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Les perceptions à propos des parcours prémigratoire et migratoire

Chapitre IV – Présentation des résultats

4.2 Présentation des résultats

4.2.1 Les perceptions à propos des parcours prémigratoire et migratoire

Le premier thème qui va guider la présentation des résultats est celui des parcours prémigratoires et migratoires des participants. Cette section présentera une analyse de la situation des participants en Colombie, de leur parcours professionnel avant la migration, des réseaux sociaux dont ils faisaient partie en Colombie ainsi que des raisons pour lesquelles ils ont migré à Québec.

4.2.1.1 Leur situation en Colombie

La plupart des participants ont fait mention de leur statut socioéconomique et de leurs conditions de travail lorsqu’il s’agissait de parler de leur situation en Colombie. Huit participants étaient sur le marché du travail et occupaient des emplois qualifiés dans différents domaines professionnels, tels l’ingénierie, les sciences de la santé, les sciences humaines et sociales, l’art et le design et les relations internationales. En général, le fait

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d’occuper un emploi au niveau professionnel était lié à un statut socioéconomique stable et, dans certains cas, favorable. Certains participants donnaient des exemples concrets de ce que signifie avoir un statut socioéconomique stable ou favorable, comme le fait, pour les enfants, de fréquenter une école privée, le fait d’occuper un emploi lié à sa formation professionnelle, le fait que la personne et sa famille aient accès à différents services ou le fait que la personne était propriétaire d’une maison. Toutefois, même en occupant un emploi qualifié, quatre participants (Arturo, Esperanza, Georgina et Juliana) ont souligné que leurs conditions de travail en Colombie n’étaient pas favorables. Arturo occupait un emploi qualifié dans le domaine administratif, qui n’était pas lié à sa formation universitaire en relations internationales. Après avoir fini ses études universitaires, il découvrit la réalité du marché de l’emploi dans son domaine, qui n’était pas encourageante. Il réussit à obtenir des postes administratifs, mais de durée temporaire. Cela représentait sa situation jusqu’à ce qu’il déménage au Québec. Quant à Esperanza, elle occupait un poste permanent qui occupait une grande partie de temps. Elle spécifie : « La vie en Colombie est beaucoup plus dure, les horaires de travail sont beaucoup plus longs et souvent, j’arrivais à la maison vers 21h le soir

3». Georgina, pour sa part, mentionne aussi son insatisfaction par rapport au type de contrat

dans lequel elle était engagée, qui était de durée temporaire. Elle travaillait depuis dix ans dans le domaine de la santé sans pour autant avoir un poste permanent. Elle affirma ceci : « Le fait de ne pas avoir une stabilité au travail rend plus difficile la réalisation de tes projets à long terme ». Juliana travaillait également dans le domaine de la santé. Pour sa part, elle fait référence à la rémunération salariale, qu’elle considérait insuffisante pour le poste qu’elle occupait et le nombre d’heures qu’elle travaillait. Afin de couvrir ses besoins, elle occupait plus d’un emploi et travaillait les fins de semaine.

Trois participants étaient aux études au moment de la migration. Benjamin venait de terminer l’école secondaire en Colombie. Diana, pour sa part, menait une formation universitaire dans le domaine de la relation d’aide. Ses études ont été suspendues lorsque sa famille a reçu des

3 La traduction de l’espagnol au français des récits des participants est faite par moi-même. Pour lire les récits

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menaces de mort et qu’ils ont demandé le refuge auprès du Canada. En ce qui concerne Francisco, il menait lui aussi des études universitaires dans le domaine social; des études qui n’ont pas été achevées en raison de menaces contre sa famille, ce qui les a poussés à demander le refuge au Canada.

4.2.1.2 Les réseaux sociaux en Colombie

La famille était le réseau social le plus important pour la totalité des participants à l’étude. Cinq participants (Benjamin, Diana, Francisco, Juliana et Lorenzo) habitaient avec des membres de leur famille tels leurs parents, leurs frères et leurs sœurs. Diana, par exemple, habitait dans le même édifice que ses parents, mais dans un appartement différent. Elle habitait avec sa fille et son mari, mais ce dernier voyageait beaucoup à cause de son travail. Pour Diana, ses parents lui fournissaient du soutien et de la compagnie. La famille élargie était aussi très présente dans la vie de Francisco. Selon lui, ses proches étaient nombreux et ils faisaient beaucoup d’activités ensemble. La situation est différente dans le cas de Benjamin, qui vivait avec sa petite sœur, mais éloigné de sa mère. Celle-ci travaillait dans une région à risque en Colombie. Il mentionne : « Ma sœur, comme beaucoup d’enfants, voulait vivre près de sa mère, mais cela n’était pas possible à cause du travail de ma mère. On se voyait environ une fois par mois, mais, en dehors de ce temps, on n’avait pas de ses nouvelles, on ne savait pas si elle était en sécurité ou si elle était morte ».

