• Aucun résultat trouvé

Partie I. La communication sur Internet : la communication par l’argumentation et les

Chapitre 1. Mise en scène du texte faisant appel à la rationalité des usagers :

1.1. L’argumentation comme persuasion en ligne

« L’homme étant supposé rationnel, on présume qu’il adhérera aux arguments qu’on lui soumet, pour peu évidemment que ces arguments soient raisonnables, cette adhésion se traduisant par une modification de ses idées » (Joule R.-V., Beauvois J.-L. [1998], p. 7)

Selon Breton40, argumenter c’est communiquer et raisonner mais également ne pas manipuler. Ainsi, il convient que l’acte d’argumentation se place dans le cadre d’un rapport explicite et libre

39 Descartes R. [1637], Discours de la Méthode, Édition récente : [1997], Le Livre De Poche, Paris, p. 91. 40 Breton P. [2001], L’argumentation dans la communication, La Découverte, Paris, pp. 16-17.

entre des partenaires s’échangeant des opinions valables en utilisant des moyens éthiques de persuasion. Dès lors, l’argumentation n’est pas un simple acte d’information au sens où celle-ci serait distribuée ou exprimée. Il s’agit d’une situation où il y a une dynamique de confrontation d’idées dans le but de convaincre. De plus, l’objet de l’argumentation est de provoquer un changement du point de vue de l’auditoire dans le sens d’une meilleure adhésion aux représentations de l’émetteur. Cette argumentation est nécessaire car une opinion argumentée est un « point de vue qui suppose toujours un autre possible, ou qui, dans le débat par exemple, s’oppose à d’autres » (Breton P. [2001], p. 28). C’est donc entièrement en ceci que se place la relation car les organisations doivent convaincre les usagers non seulement de s’engager, mais aussi de les percevoir comme étant en phase avec leurs besoins. Dès lors, tout acte de démonstration, pour autant qu’il soit vraisemblablement correct ou/et vérifiable, est un appel à convaincre le public par l’usage d’une argumentation.

Le maintien d’un usager dans son engagement s’obtient par l’acceptation des idées de l’organisation. L’orateur argumente pour essayer de persuader le destinataire. L’organisation doit avoir une communication telle qu’elle persuade l’usager que l’adhésion à ses idées a un sens particulier qu’il ne retrouverait pas chez les organisations concurrentes. L’art de l’argumentation doit être de promouvoir l’attachement à une organisation et ses idées. Cette adhésion véhicule une image sociologique de l’individu. Cela suppose, bien entendu, la connaissance d’arguments appropriés aux individus vivants dans un contexte socioprofessionnel et culturel particulier. Suivant l’argumentaire choisi, un individu sera plus ou moins réceptif selon son courant de pensée, ses appartenances intellectuelles, sociales, professionnelles, etc. Toutefois, il existe des méthodes dont les résultats sont connus par avance, comme la séduction par la mélodie de la phrase. En effet, il y a une rationalité dans l’acceptation de phrases construites dans une figure de style séduisante. Ce sont des phrases qui, dites « à l’oral comme à l’écrit […] enjolivent le discours en le rendant agréable à entendre » (Breton P. [2001], p. 5). La phrase serait automatiquement valide dès lors qu’elle est bien construite et qu’elle possède une belle mélodie. Tout le débat est dans l’utilisation de cette technique : s’il s’agit de véhiculer des messages vérifiables, cela reste de l’argumentation positive, sinon nous tombons dans la manipulation. La tâche est donc complexe pour la communication des organisations. Mais, prenons tout d’abord appui sur l’analyse du schéma du processus d’argumentation de Breton afin de mettre à jour son

Opinion

Figure 5 : Le schéma de la communication argumentative – Breton41

Ce schéma se situe dans le cadre triangulaire classique organisation/usager/référent. Pour argumenter, l’orateur façonne la sémantique de ses opinions afin d’obtenir un changement de mentalité de l’auditoire dans le sens d’une adhésion à ses propres idées. Pour ce faire, l’orateur doit user de techniques morales d’argumentation, de même que s’adapter aux contextes de réception de la cible. Ainsi, une même organisation pourra aisément utiliser différents types d’arguments de communication en s’adressant à plusieurs groupes de personnes culturellement différents sans qu’en soit modifiée sa philosophie source. Dès lors, tout acte d’argumentation correspond à une « transformation d’une opinion en argument en fonction d’un auditoire particulier » (Breton P. [2001], p. 21).

