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PENSER LA CONCEPTION D'UNE OSSATURE 1 Caractériser la tâche de conception

Camille ROHOU

2. PENSER LA CONCEPTION D'UNE OSSATURE 1 Caractériser la tâche de conception

2.1.1. Situation de la tâche Bureau d'Étude Technique - Ossature Définition Di Tâche de conception Phase de calcul Tâche de reconception Définition Di+1 Di+1 conforme au projet Autres intervenants Figure l

Pour définir l'ossature d'un ouvrage, le Bureau d'Étude Technique chargé de sa définition procède par une série d'approximations suc- cessives en interaction avec les autres intervenants définissant l'ouvrage, ce qui peut être résumé par la figure 1.

Le Bureau d'Étude Technique se saisit de la définition actuelle de l’ouvrage. La tâche de conception débouche sur une définition plus précise de l’ossature. Il s’en suit une phase de calcul qui établit si la nouvelle défini- tion de l’ouvrage est conforme ou non au projet. Si c’est le cas, cette nou- velle définition est transmise aux autres intervenants. Sinon, il faut reconce- voir l’ossature.

Lors de ce processus, la définition de l'ossature varie au cours de celui-ci, et suivant le concepteur. Par contre, l'étude de sa conformité au projet est un invariant du processus, qui délimite d'ailleurs les approximations. Or, cette étude valide ou invalide la tâche de conception. Il nous faut donc caractéri- ser la conformité au projet de la définition d'une ossature indépendamment de celle-ci.

2.1.2. Les points de vue constitutifs du projet

Nous dirons que la définition d'une ossature est conforme à un projet si elle est conforme à différents points de vue constitutifs du projet, la conformité à l'un des points de vue n'impliquant pas celle à l'autre. Nous distinguerons les points de vue exprimant le but du projet de ceux exprimant sa possibili- té. Pour les définir, il nous parait fructueux d'envisager un projet comme un programme d'action prévisionnel. Dans le cas qui nous concerne, le pro- gramme d'action est la réalisation de l'ouvrage.

• Les points de vue exprimant le but du projet

Du point de vue du concepteur, le but de ce programme, quelle que soit la définition de l'ouvrage, est de modifier l'environnement en un sens définis- sable par les diverses finalités attribuées aux organes constitutifs de l'ou- vrage, et par divers points de vue architecturaux.

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Ces diverses finalités et points de vue architecturaux sont autant de points de vue exprimant le but du projet. Dans le cas d'une ossature, on rencontrera donc toujours les points de vue stabilité et rigidité, souvent des points de vue architecturaux et parfois des points de vue thermiques ou acoustiques, cette liste étant variable suivant le projet établi.

• Les points de vue exprimant la possibilité du projet

Il faut enfin que la réalisation de l'ouvrage soit possible, compte tenu du budget du Maître d'ouvrage et des moyens de production des différents corps d'état. On peut dégager ici différents points de vue attachés aux diffé- rents aspects de la réalisation d'un ouvrage, comme les points de vue éco- nomique, mise en œuvre (possibilité de mettre en œuvre les différents élé- ments préfabriqués de l'ossature), sécurité, transport (compatibilité des di- mensions des éléments préfabriqués avec les gabarits routiers)...

2.1.3. Les spécifications et les solutions techniques

Nous nous intéressons dans notre étude aux tâches courantes de conception. Dans ce cas, la définition de l'ouvrage qui ressort de la tâche est conforme à divers principes, types d'ouvrages, solutions constructives, règles de conceptions, etc., que le concepteur met en œuvre dans le cadre du projet. Nous résumons cet ensemble par le terme de solution technique mise en œuvre dans le cadre du projet.

