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À Johannesburg, les autorités s’efforcent de réduire la distance entre les lieux de travail

FIGURE DE L’ENCADRÉ 5.2 Temps de parcours à pied pour atteindre les transports en commun, province de Gauteng, 2003 et 2013

Source : Statistics South Africa (2014).

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L’URBANISATION ET L’INDUSTRIALISATION EN PRATIQUE

ZONES ÉCONOMIQUES SPÉCIALES ET AVANTAGES DE L’AGGLOMÉRATION

Les zones économiques spéciales sont un moyen de créer des poches de compétitivité industrielle. Au mieux, elles peuvent contribuer à améliorer le climat des affaires dans l’ensemble de l’économie grâce à un transfert des connaissances et une amélioration des compétences pratiques. Cela a été le cas à Maurice. Le programme de création de zones économiques spéciales de ce pays, lancé en 1970, a permis d’améliorer les qualifications et de mieux définir les politiques ; cela a joué un rôle dans la transfo :rmation structurelle de l’économie mauricienne, notamment parce que les politiques préférentielles étaient appliquées à toutes les entreprises, quel que soit leur emplacement, leur permettant ainsi de choisir le lieu de leur implantation en fonction de leurs préférences tout en élargissant l’impact des réformes qui améliorent le climat des affaires (Altbeker, McKeown et Bernstein, 2012).

Cependant, les zones économiques spéciales ne peuvent pas isoler complètement l’industrie des problèmes macroéconomiques du pays, comme on le voit à Madagascar où les zones économiques spéciales créées depuis 1989 souffrent de la médiocrité générale des conditions de l’activité économique et de la faible coordination des institutions et des politiques. La crise politique de 2009-2013 a en outre compromis l’essor du secteur de l’habillement (fig. 5.6). Pour la période 2009-2014, Madagascar est privée des avantages offerts par l’African Growth and Opportunity Act des États-Unis, et cela a déclenché le départ des entreprises asiatiques (Morris, Staritz et Plank, 2014).

Un projet de la Banque mondiale tendant à soutenir l’industrie du vêtement à Antananarivo pendant cette période a été mis à mal par l’instabilité politique et la corruption liée à l’enregistrement foncier (Gelb et al., 2015). Le retour à la démocratie en 2014 ne s’est

vraisemblablement pas encore traduit par une reprise de ce secteur (voir fig. 5.6). À l’échelle mondiale, le secteur des articles d’habillement est de plus en plus intégré verticalement, de sorte que les dernières entreprises malgaches dans ce secteur peinent à nouer des liens en amont, ces difficultés s’expliquant en partie par l’absence de soutien des autorités (Morris, Staritz et Plank, 2014).

Contrairement à ce que l’on espérait initialement, les zones économiques spéciales n’ont pas eu de retombées industrielles au-delà des limites d’Antananarivo.

L’emplacement choisi pour les zones économiques spéciales doit également chercher à rapprocher les industries de la main-d’œuvre qualifiée. Les retombées de l’amélioration des connaissances jouent dans les deux sens – les villes profitent de l’amélioration de la formation et de la qualification des travailleurs dans les zones économiques spéciales, et vice-versa. Au Mozambique, dans le parc industriel de Beluluane près de Matola, les entrepreneurs se heurtent à une pénurie de travailleurs ayant des qualifications pratiques. Dans ce parc industriel, les entreprises peuvent faire venir des travailleurs qualifiés étrangers pour un temps limité, et cela se traduit par un certain transfert de compétences, mais pas assez pour répondre pleinement aux besoins des entreprises en question. La difficulté d’obtenir des mécaniciens qualifiés et des opérateurs de machine compétents a amené certaines entreprises à former des habitants du lieu. L’Institut Armando Emilio Guebuza pour l’industrie et l’informatique, situé près du parc industriel, dispense une formation professionnelle. L’établissement de liens avec les secteurs favorisant l’expansion des connaissances est important pour la productivité industrielle – les entreprises installées dans le parc industriel considèrent l’inefficacité des services fournis aux entreprises comme un facteur limitatif.

Les zones économiques spéciales seront plus susceptibles de tirer parti des économies d’agglomération si elles sont bien situées, comme le montre le cas de la zone économique spéciale consacrée à la construction automobile en Afrique du Sud (voir encadré 3.1). Le secteur de l’automobile dans ce pays employait 31 260 personnes dans la fabrication des véhicules en 2015 et 82 100 dans la fabrication des pièces, engendrant des recettes d’exportation de 11,8 milliards de dollars (Lamprecht,

Pour que les ZES tirent un plus grand profit des économies d’agglomération, il convient de bien choisir leur lieu d’implantation, comme le démontre le succès des ZES du secteur automobile en Afrique du Sud.

Les zones économiques spéciales (ZES),

lorsqu’elles accueillent des groupements

d’entreprises, permettent l’accès aux

économies de localisation. C’est ainsi que

le Maroc a eu des succès dans le secteur

automobile, grâce à une ZES située à la

périphérie de Tanger, qui a tiré profit

à la fois de l’infrastructure disponible,

de l’accès aux marchés européens et

des économies de localisation.

