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2.1.1. Les interactions entre pairs

La mise en œuvre d'une structure de travail coopérative a pour visée la présence d'interactions entre les élèves, qui se veulent constructives. Celles-ci vont d'une part favoriser l'intégration sociale des élèves avec le développement d'un sentiment d'appartenance, levier de la motivation à apprendre et vont favoriser d'autre part l'intégration scolaire. De par le dispositif, les interactions sont mises au centre des dispositifs coopératifs et ainsi, les savoirs sont co-construits à travers une structure et un cadre rassurant dans lequel les élèves doivent se sentir à l'aise pour échanger. La structure est conçue de sorte à permettre à tous les apprenants de s'exprimer. Comme le montre Buchs (2016b), il existe un lien positif entre certaines interactions et les apprentissages ainsi que sur la qualité des relations sociales. Différents types d'interactions existent, elles vont permettre le soutien et la valorisation des efforts.

L'encouragement et l'entraide sont des interactions en corrélation avec un climat positif. La présence de ces interactions permet de favoriser le climat. Lors de la réalisation de l'activité,

les élèves se soutiennent, s'encouragent mutuellement. Ces interactions ont plusieurs bénéfices, elles « sont des éléments positifs pour les apprentissages » (Buchs, 2016b, p. 1), elles « permettent la mise en place d'un climat positif » (Buchs, 2016b, p. 1), elles « [renforce]

l'engagement actif des apprenants » (Buchs, 2016b, p. 1) et elles constituent « un élément pour motiver ceux qui en ont besoin. » (Buchs, 2016b, p. 1).

L'explication est une interaction permettant la co-construction des savoirs entre apprenants.

Ce type d'interactions implique que les élèves s'expliquent mutuellement quelque chose. Cela peut porter sur l'explication d'une réponse, d'un raisonnement, d'une connaissance (par exemple résumer les idées principales, répondre à des questions, faire référence à son expérience personnelle, etc) (Buchs, 2017, UF F4P10203). Afin que le récepteur puisse donner un sens à cette explication, la structure doit lui permettre de mettre en application les apports qu'il vient de recevoir. Buchs (2016b) précise que « devoir résumer et enseigner un contenu à des pairs peut offrir une bonne occasion d'apprendre : enseigner, c'est apprendre deux fois. » (p. 1). De plus, « ce sont les explications apportées qui sont positives et non le fait de donner directement la réponse [...] » (p. 1), les rôles attribués aux élèves (par exemple expliquer) les amenant à agir cognitivement sont favorables pour les apprentissages.

Dans la même veine, le questionnement rejoint ce type d'échange. Les interactions visant à questionner sont variées puisque les questions peuvent être multiples et évoluent selon le contenu travaillé. Les travaux de King (2007) soulignent que les questions peuvent porter sur la compréhension (exemple : Qu'est-ce que...veut dire ?) ou sur l'intégration ou la connexion (exemples : Explique pourquoi… ? ; Trouve un exemple de…) (Buchs, 2017, UF F4P10203).

Le questionnement tout comme l'explication permet une co-construction des savoirs en jeu.

Ces interactions requièrent un travail indispensable puisque poser une question ou donner une explication représentent des habiletés qu'il faut introduire puis travailler avec les élèves. Par ailleurs, le changement de rôle (expliquer, questionner) est aussi un facteur positif, certains travaux montrent qu'en alternant les rôles, on observe « plus de motivation et de concentration [...] » (Buchs, 2016b, p. 2).

Le cadre d'une structure coopérative tel qu'il est établi doit permettre aux élèves de se sentir en confiance et de fait, d'oser manifester de l'incompréhension, des interrogations. Ces

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interactions ne sont pas évidentes pour les élèves puisque montrer qu'on ne sait pas ou qu'on ne comprend pas quelque chose revient à se dévoiler devant ses camarades, à mettre en évidence ses faiblesses. Le rôle que joue l'enseignant pour ce type d'interactions est important, ses régulations et observations doivent permettre de mettre en confiance les élèves et éviter que la tâche amène à de la comparaison sociale. Ces interactions vont de pairs avec l'encouragement et l'entraide qui vont faciliter les manifestations d'incompréhension. De fait, le climat de classe et le rôle de l'enseignant sont vecteurs du bon déroulement de ce type d'interactions.

Les interactions entre élèves peuvent également porter sur la gestion de la tâche, ce qui concerne moins les apprentissages disciplinaires de l'activité avant tout cognitifs. Il s'agit là d'interagir sur les aspects fonctionnels de l'activité, comme la gestion du temps, de la parole, du matériel, etc.