• Les spécifications Plancher Charges q L l Figure 2 E = n L Poutre isostatiques en Profilé Marchand I en acier Fe E 24 Figure 3

Supposons par exemple qu'il s'agisse de conce- voir la poutraison métallique d'un plancher de dimensions et de charges données (figure 2). Étant donnés certains principes de conception, solutions constructives et règles de conception que celui-ci s'est forgé, tel concepteur, pour tout un ensemble de valeurs de l, L, et q, aboutira systématiquement sur une définition conforme à la solution technique décrite figure 3. Par consé- quent, les seules questions auxquelles le concepteur tâchera de répondre sont : quelle va- leur donner à l'entre-axe E (ou au nombre d'in- tervalle n), et quelle forme de profilé marchand adopter. La tâche de conception consistera donc, pour ce concepteur, à déterminer deux propriétés : l'entre-axe E (ou le nombre d'intervalle n) et la forme du profilé marchand. Ce sont ces pro- priétés que nous appelons des spécifications. La détermination des autres propriétés, comme la régularité de l'entre-axe des poutres ou la nature de leur acier constitutif, même si elles définissent l'ouvrage en fin de compte, et n'étaient pas données au départ, n'est pas une tâche pour le concepteur. Il existe par ailleurs d'autres spécifications, qui

ont été déterminées auparavant, comme ici l, L et q, qui sont donc des spé-

cifications données.

• Les spécifications données stratégiques

Lors de la phase de calcul, on va établir la conformité de la définition de l'ouvrage à chacun des points de vue exprimables à ce stade en mettant en œuvre une connaissance par point de vue. Or, ce sont les spécifications qui vont constituer les prémisses de ces mises en œuvre. Certaines de ces mises en œuvre vont prendre en compte à la fois des spécifications produites par la tâche de conception, et des spécifications données (dans l'exemple ci- dessus, l'entre-axe E et la forme du profilé d'une part, les charges q d'autre part, pour établir la conformité au point de vue stabilité, par exemple). Les valeurs des spécifications données vont donc limiter par conséquent l'en- semble des valeurs que le concepteur peut donner aux spécifications qu'il doit déterminer lors de la tâche de conception, pour que le point de vue soit satisfait. C'est pourquoi nous qualifierons de stratégiques ces spécifications données.

2.1.4. Une approche séquentielle de l'activité du concepteur

Dans son étude de la planification, J.M. HOC considère l'activité comme "l'actualisation d'une interaction entre un sujet et une tâche." (1987, p. 20) Celle-ci se définit "généralement par un but et des conditions d'obtention". (Id. p. 21) Le but est un état final à atteindre, et les conditions d'obtention "peuvent porter sur les états (.) les opérations élémentaires admises (voire même) sur la structure de la procédure elle-même." (Id., p. 22). Cet auteur, comme bien d'autre souligne qu'il faut distinguer la tâche prescrite (ce qui est à faire) de la tâche effective réalisée par le sujet.

Nous avons vu que pour établir la conformité au projet de la définition de l'ouvrage, les connaissances mises en œuvre lors de la tache de calcul pre- naient en compte les spécifications données et déterminées lors de la tâche de conception. Si cette définition est conforme, elle sera alors transmise aux autres intervenants. Donc, pour que le projet s'établisse à bon rythme, le concepteur aura pour but de déterminer un ensemble de spécifications tel que :

! a- la conformité au projet soit établie, afin d'éviter les reconceptions. ! b- la nouvelle définition de l'ossature n'empêche pas la définition du

reste de l'ouvrage par les autres intervenants.

Nous avons vu plus haut que les spécifications étaient définies à partir de certains principes, solutions constructives, etc. que le concepteur mettait en œuvre dans le cadre du projet. Or ceux-ci ne sont pas tous donnés au départ et dépendent du concepteur. Il n'est donc pas possible de caractériser l'acti- vité du concepteur en la rapportant à une tâche prescrite, définissable à prio- ri et indépendamment du concepteur. De plus, ces principes et solutions sont susceptibles de varier au cours de la conception. Nous devons donc caractériser l'activité du concepteur en la rapportant à une tache effective,

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définie par le but que nous avons décrit ci-dessus (points a et b), et qui est donc variable au cours de la conception. Les conditions d'obtentions sont également à définir à partir des principes et solutions mis en œuvre. En ef- fet, la mise en œuvre d'une solution technique fait appel à des produits. Leurs caractéristiques varient suivant certaines gammes. Ces gammes vont donc limiter l'ensemble des valeurs que l'on va pouvoir attribuer aux spéci- fications.

