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Les parties à la procédure

Contrairement à la pratique développée dans la plupart des cantons en ma-tière d'autorisation de construire, caractérisée par une ouverture qui prend en compte un cercle potentiellement étendu de personnes ayant qualité de parties à la procédure, la question de la détermination des parties à la procé-dure de mise à disposition du domaine public est encore souvent négligée. Or, l'inscription spatiale concrète des activités nécessitant un usage accru du domaine public est également susceptible de toucher un large cercle d'admi-nistrés.

S'agissant de la phase non contentieuse de la procédure, de nombreux can-tons ont, à l'instar de ce que prévoit la loi fédérale de procédure administra-tive du 20 décembre 1968 (PA)59 à son article 6, renoncé à poser des exigen-ces spéciales pour la qualité de partie et, par le jeu du renvoi aux dispositions

58 Ce recours sera adressé au Tribunal administratif, conformément au principe général de l'art. 56A de la loi genevoise sur l'organisation judiciaire du 22 novembre 1941 (LüJ!

GE - RS/GE E 2 05).

THIERRyT ANQUEREL

sur la qualité pour agir (art. 48, let. a, PA, 103, let. a, 01), ont admis que disposent de cette qualité tous ceux qui sont touchés par la décision en cause directement, plus que quiconque, dans un intérêt digne de protection, qui peut être de simple fait. Cependant, quelques cantons, dont Genève (art. 7, al. l, LPNGE) et Fribourg (art. Il, al. l, let. a, du code de procédure et dejuridic-tion administrative du 23 mai 1991, CPJNFR60), ont restreint la qualité de partie en procédure non contentieuse aux personnes pouvant être touchées dans leurs droits ou obligations (donc dans un intérêt juridique). Cette restric-tion ne vaut cependant, au vu de la jurisprudence du Tribunal fédéral61, que dans la mesure où la décision cantonale de dernière instance n'est pas sus-ceptible d'être portée devant une instance fédérale par un recours ordinaire.

En effet, si tel est le cas, alors la qualité de partie doit être aussi large en procédure cantonale qu'en procédure fédérale.

En pratique, en ce qui concerne les actes de mise à disposition du domaine public, outre les destinataires de ces actes, les voisins auront la qualité de partie s'ils sont touchés directement plus que quiconque, ce qui est relative-ment facile à démontrer, avec la condition supplérelative-mentaire, à Genève et Fri-bourg, qu'ils invoquent la violation d'un droit constitutionnel dont ils sont titu-laires ou d'une disposition légale destinée, au moins partiellement, à les protéger. Cette condition tombera cependant si les voisins invoquent l'appli-cation de dispositions du droit fédéral, comme par exemple les ordonnances fédérales traitant des nuisances62 , ce qui ouvrirait la voie, en dernier ressort, à un recours de droit administratif au Tribunal fédéral en application de l'ar-ticle 97 01.

Reste à déterminer la position des postulants écartés lorsque l'octroi d'une autorisation ou d'une concession à un requérant revient ipso facto à rejeter les demandes émanant d'autres personnes. Il faut, à notre avis, admettre dans ce cas que tous ceux qui demandent à ce que leur soit octroyé le droit d'utilisation du domaine public sont susceptibles d'être touchés dans leurs

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RS 172.021.

RS/FR 150.1.

ATF 118/1992lb 381,395, WWF; 112/19861a 180, 1901191, VerbandSchweizerischer Assistenz- und Oberiirtze; BaVAY (2000) p. 132.

On peut penser notamment, pour des manifestations ou des installations sur le domai-nes public, à l'Ordonnance sur la protection contre le bruit du 15 décembre 1986 (OPB - RS 814.41) ou à l'Ordonnance sur la protection contre les nuisances sonores et les rayons laser lors de manifestations du 24 janvier 1996 (Ordonnance son et laser - RS 814.49).

