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Leur perception à propos de leur intégration socioéconomique

Chapitre V Discussion

5.1 La perception de l'intégration chez les immigrants colombiens

5.1.1 Leur perception à propos de leur intégration socioéconomique

La première question au sujet des dimensions de l’intégration les amenait à réfléchir à propos de leur intégration socioéconomique. Il faut préciser qu'en général, pour les participants, la migration a entraîné le rétrécissement de leur réseau social, voire la perte de celui-ci. À cet égard, des études sur les réseaux sociaux dans un contexte d'immigration montrent que l'arrivée dans un nouveau pays oblige une reconstruction parfois complète des liens d'entraide et d'amitié (Chicoine, Charbonneau, Rose et Ray, 1997; Assogba, Fréchette et Desmarais, 2000). Les affinités culturelles telles la langue ou la nourriture s'avèrent alors importantes lors de la création des liens dans le pays d'arrivée. En effet, les résultats de cette étude révèlent que la création des liens avec des immigrants de différentes origines est perçue comme un avantage pour la plupart des participants.

Pour certains, leur réseau social est principalement composé de compatriotes; ces personnes expriment la difficulté de la création de liens avec les Québécois. Selon Fiore (2008), un

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réseau social composé par des membres de la communauté d’origine encourage le développement d’une appartenance culturelle commune, mais favorise aussi un meilleur accès aux services et au pouvoir politique. Cet auteur note toutefois que cela entraîne le risque d’isolement par rapport à la société hôte. Un réseau social composé exclusivement de compatriotes serait alors un réseau social immédiat assez faible qui serait en lien avec un faible statut socioéconomique. Garcia-Ramirez et al. (2005) signalent l’importance de la création de liens avec des compatriotes, mais aussi avec des membres de la communauté hôte afin de renforcer le soutien social. Dans le même ordre d’idées, Burt (1992) ajoute qu’il est plus efficace d’appartenir à plusieurs réseaux plutôt que de former des liens dans un seul réseau lorsqu’il s’agit d’obtenir de l’information plus diverse.

Une minorité de participants à notre étude préfèrent éviter la création de liens avec leurs compatriotes, notamment à cause de certaines caractéristiques ou expériences négatives en lien avec ces derniers. Ces résultats se rapprochent aux deux des trois scénariosproposés par Arsenault et Nadeau-Cossette (2013) en ce qui concerne les immigrants et réfugiés issus de pays en conflit par rapport aux relations qu’ils entretiennent entre eux. Le premier scénario est en lien avec l’insertion massive et collective de compatriotes aux stratégies d’insertion. Le deuxième scénario mène à l’exclusion de compatriotes des stratégies d’insertion postmigratoires. Les chercheuses proposent également un troisième scénario mitoyen qui consiste en l’utilisation de stratégies d’insertion impliquant une contribution restreinte de compatriotes.

Bien que certains auteurs considèrent que les réseaux sociaux sont un déterminant de plus en plus important qui motive la décision de migrer chez les personnes ayant du capital social dans le pays hôte (Massey, Arango, Hugo Kouaouci, Pellegrino et Taylor, 1994; Renaud et Cayn, 2009), la plupart de nos participants n'avaient pas de liens établis avec des personnes installées à Québec avant leur migration. Les motivations pour migrer qui ont été étudiées chez les participants étaient en lien avec des motifs économiques, de sécurité ou

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d'amélioration de la qualité de vie. L'information à propos de la ville de Québec provenait de recherches particulières sur Internet ou d’agences d'immigration.

En ce qui concerne l'intégration à l'emploi, la plupart des participants ont occupé des emplois non qualifiés peu de temps après leur arrivée, peu importe leur niveau de scolarisation. Certains participants ont même manifesté avoir ressenti une « angoisse existentielle » lors de cette période, notamment chez les immigrants ayant un diplôme d'études universitaires. L'expérience de travail dans la nouvelle société est un atout parfois nécessaire afin de se requalifier. Certains immigrants diplômés occupent des emplois non qualifiés, ce qui leur sert de stratégie de requalification (Riaño et Baghdadi, 2007; McCoy et Masuch, 2007; Grisales, 2015). Ainsi, plusieurs immigrants diplômés occupent leur premier emploi dans un domaine où beaucoup d’immigrants membres de leur communauté sont présents, ce que Beji et Pellerin (2010) nomment « l'économie ethnique », type d'économie caractérisé par des emplois moins payants, précaires et déqualifiés. Ce type d’emploi permet rarement à l'immigrant de se requalifier, car il n'offre pas d’occasions d'ascension (Riaño et Baghdadi, 2007).

En ce qui concerne la situation actuelle des participants à la recherche par rapport à leur insertion professionnelle, l'obtention d'un emploi correspondant à leur formation a été possible pour certains d’entre eux, alors que pour d'autres, la réalité a été moins encourageante. Parmi ces derniers, certains ont choisi de retourner aux études afin de mieux s'intégrer sur le marché de l'emploi. Plusieurs études à propos de l'insertion professionnelle des immigrants mentionnent certains facteurs qui constituent des difficultés pour l'insertion: les instances de règlementation professionnelle, la non-reconnaissance des compétences et de l'expérience professionnelle à l'étranger et même les pratiques de gestion des ressources humaines peu adaptées à la diversité culturelle (Chicha, 2009; Béji et Pellerin, 2010). Certains de ces facteurs, dont les instances de règlementation professionnelle et la non- reconnaissance des compétences acquises à l'étranger, ont été nommés par les participants à

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cette recherche. En ce qui concerne les personnes interviewées qui ont réussi à occuper un emploi lié à leur formation, celles-ci considèrent que la profession a été un facteur contributif à leur insertion professionnelle. Tel que nommé par Grisales (2015), il s'agit d'un facteur appartenant à l'exosystème, puisqu'il fait allusion à la demande d'une profession quelconque sur le marché du travail. C'est le cas notamment des professions liées au domaine de l'informatique. Finalement, pour certains participants, le retour aux études s'est avéré une stratégie pour mieux s'insérer au marché de l'emploi dans un domaine professionnel. Cette stratégie a été identifiée par de nombreux chercheurs comme un moyen pour arriver à l'insertion professionnelle (Riaño et Baghdadi, 2007; Giroux, 2011; Chicha, 2009; Grisales, 2015). Bien que certaines études ne démontrent pas l'efficacité de cette stratégie, d'autres confirment qu’elle est utile afin d'atteindre les objectifs professionnels (Chicha, 2009).