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La personnalisation de la communication et des référents de l’organisation.103

Partie I. La communication sur Internet : la communication par l’argumentation et les

Chapitre 3. Rôle de la confiance et co-construction de connaissances par la

3.1. Le contexte relationnel sur Internet

3.1.2. La personnalisation de la communication et des référents de l’organisation.103

3.1.2.1. Le principe de la personnalisation des référents pour chaque usager

Un courant de pensées préconise d’utiliser tous les moyens de communication existants afin d’établir une connaissance poussée des usagers dans le but de leur proposer des référents adaptés à leurs besoins. Peppers et Rogers86 ont popularisé l’idée d’une personnalisation, au début des années 1990, en proposant le terme de « one-to-one ». Ce terme désigne l’idée selon laquelle une organisation doit se doter des moyens nécessaires – accessibles à tous à travers l’outil Internet – pour communiquer et traiter individuellement les besoins et désirs de ses usagers, notamment de ses usagers les plus profitables.

Aux principes d’acquisition et de fidélisation87 des usagers, il convient d’ajouter le principe de personnalisation. Cet ajout implique un changement dans la relation entre l’organisation et l’individu. L’organisation utilise Internet pour tenter d’établir des échanges qui permettront de recueillir les informations nécessaires à la personnalisation. Alors que les politiques marketing étaient fondées autour des quatre « P » du mix-marketing – symbolisant le Produit, le Prix, la mise en Place (Distribution) – et la Promotion (Communication) –, la communication relation, ou plus exactement le marketing relationnel au sens des sciences de gestion, propose d’identifier chaque usager ; de différencier chaque usager ; de communiquer avec chaque usager ; de personnaliser les référents et les messages pour chaque usager.

85 Boullier D. [1999], « L’industrialisation des désirs dans le marketing en ligne : nouvelles figures du client et de la médiation », Colloque Penser les usages, Bordeaux, 7-9 juin.

86 Peppers D., Rogers M. [1998], op. cit.

87 Les usagers sont dits « fidèles » à une organisation lorsqu’ils utilisent de manière préférentielle le référent de cette organisation.

Kotler et Dubois définissent l’objectif du « one-to-one » – dans une optique de marketing – comme le fait

« [d’]attirer et [de] fidéliser des clients rentables. Un client rentable est un individu, un ménage ou une entreprise qui rapporte au fil des années davantage qu’il ne coûte à attirer, convaincre et satisfaire » (Kotler P., Dubois B. [1994], p. 47).

La personnalisation consiste à sélectionner les usagers jugés intéressants pour l’organisation, puis échanger avec ces usagers sur le long terme afin de récolter des informations sur chacun des usagers, via les techniques d’acquisitions de données et l’utilisation récurrente du site.

L’objectif est d’offrir un référent unique à chaque usager afin que l’usager engagé envers un référent soit d’autant plus enclin à maintenir son engagement que le référent qui lui est proposé est proche de ce qu’il désire. Le maintien de l’engagement de l’usager envers un référent permet à l’organisation d’économiser sur le coût de recherche d’un usager additionnel tout en maximisant l’efficacité de son référent grâce à une connaissance accrue de l’usager et donc des moyens de l’influencer.

L’usager est considéré comme une des valeurs principales de l’organisation. Les théories de « un pour un » s’appliquent notamment dans le cadre d’un commerce électronique basé sur l’achat et le paiement en ligne de référents exposés sur les sites Web des organisations. Le management de la relation client par Internet s’oriente vers une valorisation de la relation à travers les possibilités d’échanges et d’adaptabilités des référents et messages en direct. Ceci, grâce à une interface technologique qui est accessible en continu et qui favorise une collecte des informations indispensables à l’amélioration de la relation.

L’organisation s’adapte en permanence aux réactions de l’usager. Il y a donc une « mise en relation constante et directe pour du sur mesure en série » (Gardere E. [2001], p. 375). Cette vision rompt avec celle du passé, et parfois encore présente, d’organisations qui avaient souvent tendance à considérer qu’un usager était acquis pour toujours. Il était courant d’accepter de perdre dix usagers pour en gagner dix autres.

