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3.2) Analyser et interpréter des données qualitatives : un exemple de feuille de route

L’objectif d’organiser un temps fort d’échanges avec les personnes qui ont été interviewées a été utilisé par l’équipe de recherche pour organiser la dernière partie de l’analyse du matériel et interpréter les données recueillies. Un atelier de recherche réunissant tous les membres de l’équipe a permis de déterminer collectivement ce qui aller être communiqué aux personnes présentes à ce temps fort. Lors de cet atelier, il a été convenu par l’équipe qu’il fallait mettre en parallèle les discours des jeunes et ceux des professionnels, les pratiques des professionnels apparaissant comme des réponses à la situation particulière des jeunes en rupture ou ayant connu des ruptures. Ainsi l’équipe de recherche a voulu s’interroger sur l’identification et la qualification de la rupture, sur la façon dont les parcours de rupture des jeunes amènent les professionnels à adapter leur pratique et sur les constats d’efficacité ou non de ces interventions. Ainsi, ces questionnements ont amené à la définition de trois grands thèmes :

- D’où l’on part, attentes, ruptures, demandes, qualifications de la rupture

- Réponses, outils, pratiques, qualification des liens

- Ce qui reste malgré tout compliqué

A chaque grand thème correspondent plusieurs thématiques de la grille d’analyse et les membres de l’équipe se sont répartis le travail d’analyse et d’interprétation selon ces trois grands thèmes, soit trois groupes. En effet, il n’était pas possible pour tous les membres de l’équipe de recherche de lire individuellement toutes les thématiques des grilles d’analyse. Ces lectures approfondies ont permis

161 de repérer des éléments récurrents, des schémas particuliers, des éléments plus marginaux… mais elles ont aussi permis de mettre en évidence des éléments qui n’avaient pas encore été perçus jusque-là. Chaque membre de l’équipe avait sa façon de travailler sur ces données mais tous ont réalisé une synthèse de leur analyse. Cette synthèse a ensuite été présentée à l’ensemble de l’équipe de recherche en atelier. Les analyses ont donc été débattues et étayées en équipe, chacun apportant sa compréhension, sa vision, ses explications. Par contre, le fait qu’aucun co-chercheur n’ait participé au traitement des données au moyen des grilles d’analyse a demandé aux autres membres de l’équipe un effort quant à une mise au point précise sur la méthode et les étapes. Les co-chercheurs n’avaient pas pris connaissance des entretiens dans leur intégralité et ils ne pouvaient donc pas maîtriser les données comme les autres membres de l’équipe. Il a fallu faire un point sur les grandes tendances qui se dégageaient des données et la façon dont ces grandes tendances avaient été identifiées. De plus, deux co-chercheurs avaient rejoint l’équipe de recherche au tout début de cette phase, ils ont pu se sentir un peu perdus. L’équipe de recherche étant un peu pressée par le temps et étant installée dans une certaine routine, les professionnels et les universitaires – qui ont eu une présence plus régulière – ont peut-être un peu négligé l’accueil de ces nouveaux co-chercheurs. Ils ne leur ont pas accordé assez de temps pour s’acclimater à la recherche, à la méthode, aux données… il a donc été difficile pour eux d’intégrer le groupe et de se mettre dans la démarche d’analyse. Le fait que le groupe de co-chercheurs ait évolué au cours de la recherche n’a peut-être pas été assez préparé et anticipé, même si la possibilité d’une évolution du groupe avait pu être envisagée au tout début de la recherche. De plus, certains membres de l’équipe ne se sentait pas très à l’aise et confiant dans leur capacité d’analyse des données mais il ne faut pas oublier qu’une lecture attentive est déjà une première analyse. Chacun peut s’appuyer sur l’équipe et l’expertise des autres pour aller plus loin dans la compréhension des données. Il faut savoir rester attentif au groupe mais aussi travailler à maintenir un climat de confiance.