C'est donc pour atteindre un but actuel, en respectant des conditions d'ob- tention actuelles, que le concepteur va mettre en œuvre ses connaissances. Nous proposons donc une modélisation séquentielle de l'activité du concepteur, chaque séquence correspondant à la mise en œuvre d'une connaissance pour atteindre un but actuel en respectant des conditions d'obtentions qui sont susceptibles de varier d'une séquence à l'autre. Ce but et ces conditions d'obtention correspondent par ailleurs mise en œuvre d'un certain nombre de principes, types, solutions constructives etc., qui sont donc sous-jacents à l'exécution de chaque séquence.

2.1.5. Une série d'approximations successives

Pour modéliser le travail de conception des architectes, J.C. LEBAHAR (1983) a proposé un schéma général résumé par la figure 4.

Ce schéma se compose d'une suite (T0, T1, T2,...,Tn) "d'état de résolutions de problème architectural". D'un état à un autre, le "modèle d'objet (O)", "représentation stable à vocation géométrique", se précise (augmentation de la zone hachurée). Le passage d'un état Ti de (O) à un autre état Ti+l plus précis s'effectue en utilisant "un modèle de simulation (S)", spécialement établi pour cela. Ce modèle de simulation est composé à la fois de solutions acquises (Conditions C), c'est-à-dire contenues dans (O) à l'instant Ti, et d'hypothèses à tester. La mise en œuvre du modèle de simulation permet de valider certaines hypothèses, qui sont alors intégrées à (O). Le schéma que propose J.C. LEBAHAR est celui d'une démarche par approximations suc- cessives, dans la mesure où l'architecte précise son "modèle d'objet" en y intégrant un certain nombre d'hypothèses qu'il a validées en utilisant le "modèle de simulation". Il resterait cependant à préciser comment ces hy- pothèses sont produites, testées puis validées pour y être intégrées au "mo- dèle d'objet".

Nous reprenons cette idée d'approximations successives, mais en l'adaptant à notre cadre, et en précisant ce qui se passe lors des étapes Ti. Nous préfé- rons également parler d'indétermination plutôt que d'incertitude.

Incertitude/Indétermination

Pour J.C. LEBAHAR, le travail de conception des architectes consiste ré- duire l'incertitude concernant l'ouvrage à définir, ce qui se traduit par l'ac- croissement de 1a zone grise dans le modèle d'objet 0. Pour introduire cette idée d'incertitude, J.C. LEBAHAR met un sujet face à un univers d'événe-

ments possibles, l'incertitude consistant précisément dans le fait de ne pas savoir de quelle nature est l'événement qui intervient effectivement.

TEMPS DU PROCESSUS D'ÉTABLISSEMENT DU MODÈLE DE L'OBJET

T0 T1 LES ÉTATS DU PROBLÈME ARCHITECTURAL T0 T1 T2 T3 Tn PA LE MODÈLE DE SIMULATION LES ÉTATS DU MODÈLE D'OBJET LES NIVEAUX D'INCERTITUDE DE L'ARCHITECTE LE MODÈLE DE SIMULATION A I S O C C'

Figure 4 : Schéma général de la recherche de l'objet par simulation graphique

5

6 7 9

Deuxième plan d'approximation

4 1

3 8

2

Premier plan d'approximation

!

Point de vue 1 Point de vue 2

Figure 5

Il y a donc incertitude lorsque le sujet ne contrôle pas l'événement qui advient.

Il est clair que le concep- teur ne contrôle jamais complètement la démar- che qu'il effectue. Il y a incertitude en ce sens. Mais ce n'est pas la ré- duction de cette incerti- tude là dont parle J.C. LEBAHAR. Une fois l'ossature définie et justi- fiée par une note de cal- cul, sa pérennité n'est pas absolument certaine. Mais la réduction de cette in- certitude est la tâche de ceux qui établissent les modèles de calcul, et pas du concepteur, qui utilise ces modèles comme ou- tils.

L'ouvrage étant défini à un certain niveau d'ap- proximation, le concep- teur va prendre en compte cette définition pour se donner un certain nombre de propriétés complé- mentaires à déterminer On passe donc d'une défi- nition à une autre, plus concrète, en réduisant l'indétermination de ces propriétés. C'est pourquoi nous préférons parler de réduction d'indétermina- tion.