RAPPORT ECONOMIQUE SUR L’AFRIQUE

2016). Le groupe d’entreprises de construction automobile dans la province du Gauteng a profité des politiques suivies depuis 1995 : ces entreprises se procurent une main-d’œuvre abondante d’un bon niveau d’instruction, et profitent de services aux entreprises de première qualité et de la proximité des fournisseurs de marchandises intermédiaires, indépendamment d’une bonne infrastructure de transport et de logistique.

Les zones économiques spéciales permettent aux entreprises d’accéder aux économies de localisation si des entreprises du même secteur s’y trouvent aussi. Le Maroc a obtenu des succès dans le secteur de l’automobile grâce à une zone économique spéciale située près de Tanger, ce qui lui a permis de profiter des avantages communs de l’infrastructure, de l’accès aux marchés (européens) et des économies de localisation. Le secteur de l’automobile a été relancé par un investissement de 2,1 milliards de dollars réalisé par Renault sur un site de 280 hectares à 30 km de Tanger, avec une bonne liaison ferroviaire et routière au port de cette ville. L’usine a commencé à fonctionner en 2012 et en 2015 elle produisait 288 053 véhicules. À la fin de 2015, elle employait directement 9 600 personnes recrutées localement et formées dans l’Institut de formation aux carrières de l’automobile créé avec le soutien commun de Renault et des pouvoirs publics. Renault exporte surtout des véhicules vers l’Europe (et bientôt vers l’Amérique du Sud) mais vend aussi sur le marché intérieur. Renault possédait 39 % de parts de marché en 2013 (Oxford Business Group, 2014).

Le lancement de l’industrie automobile a fortement augmenté la capacité d’exportation du Maroc, alimenté ses activités portuaires et engendré une chaîne d’offre qui

comporte un ensemble de production d’équipementiers, comme les accessoires extérieurs et intérieurs, l’emboutissage, l’injection plastique, les sièges, le circuit électrique, les systèmes de sécurité, d’étanchéité et de climatisation (Oxford Business Group, 2014). Ainsi, une trentaine de sous-traitants internationaux se seraient installés auprès de l’usine Renault, établissant leur production à Tanger, surtout dans la zone franche de la cité automobile de Tanger. Ford a également installé dans la région sa fabrication de composants, qui approvisionne les usines automobiles Ford en Espagne. Quatre-vingts pour cent des entreprises du secteur automobile marocain se trouvent à Tanger et elles emploient près de 60 000 travailleurs, mais on trouve aussi un ensemble plus réduit d’usines automobiles à Casablanca, qui produisent plutôt pour le marché intérieur.

L’industrie automobile à Tanger fait partie d’un pôle industriel plus vaste qui regroupe quatre zones franches à Tanger ou à proximité : la zone franche de Tanger, la zone de Melloussa où se trouve Renault, la cité automobile de Tanger et la zone franche commerciale de Fnideq. Ces zones franches s’étendent sur près de 3 000 hectares affectés au développement industriel, dont 1 200 sont déjà viabilisés. Deux autres zones industrielles, à Tétouan, se consacrent à l’industrie légère et comportent des petites et moyennes entreprises et des activités extraterritoriales. Ces zones constituent un système de développement industriel dans un rayon de 80 km à partir du port de Tanger-Med. La banlieue de Tanger compte aussi plusieurs parcs industriels, ce qui en fait un centre prometteur de croissance animé par l’industrie, le commerce et la logistique (Oxford Business Group, 2014).

Les infrastructures de transport et de logistique comprennent le port de Tanger-Med, qui présente deux terminaux pour les transports d’automobiles et plusieurs liaisons ferroviaires avec Rabat, Casablanca et Marrakech au sud, et Méknès, Fez et Oujda dans l’est du Maroc. Il y a aussi une autoroute depuis 2005 qui relie Tanger à Rabat et d’autres villes, l’aéroport international de Tanger et des liaisons maritimes régulières avec l’Espagne, la France et l’Italie.

Tanger dispose de plusieurs zones

industrielles dans sa périphérie, ce qui en

fait un pôle de croissance prometteur dont

les moteurs sont le secteur manufacturier,

le commerce et la logistique.

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L’URBANISATION ET L’INDUSTRIALISATION EN PRATIQUE

5.5 INTÉGRATION DU DÉVELOPPEMENT URBAIN ET INDUSTRIEL

dysfonctionnements de l’infrastructure et des marchés fonciers, les défaillances du marché, les externalités négatives et les problèmes de coordination affectent les grandes villes et les industries ; tous ces problèmes appellent une action des pouvoirs publics. Il existe des possibilités de synergie et d’efficacité si les politiques industrielles et urbaines et leur application sont bien coordonnées, en particulier dans le cadre de plans de développement national comme en Éthiopie