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Pourquoi ? Comment ?

1 Participation des « usagers » dans la recherche coopérative

1.2 Pourquoi la participation ?

« La participation36 encourage les aptitudes interpersonnelles et les pratiques donnent aux jeunes un sens de leurs propre valeur et de la confiance en soi. L'engagement peut donc donner du pouvoir aux citoyens (...)sur les questions qui les affectent le plus en tant qu'individus autonomes. »

La participation s'inscrit dans l'exercice démocratique et fait partie d'une valeur commune à l'équipe de recherche. Développer la participation au sein de la recherche, c'est considérer que les jeunes co- chercheurs sont en mesure de contribuer au travail. Si on les situe ainsi, on valorise les capacités d'adaptation des jeunes et on renforce par ailleurs leur confiance en soi. Au-delà de cet aspect, la volonté d'inclure la participation des jeunes à la recherche en tant que co-chercheur, vient d'un projet commun de l'équipe d'appui SEA 35 et Chaire Jeunesse de Recherche.

Par ailleurs, quand on pense à la participation on trouve le concept « l'expertise d'usage ». Nous allons voir maintenant comment la notion d'expertise peut prendre différentes formes. Différents auteurs s'intéressent à cette dimension. J. Dewey est plutôt sceptique sur l'efficience de la démarche participative (principalement dans l'approche de la démocratie participative). Il situe le « savoir d'usage » dans une perspective « marchande », c'est à dire « usagers-client ».

L'équipe de recherche ne considère pas les « usagers » comme des « clients », d'une part parce que nous ne concevons pas la recherche comme une démarche marchande et non plus la relation entre professionnels et usagers comme étant commerciale. Par ailleurs, penser aux jeunes comme des « usagers clients », c'est admettre qu'ils sont « passifs », en tout cas moins actifs à la démarche de recherche. Or, le fait de les considérer comme acteurs et de les orienter vers la tâche, facilite

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125 l'engagement et favorise la dynamique de co-construction.

J. Dewey reconnaît tout de même que le savoir d'usage enrichit le savoir technique. Mais dans notre recherche nous sommes dans une perspective de coopération, puisque chacun apporte son expertise sans pour autant rester dans son rôle de manière figée. Nous partons donc également du principe que nous pouvons accroître nos connaissances par les échanges avec les jeunes, c'est le principe même de la co-construction.

Différents niveaux d'implication existent à la dynamique participative de la recherche coopérative.

Sherry Arnstein consultante américaine s’intéresse à la thématique participative et démocratique.

Elle élabore une échelle pour illustrer les différents niveaux d'implication. L'auteure hiérarchise les pratiques participatives. (cf. la revue Esprit, « forces et faiblesses de la participation », Jacques Donzelot et Renaud Epstein, juillet 2006. p.7-53)

L’échelle d’Arnstein comprend 3 niveaux : 1/ Non participatif ; 2/ La coopération symbolique et 3/ La participation. Ces niveaux sont subdivisés en degrés. Nous tenterons de faire le lien entre le niveau

de participation la recherche coopérative et l'échelle participative proposée par Arnstein. Premier niveau : « non-participatif »

A ce premier niveau, on retrouve deux degrés : le premier, appelé manipulation, consiste à éduquer les participants et le deuxième, thérapie, vise à « traiter » leurs pathologies. Dans les deux cas, nous ne sommes pas dans une dynamique participative. L'usager n'est pas mis en valeur, il est plutôt placé comme « objet ». La logique ici, s'inscrit dans un objectif d'obtenir le soutien du public.

Pour faire le parallèle avec notre démarche de recherche, le fonctionnement de notre groupe de travail ne s’inscrit pas dans cette logique. On considère que les membres de l'équipe (Chaire de Jeunesse, SEA35 et les jeunes) sont en capacité de proposition mais aussi dans la mise en application de la démarche de recherche. Personne dans notre groupe de recherche n'est considéré comme un sujet en situation de « fragilité psychique » et donc dans la nécessité de « soins », ou relevant du volet « éducatif ».

Deuxième niveau : Coopération symbolique

A ce niveau on retrouve 3 degrés de mise en pratique de la participation :

L’information, phase nécessaire pour légitimer le public mais insuffisante car elle se

126 ◦ La consultation, possibilité pour le public de formuler ses attentes et suggestions, mais sans garanties que celles-ci soient prises en compte. Dans l'échelle d'Arnstein ce degré est décrit plus comme une formalité sans aucune conséquence sur la prise de décision des décideurs.

