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A propos des ruptures et de l’attachement dans le lien social

3) Le besoin affectif et l’attachement

La théorie de l’attachement est considérée comme un concept clé de la seconde moitié du XXème siècle en psychopathologie et psychologie. Introduite en France grâce aux recherches menées par Harlow, Spitz et Bowlby dans les années 1950, ces travaux s’intéressent aux effets sur les enfants de tous âges, des séparations à court et long terme ainsi que des carences de soins maternels.

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Sandor Ferenczi Psychanalyse IV Œuvres complètes Tome IV : 1927-1933 Traduit par l’équipe du Coq Héron (J. Dupont, S. Hommel, P. Sabourin, F. Samson, B. This).

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3.1) Données issues des travaux de HARLOW

L’expérience de Harlow sur les effets de la privation de contact sociaux chez les singes démontre que le besoin de contact chez le jeune singe est primaire et que contrairement à ce que les scientifiques pensaient il primait sur le besoin de nourriture.

L’expérience de Harlow a permis d’étendre le résultat de ses recherches à l’homme. La théorie de l’attachement s’est appuyée en partie sur ses travaux en posant le postulat que l’attachement était automatique car, du fait de la dépendance des nouveaux nés aux adultes, l’attachement est un moyen de survie important (Bailly, 1995).

3.2) L’apport des travaux de SPITZ

Les travaux de Spitz auprès de nourrissons de 6 mois privés de leur mère avec laquelle ils entretenaient de bonnes relations ont mis en évidence la dépression anaclitique et l’hospitalisme. La dépression pouvant aller jusqu’à l’angoisse de mort est la première étape par laquelle passe un bébé lorsqu’il est privé de sa mère et qu’il ne trouve pas dans son milieu d’accueil un support affectif suffisant. L’attitude de retrait associée aux symptômes tels que l’insomnie et l’anorexie peuvent être une réaction à la « déprivation maternelle » (Bailly, 1995). Si dans un délai de trois mois l’enfant retrouve sa mère ou un substitut maternel satisfaisant, les troubles se corrigent rapidement. En revanche, si la séparation perdure, les troubles s’aggravent et conduisent à l’hospitalisme : l’enfant est passif, sans expression et le risque de mortalité est élevé.

3.3) La théorie de l’attachement de John BOWLBY

Bowlby affirme en 1958 la primauté du besoin inné de contact physique et de la recherche de proximité.

C’est en observant les comportements et les interactions sociales que Bowlby conçoit la théorie de l’attachement. Bowlby s’oppose ainsi à la théorie de Freud qui considère le besoin de nourriture comme étant premier et place le besoin de contact comme secondaire à la relation tissée du fait de la satisfaction éprouvée par l’apport de nourriture en cas d’une sensation de faim.

D’après Bowlby, l’attachement du nourrisson à sa mère est destiné à assurer sa survie. Il s’agit d’un processus instinctif, qui ne s’acquiert ni par raisonnement, ni par apprentissage, ayant pour but de donner à l’enfant un sentiment de sécurité et de confiance. Ce processus est très important durant les trois premières années de sa vie. Le bébé peut former des liens d’attachement avec plusieurs personnes mais il va s’attacher de façon particulière avec une personne de son entourage proche (le plus souvent la mère). Ce lien d’attachement aura son importance par la suite, car il influencera la façon dont l’enfant établira ses relations sociales.

La qualité de l’attachement dépend de la façon du parent à répondre aux demandes du bébé. L’établissement d’un lien d’attachement suppose que le bébé et son parent soient proches et en interaction. Grâce à un parent « suffisamment bon », la figure d’attachement est perçue par l’enfant comme étant gratifiant et stable et lui permettra d’explorer le monde environnant. La relation avec les pairs s’en trouve facilitée, les enfants sont plus curieux, car apaisés de leurs angoisses primaires.

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3.4) L’apport de Mary AINSWORTH et Mary MAIN

La perspective développée par Ainsworth considère que l’angoisse de séparation présente chez un enfant peut être appréhendée comme tout autre comportement humain, c’est-à-dire par l’apprentissage. Pour cet auteur, cet apprentissage a lieu lors des processus de communication intrafamiliale et donc dans des relations affectives intimes (Bailly, 1995). Afin, de mettre en exergue cette perspective, Ainsworth mettra au point en 1978 un paradigme expérimental appelé la « situation étrange » (« strange situation »). Cette procédure expérimentale consiste à faire subir à l’enfant un léger stress comparable au stress quotidien. Pour cela, 8 épisodes de 3 minutes chacun prévus en laboratoire, impliquent deux séparations de l’adulte ainsi qu’un contact avec une personne non familière. Grâce à cela, et à partir des réactions des enfants, Ainsworth déterminera trois types d’attachement. M. Main en ajoutera un 4ème type dans les années 1990.

