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Une fois que tous les matériaux d’enquête ont été transcrits, il faut entamer l’analyse du discours produit par les personnes entretenues. Cette phase, constituée de plusieurs étapes, nécessite une grande rigueur. Faire de l’analyse du discours c’est sélectionner et extraire du corpus d’entretiens les données qui permettront de confronter les hypothèses des chercheurs aux faits.

Il existe deux types d’approches pour l’analyse du discours : l’analyse linguistique et l’analyse de contenu. C’est cette dernière qui nous intéressera. Il s’agit d’étudier et de comparer le sens des discours pour mettre à jour les systèmes de représentations véhiculés par ces discours43. Cette analyse a pour but la simplification des contenus des entretiens. Le sens qui sera extrait des discours dépendra des hypothèses de recherche définies au tout début de l’étude. Les entretiens représentent alors des « points d'appui pour faire avancer des hypothèses qu'ensuite vous pourrez tester, approfondir ou abandonner » (Beaud et Weber, 2010).

Il existe également plusieurs types d’analyse de contenu, celle qui a été utilisée au cours de la recherche coopérative est l’analyse thématique. Cela consiste à découper transversalement les entretiens en fonction de thèmes précis44 qui auront été déterminés en fonction des hypothèses de recherche mais aussi de façon inductive à la première lecture des entretiens. Il s’agira donc de trouver une cohérence thématique entre les différents entretiens. Les thèmes, ainsi déterminés, constitueront les items de la grille d’analyse. Il faut savoir qu’une grille peut se construire dans l’objectif d’un traitement entretien par entretien ou dans l’objectif d’un traitement transversal des entretiens. Une approche transversale des entretiens est plus pratique et plus aisée dans la prévision de l’interprétation des données, surtout s’il y a un grand nombre d’entretiens. La grille d’analyse permettra de classer les données en fonction de caractéristiques objectives et non plus en fonction de leur singularité. Elle est un outil explicatif et elle permet un élagage des matériaux recueillis pour en retirer les éléments qui valideront ou non les hypothèses de recherche. La construction de la grille d’analyse constitue une première étape, la deuxième étant de traiter toutes les données en fonction de cette grille, c'est-à-dire de rentrer les entretiens dans la grille et une troisième étape sera

43 Blanchet, Alain, Gotman, Anne, L’enquête et ses méthodes : l’entretien, Paris, Nathan, 2001 44 Ibid., p98

151 d’effectuer une lecture croisée des éléments retenus en fonction des items de la grille, d’en comprendre les liens logiques et tenter d’en dégager une problématique dans un but d’interprétation. Ces éléments seront comparés entre eux mais également à des éléments trouvés dans des publications en lien avec le sujet de la recherche. La recherche et la lecture de ces publications, en vue de cette comparaison, doivent être les plus exhaustives possibles. Il faut apporter un soin particulier au remplissage des grilles d’analyse parce que dans l’idéal les chercheurs ne doivent pas avoir à retourner aux entretiens une fois cette tâche accomplie. Tout le travail d’analyse et d’interprétation doit pouvoir se faire uniquement à partir des données recueillies dans les grilles d’analyse. Il est donc aussi important de prêter une attention particulière à la grille en elle- même car elle est susceptible d’évoluer au cours de l’analyse. Les chercheurs peuvent avoir à l’affiner au fur et à mesure.

Si la phase d’enquête et l’étape de la transcription sont des périodes un peu individuelles pour les chercheurs et ne nécessitent que quelques ajustements d’emploi du temps pour savoir qui peut mener les entretiens, les transcrire etc., cette étape de la construction de la grille et le traitement des données en lui-même, nécessitent des rencontres régulières et un indispensable travail d’équipe. Ainsi, les items constituant la grille d’analyse seront définis par les membres de l’équipe de recherche. Il est important que tous les membres de l’équipe partent des mêmes bases pour se lancer dans le traitement des données et de respecter une certaine rigueur scientifique. Il sera également plus aisé aux chercheurs de travailler en binôme au remplissage des grilles d’analyse. Certains matériaux pouvant interroger les chercheurs, une double lecture des entretiens peut se révéler intéressante voire nécessaire. La troisième étape, la lecture croisée et l’interprétation, engendrera, elle aussi, son lot d’interrogations et c’est probablement à cette étape-là que le travail en équipe sera le plus fondamental. La lecture croisée des données doit se faire au regard de la problématique de départ qui occupe les chercheurs et il faut donc que tous les membres de l’équipe soient d’accord sur ce qu’ils veulent retirer des données et sur ce qu’ils veulent communiquer de ce travail.

