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La nécessité du développement des outils d’une gestion patrimoniale performante

PATRIMONIAL PUBLIC LOCAL

2.1 La constitution d’une grille d’analyse instrumentale du pilotage patrimonial local

2.1.2 La nécessité du développement des outils d’une gestion patrimoniale performante

Les organisations publiques de manière générale s’inscrivent dans un mouvement de fond lié au « managérialisme » (LETORT et FABRE, 2014). Cela se traduit par l’utilisation de méthodes managériales conduisant à une utilisation plus efficiente des ressources et à l’atteinte des objectifs d’une organisation (GANGLOFF, 2009). Aussi, pour CHATELAIN-PONROY (2010), le « managérialisme » est un des facteurs environnementaux qui a influencé le besoin d’outils de contrôle de gestion dans les organisations non marchandes. Force est de constater que la gestion patrimoniale n’échappe pas à ce mouvement général.

Effectivement, si la thématique de la gestion patrimoniale n’est que très peu abordée dans la littérature francophone, de nombreux travaux nord-américains, dans les années 1990, soulignent et mesurent l’importance des actifs immobiliers d’exploitation dans le secteur privé (GALE et CASE, 1989 ; TEOH, 1993 ; PITTMAN et PARKER, 1989 ; VEALE, 1989). Ces études indiquent que la plupart des actifs des entreprises sont souvent mal gérés, voire inconnus par les entreprises elles-mêmes. Les raisons de cette carence du management immobilier sont notamment soulignées par DUCKWORTH (1993). Dans ce sens, et d’un point de vue managérial, l’immobilier représente la catégorie d’actifs la moins bien gérée, la moins bien connue par les entreprises, souvent par manque d’inventaires, d’indicateurs de mesure de leur performance, ou de système d’information (RODRIGUEZ et SIRMANS, 1996). Ces éléments mettent donc en exergue la faiblesse des outils de gestion du patrimoine.

Si, dans un premier temps, les collectivités locales semblent pouvoir mobiliser des outils s’inscrivant dans le cadre du contrôle patrimonial (2.1.2.1), nous verrons que ces derniers doivent évoluer et s’intégrer dans le paradigme du pilotage (2.1.2.2).

2.1.2.1 L’existence et les limites des outils du contrôle patrimonial

De manière traditionnelle, les organisations semblent utiliser des outils relevant du paradigme du contrôle19. Dans ce cadre, les significations traditionnelles du contrôle concernent la vérification, l’inspection ou bien la surveillance. Or la comptabilité peut notamment être analysée comme un des éléments fondamentaux du contrôle interne dans les organisations publiques (BATAC et al., 2009).

En conséquence, les outils utilisés ont une dimension financière forte, et ils sont assez majoritairement dédiés à la régularité et la conformité du processus budgétaire et comptable. L’instrumentation ainsi employée permet de déployer et de suivre la bonne exécution du budget voté (WATHELET, 2000), d’analyser les coûts, et d’effectuer du reporting budgétaire et comptable. Ces outils sont également envisagés dans une finalité de surveillance et de vérification des crédits alloués au patrimoine, et réellement consommés. Dans cette logique, les outils du contrôle patrimonial s’assurent du respect des règles administratives et comptables régissant les collectivités locales, alors entendu comme un contrôle par les entrées (WIRTH, 1986).

Or, ces outils du contrôle connaissent plusieurs limites, évoquées par CROZIER (1991), en se focalisant sur une forme de contrôle qui ne semble pas suffisante, ni dans le but de garantir la conformité des opérations, ni pour assurer la maîtrise de la gestion dans des organisations complexes comme celles du secteur public local. Dès lors, les outils paraissent insuffisants à plusieurs égards (LONING, et al., 2013). En effet, ces derniers ne semblent pas assez opérationnels, et il est impossible de connaître les causes de mauvais indicateurs financiers lorsqu’il n’existe pas d’indicateurs de terrain. De plus, ces outils possèdent un caractère rétrospectif, a posteriori, qui se borne à relever des dégradations financières, mais qui nuit à tout réaménagement de gestion. Enfin, ils ont tendance à privilégier le court terme, en

négligeant voire dévalorisant le long terme. En outre, ces considérations rejoignent les travaux d’OTLEY (1999), selon lequel le contrôle de gestion doit dépasser sa vision classique, en intégrant non seulement des outils de dimension financière, mais aussi en accordant plus d’attention « à des éléments négligés comme la stratégie et les opérations ».

