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Des perspectives considérables de croissance intelligente semblent se dessiner pour les villes africaines, d’autant plus qu’il reste à construire l’essentiel des infrastructures permettant la croissance démographique pour

les prochaines décennies.

RAPPORT ECONOMIQUE SUR L’AFRIQUE

et entre les riches et les pauvres, que connaissent les villes africaines ou les renforcera-t-elle ?

Des perspectives considérables de croissance intelligente17 semblent se dessiner pour les villes africaines, d’autant plus qu’il reste à construire l’essentiel des infrastructures permettant la croissance démographique prévue pour les prochaines décennies (PricewaterhouseCoopers, 2016). Les villes africaines sont bien placées pour ne pas reproduire les erreurs et les externalités négatives qui ont freiné la croissance et le développement social des villes américaines et asiatiques. La nouvelle ville africaine peut être plus intelligente et plus efficace, en évitant les ajustements coûteux menés dans de nombreuses agglomérations récentes dans le monde.

Les villes africaines bénéficient également d’une marge de manœuvre pour embrasser un modèle viable de développement aux niveaux socioéconomique et environnemental en ne répétant pas les erreurs des

autres régions. L’empreinte carbone des pays africains reste faible, se limitant à moins d’une tonne par habitant18 dans de nombreux pays. Grâce à de bonnes politiques, la croissance économique n’ira pas de pair avec la hausse des émissions de carbone, comme cela a été le cas sur les continents américain et asiatique.

De même, en dépit de l’expansion des terrains bâtis autour des villes à un rythme supérieur à la croissance démographique selon les études récentes, l’espace urbain occupé par habitant en Afrique reste inférieur à la moyenne mondiale et croît plus lentement que dans le reste du monde, à un taux de 14 % contre 26 % entre 1990 et 2015 (la figure 4.12) donne les chiffres de certaines villes africaines). Les villes africaines peuvent donc saisir ainsi l’occasion de se détourner du modèle occidental récent axé sur l’automobile et poursuivre une voie différente.

À cette fin, les décideurs africains devront se pencher plus en avant sur l’aménagement du territoire urbain et les transports, sans jamais oublier les fondamentaux, même dans la nouvelle ère technologique. En effet, la technologie va certes façonner les villes, mais ne les remplacera pas. La proximité et les interactions resteront les moteurs essentiels du développement spatial. Des marchés fonciers efficaces, des systèmes de transport performants et des services urbains de base de qualité poseront les jalons de la ville africaine du XXIe siècle.

FIgURE 4.11 Ensemble résidentiel à accès restreint au sud de Nairobi le long de l’autoroute de Mombasa

Source : Image satellite Google.

Les villes africaines sont bien placées

pour ne pas produire les erreurs et les

externalités négatives qui ont freiné la

croissance et le développement social

des villes américaines et asiatiques.

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LIENS ENTRE URBANISATION ET INDUSTRIALISATION

0 50 100 150 200 250 300 350 400

Accra, Ghana

Arusha, Tanzanie Beira, Mozambique Kampala, Ouganda Kinshasa, RDC

Luanda, Angola

Nakuru, Kenya

Ndola, Zambie

Port Elizabeth, Afrique du Sud Alger, Algeria

MÈTRES CARRÉS

1990 2000 2015

TABLEAU 4.5 coût de la vie : les 15 villes les plus chères d’Afrique RANg EN

AFRIQUE VILLE RANg

MONDIAL PIB PAR HABITANT

(EN DOLLARS DES É-U.) PLUS cHÈRE QUE …A

1 Luanda, Angola 2 4,102 Zurich, Switzerland ($80,215)

2 Kinshasa, DRC 6 456 Shanghai, China ($7,925)

3 N'Djamena, Chad 9 776 New York City, United States ($55,837)

4 Lagos, Nigeria 13 2,640 Seoul, Republic of Korea ($27,222)

5 Victoria, Seychelles 16 15,476 London, United Kingdom ($43,734)

6 Abuja, Nigeria 20 2,640 Dubai, UAE ($40,438)

7 Brazzaville, Congo, Rep. 23 1,851 Copenhagen, Denmark ($52,002)

8 Libreville, Gabon 28 8,312 Chicago, United States ($55,837)

9 Conakry, Guinea 36 531 Washington, DC, United States ($55,837)

10 Djibouti, Djibouti 40 1,813 Paris, France ($36,248)

11 Accra, Ghana 47 1,381 Milan, Italy ($29,847)

12 Yaoundé, Cameroon 50 1,251 Vienna, Austria ($43,439)

13 Abidjan, Côte d'Ivoire 56 1,399 Amsterdam, Netherlands ($44,433)

14 Douala, Cameroon 70 1,251 Doha, Qatar ($74,667)

15 Cairo, Egypt 91 3,615 San Jose, Costa Rica ($10,630)

Source: Mercer, 2016; World Development Indicators. GDP per capita is for 2015 data.

a. Per capita GDP is in parentheses.