41 Breton P. [2001], op. cit., p. 20.

Argumentation

Orateur

Auditoire

Le schéma de Breton permet de montrer comment l’organisation fait passer son opinion à l’usager via une communication d’arguments. Ce mécanisme est mis en place dans un contexte de réception propre à l’usager. La communication est diversifiée du fait de la variété des usagers et donc des contextes de réception. L’objectif est donc de faire intégrer les opinions via l’argumentation. Rappelons qu’il faut que chaque usager « fasse sienne[s] » (Breton P. [2001], p. 19) les propositions conceptuelles des organisations. Il y a une « réappropriation des informations par l’individu » (Fourquet M.-P. [2001], p. 134). Il s’agit donc de transformer une opinion A en une opinion B. L’orateur doit faire des choix quant aux arguments et aux types de relation voulus avec l’auditoire, de même que l’auditoire adoptera une ligne de conduite et de réception de ces arguments. Il est dès lors possible de faire le parallèle avec le monde de la communication organisationnelle. L’organisation positionne sa communication argumentative selon un mode qui peut être plus ou moins éthique et proposer une relation plus ou moins proche de ses usagers, qui, à leur tour, ont une totale liberté dans les modalités de réception des messages. Si l’organisation est orientée vers une relation de court terme, elle peut être tentée d’émettre des arguments discutables mais acceptés par les usagers. Ces usagers pourront modifier défavorablement leur regard sur les organisations qui ont un discours critiqué. À l’inverse, une communication axée sur la répétition du cycle orateur-arguments-auditeur-orateur… dans le cadre d’une relation de long terme contenant des arguments sensés et honnêtes favorise une meilleure acceptation des messages et donc une meilleure modification des comportements d’engagement dans le sens souhaité par l’organisation.

Ainsi, l’argumentation est bien un processus dans lequel une relation doit s’être installée pour qu’il y ait ce libre transfert de conception via la communication de l’organisation. « Toute communication a donc pour vocation d’influencer, c’est-à-dire qu’elle vise à former, renforcer ou modifier les représentations et attitudes du récepteur […] dans le sens souhaité par l’organisation et selon le projet à réaliser » (Fourquet M.-P. [2001], p. 133).

Le sens perçu par les récepteurs du message est issu d’un cycle d’encodage et de décodage du texte. Livingstone42 attire l’attention sur les limites pragmatiques de la réception du texte. Selon Livingstone, le sens d’un texte ne fait pas partie intégrante du texte. Il n’y a plus de raison pour que le message soit décodé comme il a été encodé. L’auditeur peut manipuler le texte – retirer, répéter, etc. – et la réception se construit dans un contexte caractérisé par l’existence de « communautés interprétatives » (Livingtone S. [2007], p. 12). Ainsi, « le décodage et l’interprétation du texte sont fondamentalement dépendants du contexte social et local ainsi que de l’expérience et des connaissances du récepteur » (Livingtone S. [2007], p. 3)43.

Aujourd’hui, la particularité des technologies de l’information et de la communication et notamment de l’Internet est qu’elles permettent d’afficher et d’adapter instantanément des annonces communicantes aux caractéristiques recueillies de chaque usager.

Les deux formes de promotion sur Internet retenues par Bourliataux44 sont :

 les formes promotionnelles passives ayant des ressemblances avec les encarts publicitaires de la presse ;

 les formes promotionnelles interactives s’adaptant aux usagers.

L’Internet est par ailleurs devenu un argument en lui-même dans l’acceptation du message par l’usager. En effet, au commencement d’Internet, les organisations ont fait appel à la représentation sociale de cet outil dans leurs campagnes télévisuelles afin de promouvoir leurs idées. C’est notamment le cas pour les spots télés du yaourt BIO de Danone45. Ces publicités utilisaient un écran d’ordinateur connecté à Internet pour montrer les effets physiques de leurs

42 Livingstone S. [2007], Audiences and interpretations, e-Compos, vol. 10, pp. 1-22, consultable sur :

http://eprints.lse.ac.uk/5645/. 43 Traduction personnelle.

44 Bourliataux S. [2000], « Marketing et Internet : le cas de la « e-publicité », Revue Française de Gestion, vol. 20, n° 129, pp. 101-102.

référents. Nous pouvons nous interroger sur le besoin d’utiliser le Web pour faire apparaître des animations qui existaient autrefois sans son appui.

Cette interprétation se base sur la représentation mentale des citoyens concernant l’outil Internet qui n’était encore que légèrement implanté en France et essentiellement utilisé dans des grandes organisations commerciales ou scientifiques. Dès lors, en faisant une référence explicite à l’utilisation du Web dans les annonces télévisuelles afin d’argumenter sur les principes actifs des référents, les communicants se servaient de l’image de scientificité et de rationalité qu’avaient les néophytes du Web.

Nous venons de définir certains principes et usages de l’argumentation dans la mise en scène du texte afin d’obtenir l’acceptation des référents de l’organisation et qu’ils modifient leurs comportements dans le sens souhaité par l’organisation. Nous allons nous intéresser à présent aux théories qui mettent en évidence la possibilité de faire émerger un processus cognitif d’auto-persuasion qui agit, cette fois-ci, sur les comportements afin de modifier les idées de l’usager.