La personnalisation permet de créer une barrière à la sortie : le switching cost est défini par Shapiro et Varian88 comme

« la valeur d’un consommateur verrouillé [c’est-à-dire] la somme des coûts de changement pour le consommateur et de la contrepartie financière de l’avantage compétitif [du] produit, en termes de qualité et de coût » (Tabatoni [2000], p. 111). Le switching cost consiste ainsi à verrouiller l’usager sur son référent : une fois l’usager engagé et les référents personnalisés, l’usager aura d’autant plus de difficultés à changer d’engagement car l’usager devra refaire un effort de connaissance, de test et de validation de l’organisation et de ses référents. Le switching cost est un concept particulièrement utile lorsque la demande d’un référent est

« une demande extrêmement fluctuante caractérisée par des individus qui ne cessent de modifier leurs comportements selon les circonstances rencontrées et qui, en conséquence, sont de plus en plus difficiles à repérer à l’aide des traditionnels outils » (Lemoine [2001], p. 56).

En effet, de nombreux usagers en ligne ont acquis une autonomie dans leurs choix et n’ont plus de réponses prédéfinies sur les engagements envers un référent. L’organisation fait face à un :

« ensemble instable, difficilement définissable car animé d’émotions – peur, joie, plaisir, responsabilité, éthique – qui guident l’acte d’achat » (Gardere E. [2001], p. 375).

L’apport principal de la personnalisation est d’offrir un environnement et un référent adaptés aux attentes des usagers. Cela permet d’établir une relation de fidélité à long terme basée sur la confiance et le respect des services annoncés aux usagers intéressants. La personnalisation tend à diminuer le comportement de zapping. Ces caractéristiques expliquent l’acceptation et l’intégration de la personnalisation des usagers comme faisant partie intégrante de la stratégie de communication en « un pour un ».

88 Shapiro C., Varian H. [1999], Économie de l’Information : Guide stratégique de l’économie des réseaux, De Boeck Université, Paris.

L’atout majeur d’une organisation se trouve dans la conversation avec ses usagers par l’écoute et l’apport d’informations personnalisées. L’organisation ne cherche pas seulement à améliorer sa relation avec son partenaire à l’échange. Elle cherche également à consolider le lien qui l’unit à l’usager. Dans le cadre de cette théorie, le coût d’acquisition d’usagers supplémentaires est vu comme trop élevé pour laisser partir son « capital » usager. L’organisation fait dès lors la différence entre un usager « standard » et un « bon » usager, en ce sens que le premier sera informé de manière massive et anonyme, tandis que le second bénéficiera d’une communication nominative et « individualisée ». Ainsi, l’organisation aurait désormais la possibilité de proposer un plus grand nombre de référents à des usagers connus qui coûtent moins cher et répondent plus favorablement aux sollicitations.

Il a été constaté quelques signes de personnalisation sur des sites d’organisations. L’offre de personnalisation peut se diviser en trois parties :

 en fonction de l’importance relative de certains usagers par l’envoi de communications plus ciblées ou plus personnalisées ;

 par le signe de reconnaissance de l’intervenant via l’inscription des principales caractéristiques descriptives du visiteur – nom, prénom, adresses de facturation et livraison ;  en fonction de l’historique des actes engageants et de celui des navigations.

La personnalisation par le signe nécessite l’identification préalable, alors que la personnalisation en fonction de l’historique des actes engageants ne le nécessite pas.

Il s’agit, tout d’abord, de mettre en place les systèmes techniques de capture des données. Par la suite, ces données devront être collectées pour accéder à une vue d’ensemble de l’attitude globale d’un usager particulier comme des comportements spécifiques de l’ensemble des visiteurs face à un service ou un lien hypertexte donné. Ce processus d’exploitation et d’analyse de toutes ces données, peut être la source d’une meilleure connaissance des comportements pour lancer par la suite les procédures de personnalisation.

Les applications de la personnalisation des référents sont notamment fortement présentes lorsque les référents de l’organisation sont des services.