FIgURE 4.12 Espace occupé par habitant dans certaines villes d’Afrique

Source : Programme des Nations Unies pour les établissements humains (ONU-Habitat) et Université de New York (2016).

RAPPORT ECONOMIQUE SUR L’AFRIQUE

4.4 OBSTAcLES

Si l’intensification des économies d’agglomération va de pair avec l’essor des villes, on observe aussi l’accélération des déséconomies d’agglomération, dépassant bientôt les économies, au détriment de la compétitivité urbaine.

En Afrique, la vitesse de l’urbanisation, la mauvaise planification, la faiblesse des institutions chargées de guider la croissance urbaine et les faibles revenus de nombreuses villes et citadins concourent à l’émergence prématurée de déséconomies préjudiciables à l’industrie et aux chaînes de valeur industrielles.

Un certain nombre d’insuffisances indique que de nombreuses villes africaines sont excessivement onéreuses comparées aux villes de pays ayant un niveau de développement similaire ou bien supérieur.

Une analyse comparative transversale des indices du coût de la vie urbaine menée par la Banque mondiale dans 62 pays montre que les villes africaines sont 31 % plus chères que celles de pays de niveaux comparables (Nakamura et al 2016). Selon le classement du coût de la vie de la société de conseil Mercer, Luanda, Kinshasa et N’Djamena figurent parmi les 10 villes les plus chères au monde (tableau 4.5) 19.

FORME URBAINE

La disposition spatiale des villes ou « forme urbaine » joue un rôle majeur dans le fonctionnement économique. Les liens entre l’urbanisation et le développement reposent sur la nature de la forme urbaine, qu’elle soit compacte et connexe, ou étendue et déconnectée (BAD, OCDE et PNUD, 2016; Turok, 2014). De nombreuses études lient empiriquement la densité urbaine à la productivité (Abel, Dey et Gabe, 2012). La faible densité augmente les distances qui séparent les acteurs économiques.

La tendance à l’urbanisation s’est accompagnée de

« dédensification » et la hausse du coût des infrastructures et des transports va de pair avec la perte de densité (UN-Habitat, 2014a).

La densité des villes des pays en développement est plus importante que celle des pays développés, malgré une chute globale de 2 % par an enregistrée entre 1990 et 2000 (Angel et al. 2010). Les pays en développement connaissent une expansion urbaine plus rapide et, en Afrique, la croissance démographique ne représente que 43 % de l’expansion des terrains aménagés (Seto et al.

2011). À l’échelle mondiale, la motorisation accrue, la polarisation des investissements vers les infrastructures routières, l’augmentation des revenus et de l’accession à la propriété privée et les politiques subventionnant les infrastructures résidentielles périurbaines comptent parmi les facteurs contribuant à la « dédensification » urbaine.

Il est essentiel de parvenir à une forme urbaine diverse et intégrée. Les aménagements à usages multiples décuplent les avantages de la densité, rassemblant les populations pour faciliter les interactions (ONU-Habitat, 2014a). Les villes les plus dynamiques sont caractérisées par une grande mixité et diversité, comme l’a soutenu avec vigueur Jacobs (1961). La planification et le zonage excessifs peuvent imposer une séparation artificielle des aménagements du territoire dans la géographie économique d’une ville. Les villes sont frappées de plus en plus par la ségrégation sociale, réduisant la connectivité et sapant les interactions au cœur des économies d’agglomération. De nouvelles expansions formelles voient le jour sous la forme d’ensembles résidentiels fermés, allongeant les temps de déplacement et créant des barrières dans le tissu urbain. La sécurité est la justification souvent invoquée, mais cette ségrégation contribue aussi à miner la cohésion sociale (Landman et Schönteich, 2002).

