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Le personnel de la petite enfance à Genève et la formation professionnelle

Le personnel de la petite enfance est constitué presque exclusivement par des femmes, souvent jeunes. Les hommes sont extrêmement rares (3.7 % selon une récente enquête). Jusqu’à récemment, le personnel changeait fréquemment et, pour une grande partie, quittait le métier après quelques années de travail. Les conditions de travail plus favorables introduites par la Convention collective de la Ville de Genève (reprise en grande partie par les communes du Canton) en 1992 ont peut-être amené une plus grande stabilité. Le personnel travaillant dans la petite enfance se répartit en deux grandes catégories :

Les personnes formées : Educatrices/Educateurs du jeune enfant Formation en trois ans, niveau tertiaire II, à plein temps (avec une alternance de stages et de cours théoriques) ou en emploi (cours théoriques pendant deux jours par semaine et emploi le reste du temps).

Actuellement, la situation sur le plan de la formation est en train de changer considérablement. A la rentrée 2005, une formation aboutissant à un Certificat fédéral de capacité d’assistant socio-éducatif a vu le jour. Les personnes titulaires de ce CFC auront une formation généraliste leur permettant de travailler dans les EMS, en éducation spécialisée, dans le domaine de la petite enfance, et dans les métiers du parascolaire et de l’encadrement de loisirs des enfants.

Parallèlement, la formation d’éducatrice du jeune enfant évolue et, depuis août 2006, elle aboutit au titre d’Educateurs/Educatrices de l’enfance, formés pour accueillir des enfants de 0 à 12 ans. Dès lors, la spécificité petite enfance disparaît. La formation ne fait pas partie des formations en travail social de niveau HES, mais reste à un niveau tertiaire II.

Les personnes sans formation reconnue dans le domaine de la petite enfance : Auxiliaires

Des personnes ayant un CFC, une maturité ou une formation de niveau équivalent dans un domaine quelconque peuvent être engagées comme auxiliaires. Ainsi, certaines auxiliaires ont des formations de niveau universitaire ou HES, d’autres un CFC de décoratrice ou d’employée de commerce. Elles sont rémunérées à 80 % du salaire d’une éducatrice. Elles sont comptées dans les taux d’encadrement pratiquement au même titre qu’une éducatrice. Elles peuvent par exemple s’occuper de sept enfants de 3 à 4 ans, une éducatrice de huit. Elles assument souvent le même travail, mais leur statut est mal défini. La responsabilité de la prise en charge incombe cependant à l’éducatrice. Mais comment est-il possible pour une auxiliaire de travailler avec

des enfants et de prendre toutes les micro-décisions qui s’imposent à chaque instant sans assumer de responsabilité ?

Ici encore, il est intéressant de noter que le métier d’éducatrice du jeune enfant a mis en place des protections relativement importantes face aux autres métiers du travail social. Un éducateur spécialisé, un psychomotricien ou une personne avec un diplôme universitaire en sciences de l’éducation peut ainsi être engagé comme auxiliaire seulement, et n’a pas accès aux postes d’éducatrices. Une procédure de validation des acquis a été mise en place très récemment, mais n’a pas encore donné les résultats escomptés. Actuellement, vu la pénurie de personnel formé, ces personnes formées dans le social peuvent obtenir des dérogations transitoires pour occuper un poste d’éducatrice du jeune enfant. Les éducatrices du jeune enfant ne pourront cependant pas prétendre à un statut de personnel formé, ni dans l’éducation spécialisée, ni dans l’animation sociale.

Aides

Les contrats d’aide sont prévus pour des jeunes femmes, âgées de 16 à 22 ans, intéressées à entreprendre une formation d’éducatrice du jeune enfant. Ils leur permettent d’acquérir l’expérience préalable demandée pour entrer à l’école. Ils sont en principe limités à une année, mais peuvent parfois se prolonger.

Les normes de la Protection de la Jeunesse prévoient un pourcentage de 2/3 de personnes diplômées pour 1/3 de personnes non-diplômées. Un taux de 50% - 50% est cependant « toléré », en situation de pénurie de personnel diplômé. Actuellement, la répartition effective en Ville de Genève est de 60%

de personnes diplômées pour 40 % de personnes non diplômées (DPE, 2004, p. 29). En cas de remplacement de personnel diplômé, et en raison de la difficulté à trouver des remplaçantes diplômées, les taux d’auxiliaires et d’aide peuvent prendre temporairement une part encore plus importante.