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2.2. Un modèle de raisonnement de conception:

2.2.1. Vue d'ensemble du modèle

Nous représentons donc le raisonnement établi par le concepteur sous une forme séquentielle. A la fin d'une séquence, la chronique du raisonnement établi jusqu'alors se présente par exemple sous la forme du schéma synopti- que de la figure 5.

Dans ce schéma, une séquence est représentée par l'ensemble suivant :

! un numéro inscrit dans un rectangle, qui représente la connaissance mise en œuvre pour exécuter la séquence. Les numéros indiquent l'ordre dans lequel sont exécutées les séquences.

! une ou plusieurs flêches attachées à ce rectangle par un trait pointillé, qui indiquent le sens prémisses-conclusions du raisonnement.

! un symbole ( , ou ) qui repésente la conclusion de la séquence. C'est un rectangle s'il s'agit d'une spécification, et un drapeau s'il s'agit d'une validation ( ) ou d'une invalidation ( ).

Une séquence résulte de la mise en œuvre d'une connaissance, laquelle né- cessite l'existence d'un certain nombre de prémisses. Or, les prémisses né- cessaires à la mise en œuvre d'une connaissance sont soit des spécifications données, soit produites par les séquences précédentes. Une séquence se trouve donc rattachée par ses flèches :

! soit à des spécifications données si ce sont les seules prémisses né- cessaires,

! soit aux séquences à l'issue desquelles l'ensemble des prémisses né- cessaires ont été produites.

On remarquera que les numéros d'ordre chronologique ne suivent pas tou- jours l'ordre indiqué par les flèches. En effet, le concepteur n'est pas obligé d'effectuer une séquence dès que les prémisses nécessaires à son exécution ont été produites. L'enchaînement de plusieurs séquences aboutissant sur une validation (comme les séquences l, 2 et 4), correspond à une des étapes du schéma de J.C. LEBAHAR. Mais il n'est pas nécessaire d'aboutir sur la validation qui clôt un enchaînement, avant d'y accrocher un autre (voir sé- quence 3).

Cet enchaînement de séquences constitue donc un réseau, qui, à la diffé- rence du schéma de J.C. LEBAHAR, se partage sur deux plans d'approxi- mation. L'exécution de l'ensemble des séquences situées sur le premier plan produit un premier ensemble de spécifications correspondant à une défini- tion D'i de l'ossature, intermédiaire entre la définition initiale Di, plus abs- traite, et la définition finale Di+1, plus concrète.

Certaines parties du réseau sont construites au nom de certains points de vue du projet qui sont donc spécifiés à chaque fois.

Cette vue d'ensemble étant faite, nous pouvons maintenant décrire plus pré- cisément les trois types de séquence constituant les réseaux. Celles-ci sont

soit la prise de décision, soit une évaluation, et enfin la remise en cause d'une décision.

2.2.2. La prise de décision

L'objectif de ce type de séquence est de déterminer une spécification concernant l'ossature. Dans le détail, cette séquence est décrite par le sché- ma de la figure 6 :

Dans un rectangle attaché aux flèches par un trait pointillé, nous décrivons la connaissance mise en œuvre, ainsi que les points de vue du projet au nom desquels s'effectue éventuellement cette séquence. A coté de ce rectangle on retrouve le numéro d'ordre chronologique i. En amont du trait pointillé, se trouvent les spécifications prémisses. Il existe certaines situations où la sé- quence actuelle i est rattachée à plusieurs séquences, comme c'est le cas de la séquence 7 sur la figure 5. Dans ce cas, les spécifications produites sont délimitées par une frontière correspondant a chacune des séquences à l'issue desquelles elles ont été définies. Les prémisses données sont disposées à part. Lorsque la séquence s'effectue sur le deuxième plan, certaines des sé- quences antérieures peuvent être situées sur le premier plan d'approxima- tion. En aval du trait pointillé, se trouve la spécification conclusion.