Chaque type d’attachement est associé à la réponse plus ou moins sensible, plus ou moins appropriée et rapide de la figure maternelle aux signaux de détresse de son bébé. En effet, l’attitude de l’enfant dans la situation étrangère reflète sa perception de la réponse attendue de la mère :

3.4.1) L’attachement sécurisant

Le caractère dominant des enfants sécurisés est la recherche de contact avec la figure d’attachement, surtout lors des retrouvailles. L’enfant de ce groupe ne se montre pas forcément perturbé par la séparation. S’il l’est, il se laisse réconforter par l’étrangère, qu’il semble toutefois bien différencier de la mère. L’enfant sécurisé se sert de sa mère comme d’une base de sécurité. La mère est disponible et sensible aux signaux de détresse de son enfant.

3.4.2) L’attachement angoissé-évitant

Les enfants angoissés-évitants présentent peu de réactions au stress. Ils ne comptent pas sur la mère pour le sécuriser. On dit aussi que l’enfant est « insécure évitant » ou « anxieux-évitant ». Le comportement caractéristique est l’évitement du contact avec la figure d’attachement. S’ils sont pris dans les bras, les enfants ne résistent pas mais ils ne cherchent pas non plus le contact. Ils montrent généralement peu de détresse lors de la séparation.

3.4.3) L’attachement angoissé insécure - résistant

L’enfant est perturbé lorsque la mère est absente mais ne veut plus de contact avec elle lorsqu’elle revient. On dit que l’enfant est insécure résistant ou anxieux-résistant ou encore ambivalent. Nous retrouvons un enfant en colère et en détresse, qui réagit typiquement par ambivalence : l’enfant recherche le contact mais une fois celui-ci établi, il veut s’en défaire. L’enfant peut résister à être pris et en même temps résister à être posé.

3.4.4) L’attachement désorganisé

Ce quatrième groupe a été ajouté plus tard par Main, Kaplan et Cassidy (1985). Les enfants présentant un attachement désorganisé se figent lors des retrouvailles dans une posture évoquant l’appréhension, la confusion, voire la dépression. On parle d’enfant désorganisés-désorientés chez lesquels les mouvements semblent incomplets et l’expression des affects mal dirigée. Contrairement aux enfants évitants et résistants, les enfants désorganisés-désorientés ne semblent pas avoir

73 développé de stratégies adéquates et cohérentes pour gérer le stress de la séparation. D’après Bailly (1995) « La désorganisation correspondrait à un conflit non-résolu entre deux stratégies

incompatibles, et se traduirait par une interruption prématurée du comportement d’attachement ou par l’activation simultanée de comportements contradictoires de recherche et de fuite, ou encore par des manifestations d’effroi, du type des états d’alarme « lutte, fuite, blocage » ».

Il s’agit ici majoritairement d’enfants victimes de maltraitance ou témoins de violence. Ceci s’explique par le fait que dans ces situations, les figures d’attachement ne peuvent pas diminuer l’inconfort, la douleur ou l’anxiété de l’enfant. En effet, le manque d’attitude régulatrice et apaisante de la part de la figure d’attachement semble être un aspect interactif important dans l’établissement de modes d’attachement désorganisé. Selon les recherches de M. Main, les comportements de l’enfant trahissent son incapacité à faire face et à résoudre la situation de stress, car le parent serait à la fois source d’anxiété et potentiel de sécurité. Dans ce cas, la figure d’attachement émet un stimulus paradoxal : l’enfant est alors partagé entre la terreur du contact et la terreur du rejet. En parallèle des recherches sur les types d’attachement, Ainsworth a également développé le concept de sensibilité parentale, qui reflète la capacité du caregiver à lire et à répondre de manière adaptée aux signaux de l’enfant. Le caregiver, littéralement « donneur de soins » est la figure d’attachement principale de l’enfant. La mère est majoritairement désignée comme le caregiver. La sensibilité parentale de cette dernière est considérée comme un facteur déterminant pour la sécurité de l’attachement. Candelaria et coll. (2011) observent que la disponibilité psychique du caregiver a un impact sur le développement socio-émotionnel, l’éducation et la santé mentale de l’enfant. Dans le cas d’un placement familial, nous pouvons supposer que l’assistant familial endosse le rôle du

caregiver. Ce rôle peut également être occupé par un travailleur social ou un éducateur. La mesure

de protection est mise en place dans le but d’assurer la sécurité de l’enfant pouvant avoir un effet de résilience. Ces constats nous amènent à avancer que le placement en famille d’accueil ou tout type de travail d’accompagnement pourrait permettre à l’enfant de devenir résilient, ou du moins créer un support de compensation ou de dépassement des carences ou manques initiaux.