Les autres participants à l’étude, soit Arturo, Cristian, Esperanza, Georgina, Helena et Ignacio, vivaient avec leur conjoint (e), et certains d’entre eux habitaient déjà loin de leur parenté. Tel est le cas d’Ignacio qui habitait avec sa conjointe dans une ville différente de celle de leur famille.

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4.2.1.3 Les raisons pour migrer

Selon Legault et Fronteau (2008), les conditions migratoires peuvent déterminer le processus d’intégration d’une personne dans une nouvelle société. C’est pourquoi il est important de considérer les motifs qui ont poussé les participants à quitter leur pays d’origine pour s’établir à Québec. Cela est nécessaire pour l’analyse de la situation au présent. Pour le cas des participants de la présente recherche, les raisons pour migrer sont très diverses. Voici un tableau qui illustre les principaux motifs exprimés par les participants.

Tableau 5 – Les raisons des participants pour migrer à Québec

Statut migratoire Curiosité, vivre de nouvelles expériences à l’extérieur du pays Être en sécurité hors de la Colombie Des menaces reçues contre la personne et la famille Améliorer sa qualité de vie

Réfugié Benjamin Diana

Helena Francisco Immigrant économique Antonio Cristian Ignacio Juliana Lorenzo Esperanza Esperanza Georgina Antonio

La curiosité envers les autres cultures ainsi que le désir de vivre des nouvelles expériences ont été évoqués par cinq participants comme étant les raisons qui ont motivé leur migration. Antonio a signalé son désir d’avoir des nouveaux défis hors de la Colombie ainsi que de vivre dans une société « avec de la stabilité économique et sociale ». Il a fait spécifiquement référence à la situation des inégalités économiques et aux nombreuses problématiques sociales existantes en Colombie, face auxquelles il était en désaccord. Cristian, Lorenzo et Ignacio, quant à eux, ont affirmé que le projet d’immigration tournait dans leur tête depuis plusieurs années. Les trois hommes avaient déjà fait des voyages aux États-Unis et au Canada, des expériences qui les ont beaucoup motivés à s’établir de façon définitive dans un

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pays plus développé que leur pays d’origine. Dans le cas d’Ignacio, il serait également approprié de signaler le caractère nomade comme raison pour migrer à Québec, puisqu’il avait vécu dans plusieurs villes en Colombie avant de migrer.

En continuant avec les participants arrivés sous la catégorie économique, Georgina et Antonio ont évoqué l’amélioration de la qualité de vie comme la motivation principale pour migrer vers Québec. Pour ces deux participants, la qualité de vie est en lien avec un salaire plus élevé, l’apprentissage d’autres langues ainsi qu’une vie « plus facile ». Dans les mots de Georgina : « On voulait aussi offrir à nos enfants de meilleures conditions de vie, dont apprendre d’autres langues et avoir une vie plus facile. En Colombie, même si tu es professionnel, le salaire n’est pas très élevé, alors le sacrifice (d’étudier) ne vaut pas la peine ».

Pour certains participants, y compris les participants arrivés sous la catégorie de réfugiés, la situation sociopolitique et le conflit armé colombien ont motivé leur migration vers Québec. Trois participants (Diana, Helena et Francisco) avaient reçu des menaces contre leur vie et celle de leurs familles. Pour Diana, l’immigration s’est avérée un choix forcé : « Au début, je n’étais pas d’accord (avec la migration) parce que je ne voulais pas vivre loin de ma famille. Finalement, j’ai accepté parce que la situation est devenue très difficile, cela a été une décision volontaire, mais aussi forcée ».

Benjamin, lui, vivait avec sa petite sœur, éloigné de sa mère, qui travaillait dans une région fortement touchée par le conflit armé en Colombie. Ce participant a demandé le refuge au Canada pour lui et sa famille, motivé par d’autres personnes qui avaient elles aussi quitté la Colombie à la recherche d’un pays plus sécuritaire. Il mentionne ceci : « J’avais connu certaines personnes qui s’étaient établies dans d’autres pays, notamment pour la recherche de sécurité. Il s’agissait de professionnels tels des infirmières, des médecins, des avocats et des politiciens. Tous immigrés pour des raisons de sécurité ».