Connaissance Mise en œuvre POINTS DE VUE Spécification Spécification Spécification Spécification Spécification

i

Spécification Séquence j Séquence l Séquence k Figure 6

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2.2.3. L'évaluation

Il existe deux types de séquences d'évaluation. Les premières ont pour ob- jectif de vérifier si tel point de vue a des chances d'être satisfait lors de la phase de calcul, ou si telle solution est réalisable. Les connaissances mises en œuvre dans ce cas sont des critères de différente nature. La conclusion exprime donc la satisfaction ou l'insatisfaction de ce critère. Les deuxièmes ont pour objectif de vérifier s'il est possible de déterminer une spécification concernant une partie de l'ouvrage autre que l'ossature.

Une séquence d'évaluation ne porte que sur les spécifications qui sont utili- sées comme prémisses. Le schéma représentatif est le même que ci-dessus, à la conclusion près, qui varie suivant qu'il s'agit d'une validation ou d'une invalidation, comme l'indique la figure 7.

Validation Invalidation

Figure 7

2.2.4. La remise en cause d'une spécification

Dans le cas d'une invalidation, il y a deux possibilités (Figure 8).

Première possibilité (Figure 8-a), le concepteur met en œuvre une connais- sance qui utilise comme prémisse l'invalidation et qui conclue sur une nou- velle détermination de spécification. Cette séquence est donc rattachée à l'invalidation. Cette séquence aboutit soit sur la détermination d'une nou- velle spécification (changement de solution technique), soit sur la redéter- mination d'une des spécifications S qui avait été utilisée comme prémisse lors de la séquence d'évaluation (maintien de solution technique). Dans ce dernier cas, cette remise en cause entraîne le réexamen de toutes les spécifi- cations qui avaient été déterminées en utilisant la spécification S comme prémisse.

La deuxième possibilité (Figure 8-b) consiste à abandonner cette branche du réseau et à accrocher sur une des branches antérieurement construite une séquence de décision. Il s'agit d'un retour en arrière du point de vue logique sur un certain point du réseau. Le concepteur s'oriente alors vers une solu- tion alternative à celle qu'il avait développée antérieurement à partir de ce point. ! ! i+1 i I I i+1 i ! ! ! Figure 8-a Figure 8-b

I : Invalidation i : Chronologie X : Spécification

2.3. Quelques aspects stratégiques :

2.3.1. la réserve d'indétermination

Pour J.C. LEBAHAR, la stratégie de réduction d'incertitude est révélatrice d'une expérience. Celle-ci consiste à maintenir "volontairement une impré- cision graphique conditionnelle pour s'aménager constamment la marge de manœuvre nécessaire à la résolution des difficultés imprévues qui peuvent surgir ultérieurement au fur et à mesure que le projet avance, que le plan se précise, et que les retours en arrière deviennent de plus en plus aléatoires ; l'incertitude disparaît des plans avec l'avènement autoritaire de la précision. Elle est euclidienne. Le respect des angles et des mesures figent les points et les traits et, de là, toute initiative nouvelle est exclue de ce système où, dé- sormais, tout est à sa "place". Si l'on veut modifier quelque chose à ce stade d'information traitée, on a de fortes chances d'être obligé de devoir modifier le tout." (1983, pp.37 et 38).

Dans le cas de la conception architecturale, la définition de l'ouvrage s'ex- prime principalement par le dessin. Un dessin précis correspond donc à un ouvrage très défini, et inversement. Maintenir une imprécision graphique consiste donc à maintenir indéterminées un certain nombre de propriétés. L'auteur expose bien pourquoi les remises en causes sont de plus en plus dangereuses au fur et à mesure que la définition de l'ouvrage se précise. Mais il ne précise jamais en quoi cette réserve d'indétermination permet d'éviter les remises en cause trop tardives.

Dans notre modèle, la remise en cause d'une spécification S fait toujours suite à une invalidation, qui est la conclusion d'une séquence d'évaluation E. La mise en œuvre de celle-ci nécessite l'existence d'un certain nombre de prémisses, dont cette spécification. Une fois ces prémisses établies, plus le concepteur attendra pour conduire la séquence d'évaluation, plus il prendra de risque. En effet, un certain nombre d'autres spécifications auront été dé- terminées entre temps, et la remise en cause de la spécification S risque d'en