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L’industrialisation avec ou sans les femmes? Le cas des villes éthiopiennes

Figure de l´encadré 3.1 Emploi par secteur et par sexe dans les villes éthiopiennes, 2012

0 500 1,000 1,500 2,000 2,500 3,000 3,500

Femmes Hommes

Services ('000)

Employés de bureau Employés des services et de la vente Emplois élémentaires Commerçants et artisans Techniciens et professionnels intermédiaires Travailleurs professionnels Travailleurs qualifiés dans l’agriculture, les forêts et la pêche Gestionnaires Opérateurs de machines et d’usines

Agriculture ('000)

0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 100 Femmes Hommes

%

Source: OIT, Bureau de statistique (âge:10 ans et plus).

Figure de l´encadré 3.2 Emploi par sexe et par sous-secteur dans les villes éthiopiennes, 2012

Dans les zones urbaines, les femmes sont particulièrement sous-représentées, notamment dans l’emploi professionnel, l’emploi agricole qualifié, les postes de direction et, surtout, chez les opérateurs d’installations et de machines (figure de l’encadré 3.2).

Source: Base de données OIT; indicateurs clés du marché de travail (âge: 10 ans et plus).

ENCADRÉ 3.3 L’INDUSTRIALISATION AVEC OU SANS LES FEMMES ? LE CAS DES VILLES ÉTHIOPIENNES

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VUE D’ENSEMBLE DE L’URBANISATION ET DE LA TRANSFORMATION STRUCTURELLE EN AFRIQUE

3.9 DES RAISONS D’ÊTRE OPTIMISTE

Après le tournant du siècle, les transformations structurelles ont commencé à contribuer à la croissance dans certains pays africains. Dans une mise à jour de l’étude originale montrant les effets négatifs de la transformation structurelle (McMillan et Rodrik, 2011), Rodrik, McMillan et Verduzco-Gallo (2014) ont constaté que la moitié de leur échantillon africain (Nigéria, Zambie, Éthiopie et Malawi) avait enregistré une expansion du secteur manufacturier après 2000 et que dans d’autres pays comme L’île Maurice et le Sénégal, la main d’œuvre avait migré vers le secteur des services à forte productivité, générant le type de transformation structurelle requis pour le développement (Rodrik, McMillan et Verduzco-Gallo, 2014). Il ressort aussi d’une autre étude fondée sur les données des enquêtes démographiques et de santé de 2000-2010 qu’en Afrique, la transformation structurelle a contribué à la croissance de la productivité du travail dans environ 50

% des pays de son échantillon (Harttgen et McMillan, 2014). Une décomposition des taux de croissance par secteur montre que dans la plupart des pays africains

dont les données sont disponibles, l’industrie a contribué à la croissance du revenu par habitant pendant la période 2000-2014 (fig. 3.11).

Il existe d’autres raisons d’afficher un optimisme prudent sur l’avenir industriel de l’Afrique, notamment la perspective de voir certaines industries chinoises émigrer, pour éviter la hausse des coûts de main d’œuvre et de fabrication dans leur pays (Page, 2012; Rodrik, À cause de la ségrégation sectorielle et professionnelle dont elles sont victimes, les femmes sont plus susceptibles d’occuper des emplois précaires, c’est-à-dire comme travailleurs indépendants et auxiliaires familiaux (tableau de l’encadré 3.1).

TABLEAU DE L'ENCADRÉ3.1 Situation professionnelle par sexe dans les villes éthiopiennes, 2012

EMPLOI SALARIÉ

PERSONNES TRAVAILLANT À LEUR PROPRE COMPTE

EMPLOYEURS TRAVAILLEURS INDÉPENDANTS

MEMBRES DE COOPÉRATIVES DE

PRODUCTEURS

AUXILIAIRES FAMILIAUX

EMPLOI PRÉCAIRE

Pourcentage de la main d’œuvre

masculine 52,5 46,3 0,9 38,0 0,9 6,5 44,5

Pourcentage de la main d’œuvre

féminine 47,0 52,2 0,4 39,5 0,9 11,4 50,9

Écart (Rapport pourcentage hommes/

femmes)

0,90 1,13 0,44 1,04 1,00 1,75 1,14

Source: Base de données OIT; indicateurs clés du marché de travail (âge: 10 ans et plus).

encadré 3.3 (cOnT.) L’INDUSTRIALISATION AVEC OU SANS LES FEMMES ? LE CAS DES VILLES ÉTHIOPIENNES

En Éthiopie et ailleurs, les marchés du travail urbains déçoivent les attentes des femmes. La productivité des travailleurs urbains ne pourra augmenter que si une attention particulière est accordée à l’emploi des femmes.

L’avenir industriel de l’Afrique a tout à

gagner, d’une part, de la perspective

de voir certaines industries chinoises

migrer vers d’autres pays pour pallier

l’augmentation des coûts du travail et de

fabrication et, d’autre part, du rôle croissant

de la consommation urbaine en tant que

force d’attraction des investissements et

moteur de la croissance industrielle.