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Si Benjamin était motivé pour quitter la Colombie, ce n’était pas le cas de Diana et d’Helena. Ces deux femmes étaient les conjointes de deux hommes qui avaient reçu des menaces de mort, tout comme leur famille. Helena mentionne : « Ma belle-mère avait demandé de l’aide auprès de l’ambassade canadienne pour elle et pour ses enfants. J’étais déjà mariée, avec un enfant. J’ai surtout pensé à ma fille, je ne voulais pas qu’elle vive ce que son père avait vécu ».

Il est à souligner que malgré le fait que la totalité des participants arrivés sous la catégorie du refuge ont évoqué des raisons de sécurité et de menaces contre leur vie comme la principale motivation pour migrer vers Québec, Esperanza, qui est arrivée en tant qu’immigrante économique, a aussi énoncé des motivations liées à la sécurité en Colombie. Cette mère de famille pensait à ses enfants lorsqu’elle a entrepris le projet migratoire. Elle s’exprime à ce sujet : « En fait, ma motivation pour migrer n’a pas été d’ordre économique, étant donné que notre statut socioéconomique en Colombie était favorable. Ma motivation pour migrer était en lien avec l’insécurité et la violence en Colombie, je craignais pour la sécurité de mes filles ».

4.2.1.4 Les attentes quant à la migration

La plupart des participants à l’étude s’attendaient à avoir une meilleure qualité de vie et de meilleures possibilités dans leur domaine professionnel à Québec, comparativement à celles qu’ils avaient en Colombie. Certains d’entre eux étaient bien informés par rapport à la situation à Québec concernant l’emploi et le processus d’intégration des immigrants. Ignacio en est un exemple; avant son arrivée, il était au courant des chiffres de chômage des immigrants à Québec ainsi que des principales difficultés de ceux-ci pour s’intégrer à la société québécoise. Trois des participants ont manifesté qu’ils étaient conscients de l’importance d’apprendre la langue pour mieux s’intégrer à Québec (Georgina, Diana et Helena). Diana l’exprime dans ces mots : « Ce qui était clair pour moi, c’est que j’allais

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arriver dans un pays où la langue n’était pas la mienne, alors je me suis dit qu’il fallait que j’apprenne cette langue parce que je voulais continuer mes études et réaliser mes rêves. »

Helena, pour sa part, est arrivée à Québec avec l’intérêt de créer des liens avec les Québécois afin d’apprendre la langue plus rapidement. En ce qui concerne Georgina, elle était consciente de l’importance de la langue. Toutefois, elle croyait que l’apprentissage de celle- ci allait être plus facile.

Avoir une plus ample gamme de possibilités d’emploi était dans les attentes d’Antonio, Esperanza et Lorenzo. Lorenzo affirme

La publicité du Canada dans notre pays est spectaculaire, le pays se vend très bien. L’information que j’avais reçue à propos de ce pays le montrait comme un pays paradisiaque : les programmes sociaux pour les enfants, le système d’éducation, le système de santé et l’économie, je voulais absolument participer à cette société !

Contrairement à Antonio, qui était conscient des difficultés auxquelles il devait faire face après son arrivée dans la ville, dont la langue et la méconnaissance de la société québécoise, Lorenzo s’attendait à avoir un emploi stable avec des bonnes conditions salariales. Esperanza, quant à elle, voulait s’intégrer rapidement dans le marché de l’emploi par peur de se retrouver sans argent pour subvenir aux besoins de ses filles. Même si son projet d’immigration était planifié, cette femme craignait de ne pas réussir à trouver un emploi dans son domaine et de ne pas réussir à subvenir aux besoins de ses filles. La méconnaissance de la société québécoise et de la langue était une source de stress pour cette participante.

Lorenzo et Juliana concevaient leur projet d’immigration comme une occasion pour changer de domaine professionnel. Dans leurs mots, il s’agissait d’un nouveau départ. Fatigués de

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leur parcours professionnel en Colombie, ils envisageaient d’entreprendre des études dans un domaine diffèrent.

Un cas différent est celui de Diana, arrivée à Québec grâce au programme de réfugiés. La réponse du gouvernement canadien face à la demande de refuge lui a donné peu de temps pour préparer son voyage. Elle argue ne pas avoir eu suffisamment de temps pour se faire une idée par rapport au pays dans lequel elle allait arriver.