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chAPiTRe 5 L’URBANISATION ET L’INDUSTRIALISATION

5.1 ONZE PAYS CHOISIS POUR DES ÉTUDES DE CAS

Le présent chapitre examine la pratique et l’expérience effectives de l’Afrique, en s’appuyant sur 11 études de cas (tableau 5.1), mais aussi des exemples empruntés à d’autres pays et villes. Ces pays ont été choisis dans les cinq sous-régions du continent (Afrique du Nord, de l’Ouest, australe, centrale et de l’Est) car présentent différents degrés d’urbanisation, d’augmentation des populations urbaines et d’industrialisation. Certains pays sont déjà en majorité urbains (Afrique du Sud, Cameroun, Côte d’Ivoire, Maroc et Congo), tandis que d’autres sont encore surtout ruraux. La plupart des pays présentent un taux élevé de croissance de la population urbaine et le phénomène de la primauté d’une métropole, c’est-à-dire la concentration de population urbaine surtout dans la plus grande ville du pays. Plus que dans les autres continents, en Afrique, la part moyenne de la population vivant dans la plus grande ville est très élevée.

La part de l’industrie (emploi et valeur ajoutée rapportée au PIB) est généralement faible, mais l’Afrique du Sud, le Maroc et la République du Congo font mieux à cet égard que les autres pays. La valeur ajoutée par le secteur

des services en proportion du PIB dépasse 50 % dans sept des pays retenus et atteint 40 % ou presque dans les autres. Les pays s’urbanisent ainsi rapidement dans les économies où l’industrie est encore naissante et où les services prospèrent, souvent dans des sous-secteurs informels ou non exposés au commerce international (voir chap. 3).

Les faits établis grâce à ces études de cas corroborent la relation mutuelle entre l’urbanisation et l’industrialisation, mais montrent aussi qu’il est largement possible d’optimiser le potentiel de l’urbanisation au service du développement industriel moyennant des politiques et des interventions bien conçues pour augmenter les facteurs facilitateurs et réduire au minimum les obstacles.

L’un des moyens utiles de grouper différents pays – étant donné que les politiques choisies doivent refléter la situation de chaque pays et sa position sur le spectre de l’urbanisation et de l’industrialisation – consiste à envisager leur position au regard des exportations et de la

Les réseaux urbains d’Afrique sont

caractérisés par le déséquilibre entre une

ville principale chère et surpeuplée et

des villes secondaires trop petites pour

offrir des solutions de rechange pour

l’implantation d’industries compétitives.

RAPPORT ECONOMIQUE SUR L’AFRIQUE

diversification économique. Les pays entrent dans quatre grands groupes où se posent des problèmes similaires de développement : les pays en pré-transition, les pays en transition, les économies diversifiées et les exportateurs de ressources naturelles (fig. 5.1)2. Les pays en pré-transition (comme l’Éthiopie) ont encore la possibilité de définir une trajectoire de développement

de villes bien planifiées, de développement équilibré des systèmes urbains et de constitution de secteurs industriels diversifiés à forte densité de main-d’œuvre.

Ces pays se heurtent aussi aux difficultés liées au manque de ressources publiques, à la faiblesse des capacités (en particulier en dehors des grandes villes) et du faible niveau d’équipement.

TABLEAU 5.1 Principales statistiques des 11 pays retenus

CAMEROUN CONGO TE D’IVOIRE ÉTHIOPIE MADAGASCAR MAROC MOZAMBIQUE NIGÉRIA RWANDA AFRIQUE DU SUD SOUDAN

Population (en millions) 23,3 4,6 22,7 99,4 24,2 34,4 28,0 182,2 11,6 55,0 40,2

Urbanisation (en pourcentage de la

population totale) 54,4 65,4 54,2 19,5 35,1 60,2 32,2 47,8 28,8 64,8 33,8

Croissance de la population urbaine

(moyenne sur 10 ans) 3,7 3,5 3,7 4,8 4,8 2,1 3,5 4,7 6,6 2,4 2,6

Population urbaine se trouvant dans la métropole

(en pourcentage) 24,1 62,5 39,5 16,7 30,7 17,0 13,2 15,1 37,6 26,4 37,7

PIB par habitant

(en dollars) 1,251 1,851 1,399 619 412 2,872 525 2,640 697 5,692 2,089

Valeur ajoutée dans l’industrie

(en pourcentage du PIB) 27,8 54,7 21,5 16,3 18,1 29,3a 20,1 20,4 14,2 28,7 20,5 Taux de croissance de la

valeur ajoutée dans l’industrie

(moyenne sur 10 ans) 2,4 2,5c 1,8 14,8 5,9 3,1 6,3 2,3 9,3 1,1 2,4

Emploi dans l’industrie (en pourcentage, dernière

année disponible) 9,1 20,6 ND 7,4 7,9 21,4 3,4 8,5 6,7 23,5 15,3

Rente de ressources naturelles

(en pourcentage du PIB, 2014) 9,9 48,2 7,3 12,7 10,9 2,7 13,6 12,5 6,1 7,6 6,4 Valeur ajoutée

manufacturière

(en pourcentage du PIB) 13,4 7,3 12,5 4,1 14,4b 18,2 9,7 9,5 4,8 13,0 7,8

Valeur ajoutée des services

(en pourcentage du PIB) 48,2 38,1 55,5 42,8 57,8 57,7 54,4 58,8 47,5 68,9 50,9 Source : Indicateurs du développement dans le monde.