RAPPORT ECONOMIQUE SUR L’AFRIQUE -2. -1 0 1 2 3 4 5 6 Ethiopie

Mali Nigéria Mozambique Rwanda Sierra Léone Zambie Maurice Cabo Verde Tanzanie Maroc Namibie Lesotho Botswana Tunisie Soudan Burkina Faso Égypte Mauritanie Seychelles Ouganda Rép. Dém. du Congo Algérie Kenya Afrique du Sud Malawi Sénégal Cameroun Swaziland Benin Congo, Rép.

Libéria Guinée Togo Guinée-Bissau Comoros Gabon Burundi Gambie Zimbabwe République centrafricaine

VALEUR AJOUTÉE PAR HABITANT (2000-2014)

Agriculture Industrie Services

FIgURE 3.11 Taux de croissance de la valeur ajoutée par habitant, par pays et par secteur en Afrique, 2000-2014

Source: Indicateurs du développement dans le monde.

Davantage que la

migration, c’est

l’accroissement

naturel de la

population qui

est le moteur de

l’urbanisation

en Afrique.

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VUE D’ENSEMBLE DE L’URBANISATION ET DE LA TRANSFORMATION STRUCTURELLE EN AFRIQUE

freiner la croissance urbaine, mais leurs politiques ont échoué ( Annez et Buckley, 2009; ONU-Habitat, 2014) et pourraient bien avoir entraîné des pertes de productivité (Harvey, 2009). Les politiques qui visent à décourager les migrations (par le manque de services) doivent être évitées, compte tenu de leurs effets économiques néfastes (Turok et McGranahan, 2013).

Enfin, le développement rural et le développement urbain sont complémentaires. Les multiples aspects des liens économiques entre les zones urbaines et rurales font que le bon fonctionnement des économies urbaines bénéficie également aux zones rurales. De plus en plus de migrants urbains et leurs familles sont à cheval entre la ville et la campagne et élaborent des stratégies de subsistance qui combinent les deux sources de revenus (Annez et Buckley, 2009; Potts, 2010). Les migrants urbains envoient de l’argent dans les zones rurales, stimulant ainsi les dépenses d’éducation et d’investissement au profit de la productivité économique des collectivités rurales (BAD, OCDE et PNUD, 2016). La migration, en particulier vers les petites villes, est souvent un moyen de sortir de la pauvreté. L’urbanisation contribue également au développement économique des régions rurales en créant des marchés pour les produits agricoles et en fournissant des services aux entreprises agricoles.

MYTHE 2: LES VILLES AFRICAINES NE SONT PAS CHÈRES

Les villes africaines sont très chères, jusqu’à 31 % plus chères que les villes des pays à niveau de revenu similaire (Nakamura et al., 2016); par conséquent, il est faux de croire que le développement industriel en Afrique bénéficiera d’une main-d’œuvre et de terres bon marché (chapitre 4). En outre, les coûts indirects de l’insuffisance des infrastructures placent les entreprises africaines dans une situation de désavantage concurrentiel face aux nombreuses entreprises d’Amérique latine et d’Asie qui payent respectivement 50 % et 70 % moins cher le transport intérieur des importations et exportations, à quoi s’ajoute le fait que les entreprises africaines perdent jusqu’à 13 % de leurs heures de travail dans des pannes d’électricité (Iarossi, 2009).

McMillan et Verduzco-Gallo, 2014), et le rôle croissant de la consommation urbaine en Afrique comme force d’attraction des investissements et moteur de la croissance industrielle. Les villes qui connaissent une expansion de la classe moyenne sont des destinations potentielles pour

3.10 DISSIPER LES MYTHES

Ces raisons d’être optimiste, ajoutées au fait que les gouvernements africains et les partenaires de développement ont une opinion plus positive du potentiel économique et social des villes, encouragent les pays africains à renouveler leur engagement à ressusciter leur secteur industriel, conformément aux plans nationaux de développement et à l’Agenda 2063 de l’Union africaine. Il est temps de dissiper les mythes communs d’une époque

« anti-urbaine » révolue.

MYTHE 1: ÉTANT DONNÉ QUE LES POLITIQUES VISANT À AMÉLIORER LES VILLES VONT STIMULER LA MIGRATION ET N’ABOUTIR QU’À DES VILLES PLUS SURPEUPLÉES, LES DÉCIDEURS DEVRAIENT SE CONCENTRER SUR LE DÉVELOPPEMENT RURAL POUR RALENTIR L’URBANISATION

L’urbanisation de l’Afrique est davantage dictée par l’accroissement naturel que par la migration. En Afrique, les taux de migration avaient atteint des sommets dans les années 1960, avant de chuter par la suite. Contrairement à l’expérience vécue par le Royaume-Uni au cours de la révolution industrielle, où l’accroissement naturel de la population était plus faible dans les villes en raison de taux de mortalité élevés, la croissance de la population urbaine en Afrique est stimulée par l’accroissement naturel, lui-même dû à une baisse des taux de mortalité dans les villes. L’urbanisation va donc se poursuivre indépendamment de la migration ou du développement rural (Annez et Buckley, 2009; Fox, 2014).

