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Bernard HOSTEIN

4. APPRENDRE À MODÉLISER 1 Ce qui se fait

La bibliographie tant anglo-saxonne que française comporte de nombreuses études sur l'introduction des modèles scientifiques, ou adaptés de ceux-ci pour la pédagogie ; elles manifestent la prégnance, au travers des acquis scolaires, des "modèles spontanés" souvent laissés dans l'implicite, et qui sur-déterminent l'évolution des représentations chez les élèves, constituant ce que DI SESSA appelle des "primitives phénoménologiques". La pensée symbolique, traduisant la logique naturelle3, à ce stade, réinvestit les schè-

mes dont l'élève perçoit la pertinence comme analogique avec la situation à traiter (RICHARD, 1984 ; GRECO,1990,...). Les outils de modélisation utilisables à cette étape permettent de faire construire aux élèves une ana- lyse fonctionnelle, que LEMEIGNAN et WEIL-BARAIS repèrent eux aussi comme préalable nécessaire en sciences physiques. Souvent, cette cons- truction est fournie comme un modèle achevé, alors qu'il est discutable, au sens le plus concret du qualificatif, puisque lié au point de vue qui la fonde. Peu formalisable, sinon dans sa forme, ce temps reste, pour les professeurs formés aux nouvelles directives pédagogiques, incontournable ; les élèves aussi expriment, en termes moins élaborés, ce postulat de la pensée systé- mique selon lequel le sens vient du tout et non des parties.

Un second temps consiste alors à agir sur le système étudié, non plus comme dans l'étape antérieure selon le mode de fonctionnement normal, mais en simulant un certain nombre de conditions particulières. "L'action donne aux schèmes une structure, qui donne de nouveaux schèmes à l'ac- tion" (BIDEAUD, J. 1988). On est dans la phase que M. LEBRUN (Cha- monix,1992) caractérise comme étant plus spécifiquement celle de la mo- délisation, résultat d'expériences et d'observations. C'est aussi à cette straté- gie que P. GRECO attribue le passage chez l'enfant des schèmes aux opéra- tions cognitives.

Les modèles alors proposés rendent compte essentiellement des hypothèses produites par le dialogue homme-machine lors des expériences de fonction- nement, et des premiers modèles produits alors du point de vue de l'usager. Les seules pratiques de construction de modèles auxquelles j'ai pu assister produites par les élèves de Seconde s'arrêtent à ce stade. Encore faut-il noter que les modèles évoqués jusqu'ici sont le plus souvent fournies partielle- ment par le dossier sur lequel travaille l'élève.

Les modèles proposés aux étapes suivantes sont tous choisis et explicités par l'enseignant, l'activité des élèves consistant à vérifier la validité des mo- dèles, ou bien à préciser leurs conditions de validation.

4.2. Ce qui suit

Je devrais pouvoir, dans les mois qui viennent, passer à un autre stade de la recherche : construire avec des enseignants volontaires des séquences d'apprentissage optimi- sant les constats rappor- tés ici, et développant sur une phase de formation des stratégies plus expé- rimentales d'apprentis- sage des activités de mo- délisation. Les compé- tences à développer pour apprendre à modéliser correspondent à des conduites de différents niveaux taxonomiques.

CONCEVOIR DES DÉMARCHES DE MODÉLISATION

1 Définir les objectifs retenus dans les programmes

2 Repérer les obstacles auxquels les élè- ves peuvent se trouver confrontés

3 Définir les objectifs-obstacles

4 Lister les modèles présents dans les programmes

5 Définir les caractéristiques des modèles intermédiaires proposés

5.1 Point de vue dominant

5.2 Axe privilégié

5.3 Versant privilégié

5.4 N i v e a u x d e f o r m a l i s a t i o n souhaitables

5.5 Modèles disponibles

6 Activités de modélisations retenues

6.1 Niveau de compétence visé

6.2 Degré d'autonomie prévu

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Pour identifier un modèle, il s'agit pour l'élève de repérer sa fonction, son point de vue, ses composantes, son fonctionnement en termes de compro- mis, et ses articulations avec d'autres modèles connexes portant sur le même système. Pour créer le modèle adéquat, il doit définir lui-même les diverses variables énumérées ci-dessus, et vérifier leur adéquation au système de ré- férence. Entre ces deux niveaux extrêmes, il s'agit pour lui d'apprendre à utiliser les modèles, et d'être capable de les communiquer à d'autres. DUPIN et JOHSUA(1989) introduisent aussi une progression dans la maî- trise des modèles qui se retrouve en technologies : la modélisation analogi- que, qualitative, paraît devoir être travaillée avant des modélisations quan- titatives traduites digitalement.

Ces dernières, en effet, imposent au sujet une double traduction7, en les ac-

cordant d'abord avec la signification empirique dont elles sont issues, puis en validant la signification formelle que leur confère leur statut de modèle mathématique appliqué. G. VERGNAUD (1988) signale aussi la contrainte supplémentaire que constitue le langage mathématique qui impose au mo- dèle des contraintes syntaxiques dures.

4.3. Recherche & formation d'enseignants

Avec les étudiants de 1ère année d'IUFM en Génie mécanique et Génie ci- vil, nous avons suivi cette année un mode opératoire destiné à gérer la conception de séances de travail entraînant les élèves, mais ici de façon ponctuelle, aux pratiques de la modélisation (Tableau 1)

Je le livre tel quel, sans être bien sûr de sa valeur théorique, mais il a contri- bué à sensibiliser de futurs enseignants à la nécessité de donner aux élèves non seulement des contenus à apprendre, mais des démarches de formation méthodologique.

CONCLUSION

LE MOIGNE (1990, p.5) propose de la modélisation la définition suivante : "Action d'élaboration et de construction intentionnelle, par composition de symboles, de modèles susceptibles de rendre intelligible un phénomène per- çu comme complexe, et d'amplifier le raisonnement de l'acteur projetant une intervention délibérée au sein du phénomène ; raisonnement visant notam- ment à anticiper les conséquences de ces projets d'action possibles". Deux champs sémantiques interviennent massivement dans cette définition : celui de l'action (6 sèmes), et celui de la connaissance (6 sèmes) ; un autre appa- raît 5 fois, l'intentionnalité. Au moins au sens où l'entend l'approche systé- mique, la modélisation paraît exiger la conjonction et l'intégration de traits particulièrement présents dans les enseignements technologiques. Appren- dre à modéliser, cela constituerait-il une spécificité des formations techni- ques ? et une dimension fédératrice de leur didactique ?

RÉFÉRENCES

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(3) BOREL, M.J., GRIZE, J.B., MIEVILLE, D. (1983), Essai de logique

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CONCEPT AND ATTITUDE FORMATION AS A GOAL