Note : Les cellules en gris foncé sont celles où la valeur est la plus élevée. a 2014 ; b 2008 ; c Moyenne sur sept ans. Toutes les autres données sont relatives à 2015 (ou, pour la moyenne sur 10 ans, à la période 2006-2015) sauf mention contraire.

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L’URBANISATION ET L’INDUSTRIALISATION EN PRATIQUE

Les pays en transition (comme le Cameroun, le Mozambique et le Rwanda) sont au début de leur urbanisation mais connaissent déjà certaines des économies urbaines. Ils peuvent encore orienter leur croissance naissante pour investir dans des infrastructures essentielles et créer des zones industrielles bien situées et bien desservies reliant l’industrie aux ressources rurales.

Les économies diversifiées (comme l’Afrique du Sud, la Côte d’Ivoire, le Maroc et le Nigéria) doivent gérer les problèmes de la croissance urbaine pour porter au maximum les avantages des économies d’agglomération et le dynamisme continu de leurs villes. Ces pays se heurtent à la nécessité de procéder à des arbitrages indispensables entre investir leurs ressources limitées principalement dans les villes et les industries bien établies et croissantes, ou tenter au contraire d’équilibrer leur développement en industrialisant les régions en retard.

Les exportateurs de ressources naturelles (comme le Congo mais aussi, dans une certaine mesure, la Côte d’Ivoire, le Nigéria et le Mozambique) se trouvent aux prises avec les difficultés les plus grandes. Les grandes villes où la consommation est animée par les exportations tendent à présenter un caractère informel et inégal prononcé, et les secteurs faiblement créateurs d’emplois peuvent exercer une éviction sur les industries créatrices d’emplois et à l’encontre d’un développement plus Burundi

EXPORTATIONS PAR HABITANT, 2014

Diversification économique en 2014 (services et industries manufacturières en pourcentage du PIB) PAYS EN PRÉ-TRANSITION

FIGURE 5.1 Quatre groupes de pays selon les exportations et la diversification économique

Source : Indicateurs du développement dans le monde.

Les recettes en devises tirées des exportations de produits de base peuvent entraver le développement de secteurs de remplacement riches en emplois. Il n’empêche que les rentes tirées des ressources naturelles, à condition d’être investies dans des

infrastructures et des services stratégiques,

peuvent favoriser l’émergence de villes

économiquement productives.

RAPPORT ECONOMIQUE SUR L’AFRIQUE

équilibré. Cependant, ces exportateurs ont également de vastes possibilités d’utiliser leurs ressources financières pour investir dans l’infrastructure, mobiliser les liens industriels vers les secteurs gros exportateurs et utiliser le dynamisme de la consommation comme moteur du développement industriel.

Il sera peut-être plus difficile de développer, dans les pays exportateurs de ressources naturelles, le lien entre la demande urbaine et l’industrie manufacturière nationale.

Les ressources naturelles offrent des perspectives mais aussi des obstacles aux décideurs et peuvent avoir un impact sur la relation entre urbanisation et industrialisation, par la création de « villes de consommation » caractérisées par de fortes importations, une faible création d’emplois dans le secteur formel et la prépondérance des services à faible productivité, notamment informels (chap. 3).

Les devises obtenues par l’exportation de produits de base peuvent retarder le développement d’autres secteurs, exposés au commerce international et plus créateurs d’emplois (c’est le syndrome hollandais). Mais les recettes provenant de l’exportation de ressources naturelles, si elles sont investies dans des infrastructures et des services bien pensés, peuvent être la base d’une amélioration de la productivité économique des villes.

Plutôt que de se borner à exporter des produits agricoles bruts, même les pays qui ne sont pas d’importants exportateurs de ressources naturelles ont besoin d’une politique industrielle pour développer les secteurs à forte valeur ajoutée afin de répondre à la demande urbaine.

L’Ouganda illustre cette nécessité, courante en Afrique.

Ce pays s’urbanise sans s’industrialiser, tout en exportant des produits agricoles tels que le maïs et le café. La population augmente vite à Kampala et elle est souvent employée dans des commerces de détail et d’autres services plutôt que dans l’industrie. Le secteur informel représente 54 % des emplois et on estime que 55 % des entreprises n’emploient qu’une seule personne (Gollin et Haas, 2016).

Pour établir le lien entre l’urbanisation et la création d’emplois industriels en Ouganda et dans d’autres pays, il faudrait une politique de gestion urbaine et industrielle visant à améliorer la création de valeur ajoutée agricole et à moderniser les entreprises informelles de petite taille.

Cela peut être réalisé par une combinaison d’un plus large accès au crédit et aux autres services aux entreprises, par des politiques foncières et d’équipement plus fermes et par la création en plus grand nombre de moyens de formation et d’éducation.

Pourtant, certaines possibilités d’encourager l’industrialisation pour répondre à la demande urbaine sont méconnues, alors que les importations d’articles de consommation augmentent (chap. 4). Pour tirer parti des possibilités, des politiques judicieuses devraient soutenir l’industrie nationale et les chaînes de valeur du pays pour répondre à l’augmentation de la demande.

Les pays exportateurs de ressources

naturelles peuvent, toutefois, avoir

plus de mal à renforcer le lien entre

la demande urbaine et la production

du secteur manufacturier local.

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L’URBANISATION ET L’INDUSTRIALISATION EN PRATIQUE

5.2 LA DEMANDE URBAINE, MOTEUR DU