Les implantations sauvages sont tout aussi problématiques, et selon certains analystes, les bidonvilles constituent la plus grande menace pour le bien-être urbain (ONU-Habitat, 2010b), car ils privent une génération d’un accès à l’éducation et à la santé (Henderson, 2010). Ils sont généralement perçus comme des pièges de la pauvreté, mais ils peuvent aussi servir la mobilité économique dans un environnement institutionnel et spatial propice (Turok, 2015). Il faudrait donc intentionnellement établir

Si l’intensification des économies d’agglomération va de pair avec l’essor des villes, on observe aussi l’accélération des déséconomies d’agglomération, dépassant bientôt les économies, au détriment de la compétitivité urbaine.

La disposition spatiale des villes ou

« forme urbaine » joue un rôle majeur

dans le fonctionnement économique.

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LIENS ENTRE URBANISATION ET INDUSTRIALISATION

un lien à la fois physique et social avec l’économie formelle urbaine. Il est donc crucial de surmonter les obstacles à l’emploi découlant de la ségrégation et de la faible mobilité, notamment pour les jeunes Africains en milieu urbain, et ainsi libérer le potentiel du dividende démographique (ONU-Habitat, 2014b).

La mobilité des populations sous-tend également la productivité urbaine. Les temps importants de déplacement et les contraintes de mobilité entraînent des coûts considérables et amenuisent les perspectives d’emploi, notamment pour les populations pauvres des grandes villes africaines. À Nairobi (Kenya), à Pretoria (Afrique du Sud) et à Dar es-Salaam (Tanzanie), les habitants dépensent jusqu’à 30 % de leur salaire quotidien pour payer la navette en taxi collectif, en moto, en autobus ou autres moyens de transport combinés. Selon les enquêtes administrées à Nairobi, à Lagos (Nigéria) et en Afrique du Sud, les ménages à faible revenu consacrent entre 15 et 54 % de leur revenu aux frais de déplacement (ONU-Habitat, 2013). Dans les villes sud-africaines, le trajet moyen en autocar est de 74 minutes dans chaque sens (Statistiques nationales – Afrique du Sud, 2014).

Le concept de « mauvais appariement spatial » a été décrit par Kain en 1968. Il décrit l’éloignement géographique des quartiers où résident les groupes à faible revenu par rapport au marché du travail, contribuant ainsi aux forts taux de chômage. Testée en Afrique du Sud, cette idée montre que la distance au centre-ville joue un rôle important dans les niveaux élevés de chômage frappant les populations noires dans plusieurs zones métropolitaines (Naudé, 2008). Les investissements dans de meilleures options multimodales permettront d’assurer une mobilité urbaine respectueuse de l’environnement sans entraver les processus conjoints d’urbanisation et d’industrialisation et d’éviter de futurs coûts considérables pour remédier aux effets négatifs sur l’environnement (encadré 4.6).

La réalisation des bénéficies du partage et de la mise en commun de la main-d’œuvre ne sera possible qu’à travers un véritable accès aux lieux de travail. À Hong Kong (Chine), les parcs industriels doivent mettre en place une navette (Metro Vancouver, 2012), contrairement à Johannesburg (Afrique du Sud), où faute de bus de nuit, certaines industries ne peuvent pas assurer une troisième période de travail. Lors d’une table ronde sur les parcs industriels sud-africains organisée en novembre 2011 par le Centre sud-africain pour le développement et l’entreprise, les conférenciers ont évoqué à maintes reprises l’accès au travail comme un enjeu (Altbeker, McKeown et Bernstein, 2012). Les liaisons de transport peuvent également favoriser les liens en amont avec les entreprises informelles (CEA, 2011).

Dans les pays à urbanisation rapide, la mobilité est également menacée par la difficulté à planifier (et à maintenir) un réseau de rues bien reliées avant toute implantation non planifiée, qui prend souvent la forme d’ensembles résidentiels à faible revenu, d’ensembles résidentiels à fort revenu à accès restreint ou de la juxtaposition des deux. L’absence de planification urbaine, aussi bien pour l’expansion formelle qu’informelle, posera à terme des problèmes majeurs de connectivité et de mobilité au détriment des économies d’agglomération.

Bien que l’ONU-Habitat (2014c) recommande qu’au moins 30 à 40 % du territoire urbain soit consacré aux rues, la plupart des villes africaines en comporte une proportion bien moindre, notamment dans les périphéries à urbanisation rapide, atteignant à peine les 6 % à Bangui (République centrafricaine); 11,1 % à Accra