Le manque de disponibilité, les imprévus et les histoires de vie des membres de l’équipe a un peu précipité le travail d’analyse et d’interprétation. L’équipe a dû réajuster son organisation et sa façon de travailler à chaque atelier de recherche. Les conditions n’étaient donc pas idéales pour effectuer un travail approfondi et efficace. Lors des premiers ateliers de recherche organisés pour l’analyse des données, l’équipe avait décidé que chaque groupe présenterait une synthèse de son analyse pour qu’elle puisse être discutée. Ensuite, le manque de disponibilité de certains membres leur empêchant un investissement efficient et constant, tous ont décidé de se concentrer d’abord sur l’organisation concrète du temps fort étapes par étapes pour ensuite revenir aux analyses qui alimenteraient les échanges en s’appuyant sur les synthèses qui avaient déjà pu être effectuées.

162 Cette première analyse n’a pas permis une interprétation très poussée mais elle pourra l’être après le temps fort qui apportera peut-être des éléments et des pistes pour orienter l’interprétation. Pour ce temps d’échange, les chercheurs ont fait le choix de présenter d’abord un petit historique de la recherche qui reprend la méthodologie, puis une présentation de la particularité de l’équipe de recherche et enfin les premiers éléments d’analyse. Les membres de l’équipe ont estimé qu’il était important de faire un point sur l’intérêt des regards croisés et sur la démarche participative de cette recherche. L’organisation de ce temps fort démontre d’ailleurs bien cette volonté participative qui anime cette recherche depuis son commencement.

Les premiers éléments d’analyse que les chercheurs ont pu mettre à jour correspondaient bien à leurs premières intuitions et ils ont également découvert des éléments intéressants et pertinents pour l’interprétation qu’ils n’avaient pas encore perçus. Cette lecture attentive et approfondie a permis aux chercheurs d’aller plus en profondeur dans les données mais surtout de pouvoir effectivement relever des éléments communs et récurrents dans tous les entretiens, que ce soit des jeunes ou des professionnels. Cela témoigne d’une certaine homogénéité de l’échantillon. Cette première analyse aura surtout permis de mettre à jour les représentations de chacune des personnes interviewées. Par exemple, les chercheurs ont pu remarquer que les professionnels et les jeunes ne mettent pas le même sens sur les expériences vécues. Par exemple, si parfois les professionnels visualisent les ruptures et les échecs comme relevant de quelque chose d’intrinsèque, les jeunes eux identifierons des causes extrinsèques à leur parcours de rupture.

Comme présenté dans la première partie de ce chapitre, les chercheurs doivent étayer leur analyse par des publications ce qui leur permettra d’interpréter au plus juste les données. Au début de la recherche, les chercheurs ont constitué une base de données bibliographiques qu’ils pourront mobiliser pour l’interprétation et d’autres publications sont venues augmenter cette base. Chaque membre de l’équipe de recherche qui peut effectuer des lectures doit bien penser à en faire des fiches de lectures que les autres chercheurs pourront facilement mobiliser. Un seul membre de l’équipe a pu entamer des premières lectures en lien avec le sujet de recherche et ces lectures ont permis de valider certains éléments d’analyse. La lecture de publication est un dernier travail à effectuer pour finaliser l’interprétation.

Cette dernière phase n’a pas été facile à mettre en œuvre pour les chercheurs. Beaucoup d’évènements, de contretemps, de problème de disponibilité ont pu interférer avec le travail des chercheurs. Ces difficultés peuvent mettre en lumière des problèmes organisationnels entre les membres de l’équipe de recherche mais aussi des problèmes d’implication. Sur une recherche de cette ampleur, les chercheurs doivent pouvoir compter les uns sur les autres. Il pourrait être

163 intéressant de penser autrement les temps de travail en équipe et par exemple dédier certains ateliers de recherche uniquement au traitement et à l’analyse des données pour que les chercheurs aient au moins ces temps-là pour s’y consacrer pleinement.

Pour compléter et terminer ce travail de recherche, les chercheurs doivent à partir d’ici continuer d’approfondir leur analyse des données mais aussi continuer de lire des publications pour arriver à des interprétations précises et enfin à des préconisations. Il reste également tout le travail d’écriture et de diffusion des résultats et des préconisations de cette recherche.

Récapitulatif