Finalement, l’instrumentation du contrôle patrimonial semblent ne garantir que la conformité à des normes, en privilégiant le suivi des moyens au détriment du contrôle des finalités de l’action publique. BATAC et al. (2009) qualifient alors ces types de contrôle, de « normatifs, bureaucratiques ou administratifs ». De cette façon, les outils n’abordent pas les questions de l’adéquation de l’offre à la demande de service public, la satisfaction des utilisateurs du patrimoine, ou bien encore de l’adaptation des actions ou activités engagées dans le but d’atteindre de meilleurs résultats (BORGONOVI et BROVETTO, 1988).

C’est pourquoi, les organisations publiques locales, qui s’inscrivent de plus en plus dans une perspective de performance publique (GAUZENTE, 2000), tendent à développer des outils relevant du pilotage patrimonial.

2.1.2.2 Vers l’instauration d’outils du pilotage patrimonial

Face à l’évolution des finalités du contrôle, passant d’un contrôle traditionnel par les moyens à une logique de résultats (CARASSUS et al., 2008), les outils doivent en effet aussi s’adapter. Ainsi, l’accent est mis sur trois qualités des outils de pilotage (LONING et al., 2013).

En premier lieu, les outils de pilotage doivent permettre d’anticiper. Dans ce sens, ils envisagent des scénarios possibles de gestion, leurs éventuelles conséquences et les actions qui devront être prises. De surcroît, ces outils, de par l’information qu’ils traitent en amont, permettent de détecter, et de prévoir certaines situations. Appliquées à la gestion du patrimoine, ces considérations prennent tout leur sens puisqu’il paraît indispensable dans ce domaine de développer la capacité de prospection et d’anticipation d’une collectivité sur un patrimoine immobilier caractérisé par une importante inertie.

En second lieu, les outils du pilotage doivent faire une plus grande part aux facteurs explicatifs. En effet, face à des situations de gestion complexes, il est nécessaire de mieux comprendre

les causes des effets constatés. Par manque d’explications, il paraît difficile de mettre en place les mesures adaptées. Aussi, compte tenu de sa complexité, la gestion patrimoniale montre un besoin explicatif important face à des problématiques multiples.

Enfin, les outils de pilotage doivent être orientés vers l’action, et tournés vers la prise en compte de données physiques et qualitatives. Ces dernières paraissent effectivement plutôt proches du terrain. Le pilotage ne concerne alors non plus seulement les niveaux stratégiques d’une organisation, mais aussi les acteurs opérationnels confrontés au terrain. En effet, tandis que les données financières ont des qualités synthétiques et d’agrégations, les données physiques et qualitatives sont davantage intéressantes dans les prises de décisions quotidiennes.

De manière complémentaire, les outils du pilotage doivent prendre en compte la stratégie et les objectifs de la gestion patrimoniale d’une collectivité locale, mais aussi les résultats et les impacts des actions menées sur le patrimoine (BATAC et al., 2009). Dans ce sens, à travers la vision des risques et des opportunités que les outils apportent à une institution, ces derniers concentrent une grande partie des enjeux de la gestion patrimoniale, en s’inscrivant dans une démarche d’optimisation de la performance organisationnelle. Appliquée aux ressources patrimoniales, cette dernière, définie par CARASSUS et al. (2011) dans une logique pluridimensionnelle est appréhendée non seulement par l’utilisation optimale des ressources affectées, dans une optique rétrospective, mais aussi par l’aptitude, présente et à venir, à créer et fournir des services aux utilisateurs en exploitant des actifs tant matériels qu’immatériels du patrimoine. De plus, toujours dans ce cadre, la performance patrimoniale doit aussi prendre en compte les effets et impacts des politiques publiques liées. Il en découle alors une définition englobante de la performance patrimoniale fondée sur le quadryptique objectifs-moyens-réalisations-effets.

Une fois les objectifs définis dans le cadre d’une stratégie patrimoniale appréhendant les besoins sociétaux, les moyens sont alors mobilisés de manière adaptée, permettant la production du service public lié et générant des effets positifs, dans une dimension politico-environnementale, sur le territoire concerné. De plus, l’évaluation de la performance suppose

que l’on puisse définir une articulation entre court terme et long terme (BOUQUIN,1998 ; TELLER, 1999). Par conséquent, les outils d’une gestion patrimoniale performante semblent devoir être guidés non seulement par une approche à la fois endogène, centrée sur la collectivité, et exogène, focalisée sur la relation de la collectivité avec son territoire, mais aussi par une logique à la fois court-termiste, axée sur des données quantitatives et financières, et long-termiste, caractérisée par des données plus qualitatives et stratégiques.