L’importance de ce travail d’équipe requiert donc la vigilance des membres de l’équipe de recherche quant à la disponibilité et l’implication de tous les chercheurs. Les premières étapes de la recherche – définition de la question de recherche et des hypothèses, définition du terrain d’enquête, construction des guides d’entretien – ont également nécessité un long travail d’équipe. Le lancement de la phase d’enquête, la réalisation des entretiens, qui demandent moins de décisions collectives, peuvent engendrer une certaine solitude et une distance entre tous les membres de l’équipe de recherche jusqu’à peut-être la perte de certains membres : les co-chercheurs qui sont

152 engagés bénévolement dans la recherche. Il semble donc essentiel de maintenir des temps de rencontre même si ceux-ci n’ont pas pour enjeu des prises de décisions, pour entretenir l’esprit de groupe et assurer l’implication de tous les membres de l’équipe à toutes les phases nécessaires à l’aboutissement de la recherche. La définition et la mise en place collective de points d’étape et d’échéances peuvent aider les chercheurs à s’organiser et à renforcer leur implication envers la recherche mais aussi envers les autres membres de l’équipe. Une des dimensions d’une équipe de recherche qui rassemble ces trois entités – universitaires, travailleurs sociaux et co-chercheurs – c’est bien que les enjeux ne sont pas les mêmes pour tous. Dans la mesure où la composition de l’équipe de recherche constitue un réel atout et que l’implication des co-chercheurs se fait tout d’abord sur la base du volontariat, il est capital de réfléchir à la valorisation de l’implication de chacun mais surtout de penser à une réelle compensation à leur contribution aux différentes étapes de la recherche. De plus, chacun devant faire face à ses propres réalités professionnelles ou personnelles et à son emploi du temps, il est important de garder un rythme et une régularité dans les rencontres de l’équipe à toutes les phases pour ne pas perdre des membres et ainsi avoir à travailler à une remobilisation de chacun au risque de basculer vers de l’injonction à la participation. La diminution de l’investissement et la démobilisation sont des réalités que les membres d’une équipe de recherche coopérative doivent garder à l’esprit et être prêt à y faire face.

La coordination des échéances, des supports et modes de communication est assurée par le chef d’unité de l’Equipe d’Appui. Toute la communication autour de la recherche n’est donc assurée que par une partie de l’équipe de recherche, l’Equipe d’Appui. La communication est importante car elle permet de créer de la transversalité à l’intérieur de la SEA 35 mais aussi de faire en sorte que la recherche reste un sujet d’actualité. Au fur et à mesure de l’avancée de la recherche et selon les étapes, cette communication peut aussi être orientée vers l’extérieur de la structure. Ainsi, elle peut prendre la forme de petits articles (brèves distribuées à tous les salariés), d’intervention au cours d’une réunion de service ou d’un conseil d’administration, d’une présentation détaillée de la recherche distribuée aux personnes sollicitées pour des entretiens, des comptes rendus de comité d’experts… Ces points de communications, tout comme les instances encadrants la recherche (comité de pilotage et comité d’experts) sont des points d’étapes que l’équipe de recherche peut exploiter pour mobiliser tous ses membres mais aussi pour poser des échéances. Une des particularités de cette première recherche coopérative est que le calendrier a été décidé en interne même de l’équipe, ce qui peut amener les membres à ne pas trop se formaliser ou s’inquiéter des éventuels retards ou dépassements d’échéance. L’équipe peut donc aussi se saisir de la préparation de ces moments de communications pour mobiliser tous les membres et les impliquer sur d’autres

153 temps et d’autres tâches que ceux propres à la recherche en elle-même mais qui font partie intégrante d’un travail de recherche.

Le traitement et l’analyse des données amènent les chercheurs d’une équipe à confronter leurs points de vue, leurs impressions, leurs interprétations des données. Dans cette équipe, les membres ne partent pas tous du même niveau en ce qui concerne la recherche en sociologie, il faut donc rester vigilant à ce que chacun puisse s’exprimer et exposer son point de vue. Les chercheurs ne doivent pas se sentir intimider par l’expertise des autres membres et ne pas hésiter à assumer et affirmer leur positionnement. Une des forces du travail d’équipe c’est bien de pouvoir débattre et réfléchir ensemble pour avancer.

Un dernier élément important à prendre en compte c’est la coordination de l’équipe. Dans la réalisation d’un projet en partenariat il y a toujours un porteur de projet qui assurera la coordination du partenariat et du projet, qui surveillera les échéances, qui gèrera la communication, etc., dans une équipe de recherche coopérative, il est aussi nécessaire d’avoir quelqu’un qui assurera la coordination et les prises de décisions. Les rôles et les attributions de chacun doivent être clairement définis et il en va de même pour le cadre et les limites. La cohésion de l’équipe, l’investissement de chacun et un cadre bien défini sont des éléments qui agiront sur l’efficacité et le bon déroulement du travail de recherche.