En outre, les politiques antérieures de prévention ou de ralentissement de la migration ont échoué. Dans les années 1980, de nombreux gouvernements africains, préoccupés par l’urbanisation rapide, avaient tenté de

les investissements en raison de la hausse des dépenses de consommation et de l’investissement attendu dans les infrastructures. En 2030, les résidents des 18 premières villes d’Afrique pourront bien cumuler un pouvoir d’achat de 1 300 milliards de dollars (Leke et al., 2010).

Les liens économiques multidimensionnels

unissant zones urbaines et zones rurales

font que le bon fonctionnement des

économies urbaines présente aussi des

avantages pour les zones rurales.

RAPPORT ECONOMIQUE SUR L’AFRIQUE

Le mauvais fonctionnement des villes a un coût, surtout lorsque les marchés fonciers et immobiliers sont artificiellement limités par le mauvais fonctionnement des institutions ou le manque de terrains viabilisés et constructibles. Le manque d’accès à des terrains bien situés reste un des principaux obstacles à la croissance des petites entreprises. L’incapacité des marchés immobiliers de répondre à la demande entraîne une augmentation des prix. Le coût de la vie à New York est le plus élevé aux États-Unis en raison des avantages qu’offre la ville en termes de productivité, mais il est inférieur à celui de Luanda, (Angola), Kinshasa (RDC) et N’Djamena (Tchad) (voir tableau 4.6)11. Les villes chères compromettent leur avantage productif urbain.

MYTHE 3: LES BONNES VILLES POUSSENT NATURELLEMENT DANS UNE ÉCONOMIE DE MARCHÉ

Les villes sont construites sur la base de l’infrastructure publique. Les villes grandissent autour d’un réseau

d’espaces publics, dont les plus importants sont les rues.

L’État joue un rôle important dans la définition de la manière dont les rues et les infrastructures façonneront la ville et favoriseront un bon fonctionnement – ou un dysfonctionnement – de l’espace urbain. À certains endroits, c’est la demande du marché qui semble être à l’origine d’un projet immobilier; cependant, il y a trop souvent des subventions cachées qui couvrent les coûts supplémentaires des infrastructures dans les zones à faible densité et à haut revenu, ce qui favorise un étalement urbain aux conséquences économiques néfastes.

Les jalons d’une économie de marché dans le domaine immobilier peuvent en effet créer une réactivité économique, permettant à la ville de s’adapter à l’évolution des forces économiques et de répondre à la demande de logements et d’espaces non résidentiels.

De même, si les promoteurs privés peuvent compter sur le bon fonctionnement des marchés fonciers et immobiliers, c’est tout leur potentiel économique qui sera libéré (encadré 3.4). Cependant, le rôle des institutions et des investissements publics ne doit pas être sous-estimé. L’investissement public dans les infrastructures, dans le cadre d’une planification à long terme, témoigne de l’engagement des services publics et des perspectives de croissance d’une ville et contribue à l’afflux de l’investissement privé dans l’industrie. Les biens privés et collectifs peuvent jouer un rôle complémentaire lorsqu’ils sont bien coordonnés.

L’incapacité des gouvernements à fournir l’infrastructure et les services publics est à l’origine de l’échec

Gurgaon est une ville indienne qui prospère grâce à des entreprises industrielles et informatiques locales et étrangères.

En 1991, c’était un petit village dans la périphérie de Delhi, avec une population d’environ 121 000 habitants. En 2011, sa population a fortement augmenté pour atteindre 1,5 million d’habitants. En 2013, près de la moitié des sociétés du classement Fortune 500 y exerçaient leurs activités.

Jusqu’en 2008, la ville n’avait pas d’autorité municipale; elle a donc été développée par le secteur privé et ce, pour trois raisons. Premièrement, les entreprises et les citoyens de Delhi se sont installés à Gurgaon en raison du prix abordable de ses terrains et des possibilités de croissance qu’elle offrait lorsque le marché de l’immobilier de Delhi est devenu tendu. Deuxièmement, dans l’État d’Haryana, où Gurgaon est située, le législateur avait adopté des lois permettant aux entreprises privées d’acquérir des terres à grande échelle pour développer les municipalités. Troisièmement, après que de grandes entreprises comme General Electric eurent lancé la dynamique de croissance en s’y installant, cela a encouragé d’autres entreprises à faire de la ville un pôle des technologies de l’information doté de tous les équipements modernes, dont 43 centres commerciaux, des tours d’habitation de luxe, des gratte-ciel, des terrains de golf et des hôtels cinq étoiles.

L’absence de l’action du gouvernement dans le développement de Gurgaon comporte cependant un inconvénient: le très mauvais état des infrastructures. « Les eaux usées sont souvent rejetées dans les rivières ou les terres environnantes … Les pannes d’électricité sont fréquentes. En plus, les transports publics sont soit inexistants soit de mauvaise qualité ... La sécurité est également inexistante dans les endroits publics où les policiers sont en sous-effectifs » (p. 201). Ces défaillances constituent une menace pour la stabilité et la croissance économiques à long terme de la ville.

Source: Rajagopalan et Tabarrok, 2014.