Nous avons réalisé une interview de la responsable de la communication en ligne de l’organisation 3 suisses afin d’obtenir une vision professionnelle des évolutions de la relation aux usagers en ligne et des évolutions des comportements de ces usagers. L’organisation 3 suisses a créé une boutique thématique en ligne avec une autonomie d’animation par rapport au catalogue. L’objectif a été, d’une part, de mettre en place des dispositifs techniques pour répondre aux attentes des usagers – amélioration de la visibilité des référents et démonstration de référents récents –, et, d’autre part, de donner une réelle autonomie et un sentiment de proximité. Les rubriques « Suivre vos commandes » ainsi que « De vous à nous »,

« représentent une réelle valeur ajoutée du Web pour les usagers des 3 Suisses. L’usager est autonome et peut consulter librement son suivi de commande. Par ailleurs, ceci est un réel atout pour l’organisation par la diminution du nombre des appels par téléphone » (Dihlmann [2005]).

La proximité permet de créer une signature et un lien différent des autres sites …

« Le rôle [de la tribu, de l’horoscope et des recettes de cuisine] est un rôle de différenciation par rapport aux autres canaux de distribution de 3 Suisses et de la concurrence. Ce contenu répond à une attente d’informations complémentaires (nouveauté, actualité, ludique). Pour le site Web, il s’agit de l’un des leviers de fidélisation » (Dihlmann [2005]).

… et favorise également la diminution du sentiment de crainte lors de l’engagement :

« La crainte n’est pas encore totalement résorbée. Nous mettons en avant le numéro de téléphone 3 Suisses pour répondre à cette crainte. Ceci rassure et laisse aussi une alternative pour passer sa commande » (Dihlmann [2005]).

Toutes les organisations en ligne ne pratiquent donc pas, par intérêt ou incapacité, la personnalisation. Par exemple, l’organisation 3 Suisses « [effectue] un ciblage pour [leurs] offres, mais [ne va] pas jusqu’au one-to-one qui ne [lui] paraît pas adapté au type de produits [qu’ils commercialisent] » (Dihlmann [2005]).

« Les données recueillies sont primordiales pour bien connaître nos [usagers] et ainsi adapter notre discours et notre offre aux différents profils examinés » (Dihlmann [2005]).

Deux méthodes de collecte d’informations participent à la création d’une vision globale de l’usager en ligne : la déclaration volontaire d’informations et l’observation des comportements de navigation de l’usager en ligne.

La déclaration volontaire d’informations de la part de l’usager est encouragée par l’organisation. Les organisations mettent en place des services nécessitant en contrepartie une inscription en ligne, essentielle à la réalisation d’une action. Les jeux et concours sont notamment utilisés par les organisations pour acquérir des informations sur les utilisateurs du Web. Les jeux et concours proposés sont un des moyens de faire connaître l’environnement de l’organisation et d’acquérir des données sur ces utilisateurs. Ils s’inscrivent dans un contexte de libre choix de consultation. La validation de l’engagement est une source importante de données permettant d’identifier nominativement l’usager.

L’observation des comportements de navigation permet la collecte d’informations au cours de la visite d’un site, notamment par l’installation d’un cookie sur l’ordinateur du visiteur89. Que les usagers se soient identifiés ou non, les techniques de reconnaissance basées sur les cookies permettent d’enregistrer le comportement de navigation de l’utilisateur de l’ordinateur90. Ces techniques permettent ainsi de capitaliser toutes les informations liées à l’usage du site. L’analyse des temps passé sur le site, des pages visitées ou du panier d’achat moyen offre la possibilité aux organisations de mieux cerner les comportements des visiteurs et d’adapter le site en fonction de ceux-ci. Cette démarche, dite hypothético-déductive, s’inspire de la « psychologie cognitive [qui] part du postulat [qu’] il existe une relation forte entre […] les conduites et les activités mentales, puisque ces dernières auraient pour fonction de gérer les conduites. On peut donc explorer les activités mentales de manière indirecte, en observant le comportement [de l’usager] » (Chapelle G. [2002], p. 52). L’observation du comportement de navigation à travers les pages visitées – le

89 Le cookie est un fichier installé sur l’ordinateur de l’usager. Les cookies permettent d’obtenir l’adresse de l’ordinateur, l’heure, les engagements effectués, les documents téléchargés, le dernier site visité, le pays, l’existence d’une visite antécédente sur le site, le temps passé, etc. Le fichier cookie mémorise certaines caractéristiques du contexte de l’usager.

