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En premier lieu, comme toute pratique de gestion, la gestion patrimoniale fait appel à l’utilisation d’outils de gestion (CHIAPELLO et GILBERT, 2013). D’ailleurs, tous les rapports d’étude sur cette thématique en font mention (COUR DES COMPTES, 2009, 2012, 2013 ; AMUE, 2000, 2007 ; IGAENR, 2009, 2010). Ainsi, en tant qu’élément essentiel à la pratique de la gestion du patrimoine, la notion d’outil est entendue comme un élément formel, « signe, technique,savoir-faire local et élémentaire, dont le but est d’orienter ou de faciliter une action collective » (DE VAUJANY, 2006), et destiné à appréhender le patrimoine ou les règles de sa gestion.

Dès lors, nous envisageons d’appréhender cette notion dans le cadre de la performance patrimoniale, entendue dans le sens de CARASSUS et al. (2011) comme l’utilisation optimale des ressources affectées, dans une optique rétrospective, mais aussi par l’aptitude, présente et à venir, à créer et fournir des services aux utilisateurs en exploitant des actifs tant matériels qu’immatériels du patrimoine. De plus, toujours dans ce cadre, la performance patrimoniale doit aussi prendre en compte les effets et impacts des politiques publiques liées. Cette définition englobante de la performance patrimoniale se fonde conséquemment sur le quadryptique objectifs-moyens-réalisations-effets (MAUREL et al., 2014).

Dans ce sens, nous démontrons que les outils de gestion doivent passer de la traduction du paradigme de contrôle à une logique de pilotage patrimonial (LORINO, 1997). En effet, les outils du contrôle patrimonial traditionnel sont plutôt employés dans une logique de surveillance ou de vérification dans les domaines budgétaires, comptables, administratifs et règlementaires (WRITH, 1986 ; SIMONS, 1995 ; BATAC et al., 2009). Dans ce sens, une telle instrumentation semble caractérisée par une temporalité courte, par une utilisation bornée au niveau stratégique, mais aussi par une finalité managériale plutôt liée aux activités relevant du

sources de plusieurs limites fréquemment soulevées par la littérature (CROZIER, 1991 ; BREID, 1994 ; LONING et al., 2013).

C’est pourquoi, nous proposons que les outils de la gestion patrimoniale puissent dépasser ce premier cadre pour s’inscrire dans le système du pilotage (LORINO, 1997), et dans une définition multidimensionnelle de la performance (MAUREL et al., 2014). A cette fin, les outils paraissent devoir évoluer sous plusieurs angles. Tout d’abord, concernant leur niveau d’utilisation, les outils doivent se développer afin de mieux prendre en considération toutes les catégories d’acteurs de l’organisation de la fonction patrimoniale : du niveau stratégique vers le niveau opérationnel de terrain (ANTHONY, 1965, 1988). Effectivement, en plus du niveau stratégique, les instruments doivent être employés par des acteurs de terrain, dans le but d’intégrer davantage de données qualitatives, et de concerner les prises de décisions quotidiennes tournées vers l’action (LONING et al., 2014).

Ensuite, du point de vue de leur temporalité, au-delà de la prise en compte du court terme, les outils de gestion du patrimoine doivent mieux prendre en compte des mesures de moyen et de long terme (BREID, 1994). Il en va de la capacité des organisations publiques locales à gagner en prévision et en prospection sur leurs ressources patrimoniales, et sur l’adaptation de ces dernières aux besoins locaux.

Enfin, les outils du pilotage patrimonial doivent évoluer sur le plan de leurs finalités managériales. Non plus seulement tournés vers un contrôle règlementaire, organisationnel et financier (OTLEY, 1999, BATAC, et al., 2009), c’est-à-dire vers la gestion des opérations administratives et juridiques sur les biens immobiliers, la gestion de la sécurité et des grosses opérations d’investissement sur le patrimoine, les outils doivent prendre en charge tous les domaines de la gestion patrimoniale. Effectivement, même si la complexité et la diversité des activités de la gestion du patrimoine nuit au pilotage de l’ensemble des pratiques (KEENEY,1982), les outils du pilotage patrimonial doivent intégrer à la fois les domaines du

Property, du Facility et de l’Asset Management (NAPPI-CHOULET, 2007).

En conséquence, nous tirons de ces éléments de littérature une proposition de recherche générale sur les outils, que nous divisons en trois sous-propositions présentées ci-dessous.

Tableau 13 - Propositions de recherche liées au modèle des outils du pilotage patrimonial

P1 Les outils du pilotage patrimonial public local sont caractérisés selon leur niveau

d’utilisation, leur temporalité et leur finalité.