L’instrumentation d’une gestion patrimoniale performante peut alors être analysée, dans le même sens qu’ATKINSON et al. (1997), comme un système de coordination, de suivi et de diagnostic, ces trois dimensions connaissant dans certains cas des interrelations. Dans la première voie, ces outils permettent d’aider l’organisation à mettre en œuvre la fonction patrimoniale. Le système de mesure de performance permet ainsi d’informer tous les acteurs de l’organisation, y compris au niveau opérationnel, des actions à engager concernant les ressources patrimoniales, en fonction des objectifs stratégiques globaux définis en amont. Les besoins des utilisateurs sont également appréhendés afin de fournir un support bâtimentaire au service public le plus proche de la demande, en matière de qualité, de sécurité et de règlementation. De surcroît, cette première approche des outils revêt un intérêt majeur en matière de gestion du patrimoine, puisque l’enjeu d’un tel système réside aussi dans le fait de créer du lien et de la cohérence entre de multiples activités liées à l’immobilier, bien souvent éclatées au sein des organisations. Ensuite, les outils de mesure de la performance organisationnelle sont examinés comme un système de suivi et d’information. En effet, les objectifs stratégiques immobiliers définis préalablement sont observés, en pratique, par la mesure de leur niveau d’atteinte. Ces outils aident l’organisation à évaluer la contribution qu’elle apporte en moyens immobiliers, ainsi que le retour attendu de ses usagers. Les instruments permettent aussi de guider la définition et le développement des processus opérationnels de l’organisation. De ce fait, ils se doivent de faciliter la circulation de l’information et les procédés de communication entre agents travaillant sur un même sujet, le patrimoine, mais parfois dans des services distincts avec des objectifs différents.

Au-delà de cette mesure et de la comparaison à des normes fixées préalablement, l’existence de ces systèmes permet également l’information des responsables concernés sur le niveau

de performance atteint par la gestion patrimoniale de manière intrinsèque, mais aussi sur son ajustement à la politique de l’institution. Par exemple, une fois les actions engagées et les mesures effectuées, les instances dirigeantes peuvent être informées sur la performance patrimoniale, en ce qui concerne l’atteinte des objectifs (BOURGUIGNON, 1995). Enfin, les outils de mesure de la performance organisationnelle peuvent être analysés comme un système de diagnostic. Effectivement, ils permettent la compréhension des relations entre les performances locales des différentes activités de la gestion du patrimoine, et la performance globale de la fonction patrimoniale dans son ensemble ainsi que de son concours à la stratégie de la collectivité. Ces outils aident l’organisation à évaluer la contribution des résultats de différents processus et activités de la gestion du patrimoine, notamment au niveau opérationnel, sur sa performance totale. Cette finalité demande toutefois une attention particulière sur un domaine qui fait interagir de nombreux objectifs et des acteurs traditionnellement dissociés, ainsi qu’une réflexion préalable sur les relations de causes à effets entre les différents processus et activités.

En outre, RAMOND (1993) précise que le contrôle des résultats d’une organisation doit prendre en compte plusieurs impératifs : « garder une vision globale »,« enrichir la vision du manager opérationnel », « nourrir l’analyse et le diagnostic des responsables d’unités », et enfin « doter la direction générale d’un système d’information et de contrôle lui permettant de remplir pleinement sa fonction de pilotage stratégique ». Dans cette voie, BREID (1994) propose des évolutions aux outils de pilotage selon trois facteurs : l’horizon temporel, le niveau de couverture des facteurs contribuant à la performance, et la dimension comportementale.

À la vue de cette littérature, et dans l’objectif d’appréhender la performance de la gestion patrimoniale, il semble indispensable de se doter d’un cadre conceptuel nous permettant de définir les outils de gestion et leur articulation dans un système global de management. De cette façon, cette recherche avance la proposition d’un cadre d’analyse reposant sur trois dimensions, nous permettant de décrire l’instrumentation de la gestion du patrimoine.

2.1.3 La proposition d’un modèle de caractérisation des outils du

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