90 L’organisation ne peut être sûre d’identifier à chaque visite le même utilisateur de l’ordinateur en cas d’usage de celui-ci par plusieurs individus.

clickstream – permet d’accéder à des informations qui ne sont pas visibles dans les relevés totaux

du nombre d’actes d’engagement. L’analyse des comportements de navigation renseigne également les organisations sur le degré d’adhésion des usagers en ligne aux différents stimuli proposés – par exemple, les vidéos de sensibilisation ou les annonces d’évènements.

Les usages des techniques d’observation des pages visitées et d’enregistrement de données en ligne s’orientent vers des systèmes de collecte de données avec une inscription et transmission d’un nom et d’une adresse de courriel. Cette approche est orientée vers l’indication de données personnelles de la part de l’usager souhaitant entrer en contact avec l’organisation : l’usager intéressé fait une demande d’information. Ces coordonnées servent ensuite au contact direct avec des usagers ayant préalablement acceptés volontairement d’être sollicités.

Ainsi, dans un contexte d’usage d’Internet, les organisations ont accès à des informations supplémentaires sur les comportements des usagers précédant l’acte d’engagement.

3.1.2.2. La nature de la communication dans la personnalisation des référents pour chaque usager

Comment est perçu un courriel d’une organisation célébrant l’anniversaire d’un usager ? Dans un contexte de concurrence, les actes de personnalisation pourraient bien évidemment démarquer l’organisation aux yeux des usagers – en leur donnant un sentiment d’intérêt et d’appartenance à un groupe social et culturel –, mais lorsque de nombreuses organisations utilisent cette forme de contact dans leurs correspondances, les usagers reçoivent-ils de la même manière cette surabondance d’actes « personnalisés » ? Boullier évoque en ce sens la « réduction tendancielle du taux d’attention à une suite de [sollicitations qui] finit par devenir contre-productive » (Boullier D. [2009], p. 239).

En effet, la personnalisation se matérialisant notamment par des affichages automatisés de certains identifiants de l’usager – « Bonjour Bruno Asdourian » –, l’usager en ligne a tendance à ne pas/plus prendre en compte ces communications « technique » de l’organisation. D’un point de vue technique, le site d’une organisation dépose sur l’ordinateur du visiteur un logiciel collectant les informations sur le comportement de navigation. Pour autant, le cookie n’est

valable que si un usager d’Internet utilise le même ordinateur pour consulter un site et si l’ordinateur est utilisé uniquement par cet usager. Cette condition n’est souvent pas respectée. Bien que les cookies apportent une avancée intéressante pour la démarche d’apprentissage de l’organisation, la mise en place de ceux-ci peut poser un problème d’éthique sur la liberté de navigation et le désir d’anonymat sur Internet – outre les aspects juridiques et réglementaires qui limitent la recherche et le stockage de certaines informations91. Certains logiciels proposent de les effacer ou d’inhiber le processus d’identification géographique. Ces craintes à l’égard de la traçabilité sont généralement issues d’une volonté d’échapper à l’emprise de l’organisation qui observe de manière discrète et automatique l’usager en ligne. Le rôle de la communication et de l’instauration d’une relation de confiance – notamment dans une relation marchande – est de parvenir à montrer que l’utilisation de ces techniques est source d’avantages communs. L’adaptation du référent proposé en fonction de chaque usager participe à l’acceptation du cookie par l’usager. L’usager sera d’autant plus enclin à intégrer cette pratique, qu’il aura décidé, individuellement et volontairement, d’entrer dans une relation de long terme.

Le manque de confiance ou d’intérêt pour un site d’une organisation peut amener les utilisateurs à saisir des données volontairement erronées lorsque ces données sont obligatoires pour poursuivre la navigation. Il est donc nécessaire d’examiner la question de la confiance/méfiance de l’usager en ligne.