P1.1 Les outils du pilotage patrimonial public local couvrent des niveaux d’utilisation à la fois stratégiques, administratifs et opérationnels.

P1.2 Les outils du pilotage patrimonial public local couvrent des temporalités court, moyen et long-termistes.

P1.3 Les outils du pilotage patrimonial public local couvrent les finalités

managériales immobilières d’Asset, de Property et de Facility Management.

En conséquence, sur la base de ces éléments de littérature, nous proposons un modèle d’analyse de l’instrumentation de la performance patrimoniale qui reprend la logique d’évolution des outils de la gestion du patrimoine, du contrôle vers le pilotage (Cf. figure 17).

En second lieu, outre la caractérisation des outils du pilotage patrimonial, nous nous intéressons aussi à l’organisation de la gestion du patrimoine. Effectivement, en tant que pratique, la mise en œuvre de la gestion patrimoniale répond à des modalités d’organisation que nous cherchons à caractériser. Nous envisageons ainsi deux dimensions pour analyser les modes d’organisation de la gestion du patrimoine, l’une structurelle, et l’autre processuelle. Ces deux axes de lecture doivent nous permettre de prendre en compte plusieurs facettes de la complexité d’une organisation.

A travers la structure organisationnelle tout d’abord, nous étudions plus précisément le degré de centralisation ou de décentralisation (RONDINELLI, 1981 ; RONDINELLI et al., 1983) de la fonction patrimoine publique locale. Effectivement, alors que les organisations ont eu une large tendance à adopter des structures plutôt centralisées dans les années 1970 (THIETART, 2012), la littérature relève les limites de ce type d’organisation et souligne au contraire les avantages de la décentralisation organisationnelle (MADDICK, 1963 ; RONDINELLI et al., 1983 ; HELFER, KALIKA et ORSONI, 2000). Cette dernière est source de plus réactivité, en rapprochant les prises de décision du public, elle permet aussi d’augmenter la qualité des services fournis. Néanmoins, il apparaît qu’un certain équilibre soit à trouver au sein des organisations entre décentralisation et maintien d’une certaine unité (THIETART, 2012). Dans ce sens, nous démontrons que l’organisation du pilotage patrimonial doit dépasser la logique de centralisation pour intégrer un certain niveau de décentralisation, sans mettre en péril la cohésion et le pilotage de l’ensemble. C’est pourquoi, nous proposons d’inscrire ce processus dans la clé de lecture de la performance publique locale.

Ensuite, la seconde dimension de caractérisation de l’organisation que nous retenons est celle de l’approche organisationnelle. Nous utilisons les travaux de BURNS et STALKER (1961) pour tenter de qualifier les organisations de mécanistes ou d’organiques. Selon la littérature, alors que les approches mécanistes étaient plutôt employées dans des environnements simples et stables au sein desquels elles produisaient de multiples avantages (WEBER, 1947), les organisations adoptent des approches organiques lorsque leur environnement se complexifie. En effet, l’environnement est reconnu comme un des facteurs de contingence

important influençant les organisations (MINTZBERG, 1982 ; LAWRENCE et LORSH, 1967). Ainsi, la crise d’efficacité des systèmes bureaucratiques, associée à une plus grande instabilité des environnements, pousse les organisations à mettre en œuvre des structures plus souples, moins formalisées, garantissant une plus grande capacité d’adaptation (MINTZBERG, 1982). C’est pourquoi, nous proposons que l’organisation du pilotage patrimonial cherche à s’inscrire dans une approche plutôt organique, privilégiant la souplesse et l’adaptation. Ce mode d’organisation semble à privilégier dans une démarche de pilotage patrimonial et de recherche de performance exogène (CARASSUS et al., 2011), tournée vers une meilleure réponse aux besoins des usagers.

Tableau 14 - Propositions de recherche liées au modèle de l'organisation du pilotage patrimonial

P2 L’organisation du pilotage patrimonial public local est caractérisée selon sa structure et son approche organisationnelle.

P2.1 L’organisation du pilotage patrimonial public local se caractérise par le degré de centralisation ou de décentralisation de sa structure organisationnelle.

P2.2 L’organisation du pilotage patrimonial public local se caractérise par une approche organisationnelle mécaniste ou organique.

Dès lors, d’après ces éléments de littérature, nous proposons un modèle d’analyse de l’organisation du pilotage patrimonial public local, reprenant la logique d’évolution des modes d’organisation (Cf. figure n° 18).

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