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Les instruments de mise à disposition du domaine public

droits ou obligations par la décision à prendre. Cette solution est la seule envisageable même si l'on se trouve dans un cas où les postulants n'ont pas de droit à l'obtention d'une concession. En effet, à défaut, il faudrait soit considérer que personne, y compris celui qui finalement reçoit la concession, n'a la qualité de partie dans la procédure non contentieuse faute de disposer a priori d'un droit à la concession, soit, si l'on veut dénier cette qualité aux seuls postulants écartés, se résigner à ne la déterminer qu'une fois la déci-sion rendue. Il faut bien admettre que ces deux hypothèses apparaissent absurdes. Il s'ensuit que, même dans les cantons qui définissent étroitement la qualité de partie en procédure non contentieuse, tous ceux qui demandent une autorisation ou une concession aux fins de mise à disposition du domaine public ont qualité de partie dans la procédure ainsi ouverte.

C. Le déroulement de la procédure

La procédure d'octroi d'autorisation ou de concession d'utilisation du do-maine public est régie par les règles générales de procédure administrative, qu'il n'est pas nécessaire de présenter ici en détail. Deux remarques spéci-fiquement liées à la mise à disposition du domaine public doivent cependant être faites.

La première a trait à l'exercice des droits des parties, notamment le droit d'être entendu, celui d'accéder au dossier et celui de participer à l'adminis-tration des preuves. Pour que ce droit soit effectif, il est nécessaire que les parties potentielles soient au courant de l'existence de la procédure. Lors-qu'elles sont peu nombreuses, il y a lieu de les inviter personnellement à participer à la procédure. Lorsque, comme c'est le cas des procédures por-tant sur un objet à pertinence spatiale, le nombre des parties intéressées est difficile à déterminer a priori, la publication des requêtes est la seule solution pour garantir le respect du droit d'être entendu de l'ensemble d'entre elles.

Or, à l'inverse de ce qui est généralement prévu en droit de la construction, il est rare que les demandes d'autorisations ou de concessions relatives à l 'uti-lisation du domaine public soient publiées. On ne trouve que quelques excep-tions en matière de concessions de longue durée: ainsi, à Genève, les deman-des de concession de la compétence du Grand Conseil, soit celles d'une durée supérieure à 25 ans, sont soumises à une enquête publique de 30 jours (art. 22 LOP/GE); les concessions de droits d'eau sont également soumises partout à enquête publique pendant un «délai convenable» en vertu de

l'arti-THIERRY TANQUEREl.

cie 60, alinéa 2, de la loi fédérale sur l'utilisation des forces hydrauliques du 22 décembre 1916 (LFH)6J

Cette lacune crée manifestement le risque que des parties ne soient pas mises en position d'exercer leurs droits. Cette situation prétérite non seule-menUes parties en question, mais est également dangereuse pour le bénéfi-ciaire de l'autorisation ou de la concession: elle peut en effet amener à l 'an-nulation ultérieure de l'autorisation ou de la concession, quand bien même celle-ci serait confonne au droit matériel64 Les autorités compétentes de-vraient donc recourir beaucoup plus systématiquement à la publication des demandes de mise à disposition du domaine public. S'agissant d'une [onna-lité destinée à mettre en œuvre un droit constitutionnel et légal des parties, une base légale spéciale ne nous paraît pas nécessaire à cette fin.

La deuxième remarque porte sur la question de savoir dans quelle mesure la procédure prévue par la législation sur les marchés publics, en particulier par l'accord intercantonal sur les marchés publics du 25 novembre 1994 (AIMP)65, est applicable. Dans un arrêt concernant l'octroi d'une concession exclusive d'affichage sur le domaine public, le Tribunal fédéral a tranché cette ques-tion par la négative, en relevant que, dans la situaques-tion en cause, la collectivité publique ne se trouvait pas dans la position d'un «demande UT», typique des marchés publics, mais dans celle d'un «offreur». En outre, l'activité liée à la concession ne constituait pas une tâche publique. Cette solution, qui consti-tue l'état du droit positif à ce jour, a fait l'objet de vives critiques, que nous renoncerons à analyser plus avant ici, dès lors qu'elles sont traitées ailleurs dans cet ouvrage66.