du cinéma pornographique qui est très accessible (7) : 30% du public pornographique serait âgé de 13 à 14 ans. Trois garçons sur quatre et une fille sur deux commencent à regarder des œuvres pornographiques avant l’âge de 14 ans (96, 98, 7). La pornographie serait le deuxième moyen d’information des jeunes (54). 60% des garçons affirment qu’elle inspire leur vie sexuelle, fantasmes et désirs (96) et plus de 40 % des jeunes y puisent des idées pour leurs rapports sexuels. C’est dommage, car la pornographie donne une représentation de l’acte sexuel à base de simulations, de fictions et souvent d’actes illicites (93), où la sexualité ne se construit pas, mais est immédiate et consumériste (97, 7), et se focalise davantage sur le plaisir masculin et bien souvent l’humiliation de la femme. Pourtant, les auditions de N. Bajos (directrice de recherche à l’Institut National de le Santé et de la Recherche Médicale (I.N.S.E.R.M.)) et de J. Mossuz-Lavau (directrice de recherche au Centre National de la Recherche Scientifique ( C.N.R.S )) concluent que « toutes les mesures visant à accroitre l’autonomie et le respect des femmes favoriseront les attitudes et les pratiques contraceptives et préventives, parce qu’elles contribuent indirectement, à modifier les normes sociales en matière de sexualité » (101).

Enfin, pour les plus jeunes, en cours de maturation, ces images peuvent être très anxiogènes,

88 / 207 en particulier les très gros plans, le plaisir « sur joué »... Les jeunes ignorent que ces films sont réalisés avec des montages et en plusieurs prises. Cela pourrait engendrer plus tard des difficultés ou des conduites sexuelles déviantes, lorsqu’ils vivront leur propre sexualité. Ces risques sont majorés par le fait qu’ils n’osent pas en parler avec des adultes (99).

Déjà à 11-12 ans, les préadolescents que nous interrogeons consultent Internet, regardent librement la télévision et risquent de voir des images choquantes, de s’identifier à des personnalités peu exemplaires et recevoir des informations fausses sur la sexualité. Afin d’éviter que les adolescents aient besoin d’aller chercher leurs réponses dans la pornographie, et d’éviter déception, traumatismes et angoisses, il est nécessaire d’établir le dialogue avec ces jeunes adolescents, et de les prévenir du caractère fictif et erroné des messages transmis par certains médias, sites, films ou ouvrages pornographiques. Enfin, il faut les prévenir du danger d’entrer en communication avec des personnes inconnues sur Internet.

III.4 Quelles personnes peuvent informer les jeunes sur la