Les activités coopératives peuvent faire émerger des confrontations. Cela se manifeste par la présence de désaccords entre les élèves sur un élément de l'activité. On parle de conflit socio-cognitif lorsqu'il y a une déstabilisation cognitive portée par quelqu'un d'autre que soi. Une régulation épistémique du conflit, c'est-à-dire une régulation centrée sur le contenu de la tâche en lien avec les connaissances en jeu, est favorable. En d'autres termes, les bénéfices de ce mécanisme se retrouvent lorsque les élèves, confrontés à une idée, un point de vue différent du leur, parviennent à discuter, à essayer de comprendre les arguments de leur(s) camarade(s) et à trouver un consensus. L'émergence de conflits sociocognitifs possède plusieurs atouts :

« dans la confrontation à une réponse différente, l'enfant peut réaliser qu'il existe des réponses alternatives et différentes. […] les explications données […] permettent à l'enfant de comprendre la nature des transformations ou des dimensions pertinentes. […] les confrontations stimulent un engagement cognitif actif. » (Buchs, 2016b, p. 3). À la différence du conflit sociocognitif où il y a une décentration de la personne et que, de fait, le désaccord n'est pas avec la personne mais avec son idée, le compromis de surface (complaisance) et la régulation relationnelle compétitive ne vont pas aboutir aux bénéfices cités ci-dessus. Dans le premier cas, l'élève souhaitera privilégier sa relation avec son camarade en évitant le conflit, donc en évitant de la contredire. Il fera preuve d'une réaction relationnelle protective par complaisance ou par juxtaposition. Dans le second cas de figure, l'élève sera dans la

protection et l'affirmation de sa compétence, de sa valeur propre. Ceci se manifeste par des réactions compétitives et défensives, le rejet des positions alternatives, le dénigrement de la personne (Buchs 2017-2018, 7524AM).

L'émergence des interactions visées dépend de la structure de l'activité. Les situations créées par l'enseignant doivent non seulement permettre la présence d'interactions simultanées mais aussi la participation égale de tous les élèves (Buchs 2017-2018, 7524AM).

2.1.2. La participation des élèves dans les groupes

Plusieurs variables jouent un rôle dans la participation des élèves dans les interactions. La participation de chacun est nécessaire pour que les apprentissages visés soient atteints. En effet, la structure rend les apprenants interdépendant positivement, la réussite d'un apprenant augmente les chances de réussite de ses coéquipiers, ils travaillent ensemble vers un objectif commun. De fait, le dispositif mis en place par l'enseignant va favoriser la participation active des élèves. Comme le montre Buchs (2017-2018, 7524AM), il est davantage bénéfique d'apporter une explication que d'en recevoir une. Le fait d'être actif, en particulier actif dans les explications, sera favorable pour les apprentissages.

La participation et les apprentissages des apprenants peuvent être affectés par des effets de statut. Cela signifie que « les élèves classent leurs camarades selon une hiérarchie basée sur le statut parmi les pairs et sur le statut scolaire » (Cohen, 2002, p. 3) ce qui a pour conséquence de nombreux effets négatifs pour les apprentissages. Ces effets de statut jouent un rôle important puisqu'ils peuvent affecter la participation des élèves et, de fait, leur apprentissage lors de travaux de groupe. Cohen désigne par le terme « statut » les compétences en terme scolaire et le statut social. En fonction du statut attribué à un élève, on observe des attentes spécifiques de compétences. « Le statut de l'élève dans la classe et la manière dont il/elle est perçu/e par les autres sont des éléments déterminants » (Buchs, 2017-2018, p. 3) en ce qui concerne les attentes de compétences (comme déjà dit), les comportements et les apprentissages. Ces effets peuvent avoir un impact sur les interactions sociales ce qui est lié positivement ou négativement aux apprentissages. Cela signifie que le statut social initial des élèves va avoir un impact sur leur statut scolaire, c'est-à-dire sur la façon dont ils sont perçus par leurs camarades ce qui va influencer les comportements des uns envers les autres. Lors

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d'un travail en groupe, les effets de statut se manifestent par le fait que « Cette position génère des différences dans les attentes de compétences des élèves, ce qui influence la manière dont ils sont sollicités et répondent lors des travaux de groupe […] et tirent profit de ces travaux […]. » (Buchs, 2016a, p. 5). Plus concrètement, sans action de la part de l'enseignant pour diminuer les effets de statut, plus un élève est perçu comme ayant un niveau faible et moins il aura l'occasion de participer, d'être intégré, ce qui impacte négativement sur ses apprentissages. À l'inverse, un élève qui bénéficie d'un statut « haut » occupera une place plus importante dans les interactions, ses interventions seront perçues comme plus pertinentes, plus justes par ses camarades et les bénéfices qu'il en retirera au niveau de ses apprentissages seront plus importants. Cela risque de renforcer les écarts initiaux entre élèves.

Pour traiter ces effets de statut, Cohen (2002) propose de modifier les attentes de compétences en faisant en sorte que l'élève atteigne une certaine compétence afin que l'enseignant puisse ensuite le valoriser publiquement. Pour cela, il est possible d'introduire des activités qui vont nécessiter des habiletés multiples pour réaliser la tâche, qu'aucun élève ne maîtrisera dans leur globalité mais partiellement. Cela va permettre à l'enseignant, de par sa prise d'information dans ses observations, de valoriser publiquement les élèves de bas statut en leur attribuant des compétences et de rendre égaux les statuts des apprenants, et par conséquent les apprenants.