Au personnel fixe (éducatrices, auxiliaires et aides) s’ajoutent les personnes qui suivent des stages avant et pendant la formation d’éducatrice. Il y a également une demande assez importante pour des stages d’observation d’une durée variant de quelques jours à plusieurs semaines. Les théories qui démontrent la complexité du travail auprès des jeunes enfants entrent ainsi en contradiction avec le fait que jusqu’à la moitié du personnel éducatif ne dispose pas forcément de formation spécifique dans le domaine. S’occuper de petits enfants sans mettre en danger leur santé mentale est, selon les théories du développement existantes, difficile. Cependant, cette complexité n’est pas forcément soutenue par une formation spécifique pour une grande partie du personnel.

Comme déjà évoqué, la situation sur le plan de la formation est en train de changer considérablement. Lors de la création des HES dans le domaine social, de nombreux débats ont eu lieu concernant la petite enfance. Il a

finalement été décidé au plan fédéral, que le métier d’éducatrice de la petite enfance n’a pas la complexité requise pour faire partie des HES.

Cependant, sur le plan romand, l’école de l’EESP à Lausanne s’est transformée en HES. Elle a mis en place une formation d’Education sociale qui englobe la formation dite d’ « éducateur spécialisé », en vue de travailler dans

« toutes les institutions de l’éducation extrascolaire et extrafamiliale au sens large » (EESP, 2004). L’introduction des HES n’a pas amené d’harmonisation entre la Suisse allemande et la Suisse romande ou entre les cantons dans le domaine de la petite enfance. Les disparités cantonales subsistent. C’est lors de l’introduction du Certificat fédéral de capacité d’assistant socio-éducatif en 2005 qu’une approche de formation sur le plan fédéral a vu le jour pour la première fois. Ce CFC amène pour de nombreux cantons suisses allemands une légitimation de leur politique de formation et une harmonisation sur le plan fédéral, alors que pour les cantons suisses romands il s’agit plutôt d’un retour en arrière, notamment pour Genève et les cantons de Vaud et du Valais.

Sur le plan fédéral, le métier d’éducatrice de la petite enfance a été mis en question lors des débats concernant la création des HES et du CFC. Quelle est sa complexité, quelle est sa spécificité, quel est le niveau de formation adéquat ? Sur le plan cantonal, ces interrogations sont reprises. Politiquement, la demande pour plus de places en crèche est largement soutenue. Les enjeux sociaux et économiques actuels provoquent une augmentation constante de la demande. Le coût de la petite enfance augmente ainsi de plus en plus :

La prise en charge éducative dans le cadre familial ne coûte … rien. Ou plus exactement les coûts de cette activité privée […] restent invisibles car ils ne sont pas socialisés. La mère de famille ne reçoit pas de salaire en contrepartie du temps, du travail et des compétences mises en œuvre pour prendre soin et éduquer ses enfants. […] Le développement de l’externalisation éducative a sur ce point deux effets. D’abord un effet de visibilité sociale des coûts. […] Ensuite, un effet de transfert de charges, et c’est sur ce point que se heurtent les politiques sociales. Les charges d’exploitation des lieux d’accueil de la petite enfance dépassent largement la part des contributions parentales directes. (Meyer et al. 2002, p. 24)

Cette augmentation de coût et les interrogations concernant une professionnalisation du métier d’éducatrice de la petite enfance amènent une mise en question fondamentale du métier en tant que tel. Pour économiser, des politiciens mettent en question le niveau de formation requis, les taux d’encadrements nécessaires et les instances de contrôle et de surveillance à mettre en place. « Pas besoin d’être bardé de diplômes pour savoir torcher des enfants » énonce ainsi un politicien lors d’une conférence de presse, en novembre 2006 ! (Lalive D’Epinay, 2006).

Il est ainsi impératif de définir les savoirs spécifiques à ce métier afin de soutenir la professionnalisation du métier d’éducatrice de la petite enfance.