La réassurance, ce degré consiste à autoriser les citoyens à donner des conseils et à faire des propositions mais ils n’ont aucun pouvoir quant à la décision.

Dans notre recherche nous avons la dimension consultative, toutefois nous ne retrouvons pas dans la description d’Arnstein. Les propositions effectuées par les jeunes et experts consultés sont prises en compte en différentes instances, notamment celles faites par les différents comités de pilotage. Par exemple lors du premier Copil37 des échanges ont eu lieu dans l'objectif de co-construire la problématique de l'étude. L'équipe de recherche (Chaire de recherche et l'équipe d'Appui) propose le terme « jeunes en situation de pauvreté ». Suite aux échanges, le comité propose plutôt le concept « de jeunes en situation de précarité » en argumentant que ce terme correspond mieux à leurs pratiques de terrain. Finalement cette proposition a été retenue dans la problématique de recherche.

Troisième niveau : Participation Ce niveau comporte lui aussi trois degrés :

Dans l'échelle d'Arnstein, la participation commencerait par la formation d'un partenariat, qui consiste en une redistribution du pouvoir suite à une négociation entre citoyens et ceux qui détiennent le pouvoir de décision. Ce partenariat se concrétise par la formation de comités associant les différentes parties en présence. Ces comités sont responsables des décisions et de la planification des opérations. Dans notre recherche, nous retrouvons cette notion des partenariats à différents niveaux : en premier, le partenariat existant entre la Chaire Jeunesse et la SEA35 Prévention Spécialisée et les jeunes co-chercheurs. En second, le Copil38 et le Comex39 sont deux autres espaces de travail où

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Copil : comités de Pilotage est composé par les professionnels interne à la SEA35. Le Copil a été construit pour baliser les démarches de recherche.

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Copil : comités de Pilotage est composé par les professionnels interne à la SEA35. Le Copil a été construit pour baliser les démarches de recherche.

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127 nous retrouvons la dimension de partenariat.

La délégation de pouvoir se distingue du degré précédent en ce que les « citoyens

occupent une position majoritaire » au sein des comités, ce qui leur confère une

réelle autorité.

Pour Arnstein, les usagers doivent être majoritaire pour avoir « du pouvoir ». Avec ce degré « délégation de pouvoir » nous pouvons questionner : faut-il être majoritaire pour que son avis soit pris en compte ?

Dans le cadre de la recherche coopérative le nombre de jeunes co-chercheurs n'est pas majoritaire, nous avons autant « d'usagers » que de professionnels. Dans la dynamique de co-construction il ne s'agit pas d'être majoritaire pour que son avis soit pris en compte. Il s'agit plutôt d'une réflexion construite collective, basée sur les lectures et la qualité des échanges.

Pour Arnstein le contrôle citoyen est le degré le plus élevé de son échelle. Sur ce degré on trouve des tâches : de conception ; de planification ; et de direction du programme. Les tâches sont appliquées par les citoyens sans intermédiaires. Ce degré se vérifie sur la base d'une élaboration démocratique. Le degré de « contrôle citoyen » se retrouve dans certains contextes des pratiques des professionnels en prévention spécialisée, notamment, lorsque des éducateurs mettent en place des initiative d'expression des citoyens au niveau des territoires.

Pour revenir à la recherche, nous ne nous situons pas encore dans ce degré où les citoyens ont « tout le contrôle » parce que « les citoyens » en occurrences « les jeunes » n'ont pas le total pouvoir de la recherche, puisque dans l'équipe de recherche nous sommes dans la dynamique de « partage de

pouvoir ».

Par ailleurs, dans la mesure où le partenariat entre la Chaire de Jeunesse de Recherche et la SEA 35 est venu avant l'implication des usagers, cela amène à questionner comment ce « pouvoir » est à partager. Toutefois, pour se référer à l'échelle d’Arnstein, l'expérience participative se retrouve sans doute au plus haut de l'échelle participative parce qu'une fois que le volet participatif a été instauré chacune des parties a pris sa part, « chercheur », « professionnelles de l'équipe d'Appui » et les « usagers » dans la logique de co-construction.

dynamiser la recherche coopérative.

128 Dans la perspective « d'empowerment », on considère que le sujet est acteur et on reconnaît ses ressources. La recherche coopérative se repose sur la participation et s'inspire de la philosophie « Pouvoir d'agir »40. L'expérience de la participation des usagers est une ouverture pour la capacitation. Qu'est- ce qu'on entend par participation ? Quels sont les enjeux repérés ?