• Aucun résultat trouvé

2.2. La pédagogie coopérative

2.2.2. Les principes de la pédagogie coopérative

Comme mis en évidence par Buchs (2016a), la pédagogie coopérative est organisée selon des principes qui

permettent de favoriser l'efficacité du travail entre élève […], donnent des pistes pour structurer les interactions entre pairs dans des activités scolaires […], offrent des directions générales qui permettent de les adapter aux différents âges et tâches scolaires [et] proposent des pistes de réflexion [...]. (p. 4)

Ces principes sont répartis selon deux visées : l'une pour préparer les apprenants à coopérer, l'autre pour organiser les interactions lors du travail de groupe. Travailler selon les principes de la pédagogie coopérative n'implique pas de mettre en place tous les principes obligatoirement. Le travail peut être axé selon ce que l'enseignant souhaite travailler. C'est notamment le cas de ce travail.

a) Préparer les apprenants à coopérer

Les principes de climat de classe, d'habileté(s) (coopérative(s)) et de réflexion critique permettent de préparer les apprenants à coopérer.

Le climat de classe

Lors des travaux de groupe, le climat de classe joue un rôle important sur ce qu'il se passe au

sein du groupe, notamment au niveau des interactions entre élèves mais aussi au niveau des apprentissages scolaires. Ce climat va nécessiter d'être travaillé afin que la relation entre les élèves soit positive. Cela doit leur permettre d'être à l'aise pour travailler et de se sentir en confiance. Il existe de nombreuses activités pour travailler le climat en favorisant la connaissance des uns et des autres, ou encore d'autres valeurs telles que le respect, la communication, l'entraide. On vise à travers cela une bonne relation entre les élèves avant la mise en route dans l'activité pour un climat propice aux apprentissages. L'enseignant de par sa posture exerce un rôle important dans la mise en place d'un climat positif et propice aux apprentissages. Cela passe par ce qu'il fait pour établir une relation de confiance entre les élèves mais aussi entre lui-même et les élèves. Le rôle de l'enseignant implique un travail d'observation important lors des moments de travail en groupe. Celui-ci profite de ces temps-là pour prendre de l'information afin de, par la suite, valoriser la parole de chacun en relevant des difficultés ou erreurs de compréhension qu'il mettra en évidence en collectif suite à l'activité pour expliciter ou réexpliquer la notion non comprise. Ceci doit lui permettre d'attribuer de la compétence à des élèves dont le niveau de confiance est plus bas, on parlera d' « effets de statut ». Le but de cette « manoeuvre » et de renforcer et positiver le statut de l'erreur et de mettre en évidence la pertinence de la contribution de l'élève.

Les habiletés coopératives

Travailler en coopération requiert certaines habiletés qu'il est nécessaire de construire avec les élèves, de leur enseigner. Ceci représente un apprentissage en soi puisque les élèves ne maîtrisent pas forcément les habiletés requises, ce qui peut nécessiter un travail sur le long terme. Il ne va pas suffire de demander aux élèves d'agir d'une certaine façon pour qu'ils le fassent ou qu'ils sachent comment le faire. Il existe des habiletés de type social et d'autres de type cognitif, plus complexes. Les différentes habiletés sont travaillées dans diverses situations, reprises, rediscutées afin d'être renforcées et bénéfiques dans les tâches coopératives. Comme le souligne C. Buchs (2014) :

Il est important de pratiquer l'habileté travaillée dans différents contextes avec des rétroactions pour permettre aux apprenants de réaliser la progression […]. Le fait de rappeler les habiletés à mettre en œuvre dans les activités et d'afficher dans la classe les tableaux coopératifs favorise la consolidation (Gaudet et al., 1998). (p. 2)

Les tableaux coopératifs sont un support favorable à la progression des élèves dans la maîtrise 22

des habiletés mises en place, ils ont pour but d'outiller les élèves. En effet, ils offrent un support visuel explicitant la mise en œuvre de l'habileté, sur lequel peuvent être consignés des exemples de phrases que les élèves sont amenés à utiliser lors des travaux de groupe.

L'enseignant joue un rôle important en ce qui concerne les habiletés coopératives : ce dernier observe les élèves en étant attentif à ce qui est source de difficulté afin de revenir dessus lors de la réflexion critique.

La réflexion critique

La réflexion critique fait suite à une activité coopérative, celle-ci « permet de discuter de ce que les apprenants ont mis en place pour répondre aux objectifs et de ce qu'ils pourraient améliorer lors des prochaines activités (Gillies, 2007). Cette réflexion permet d'expliciter les processus et stratégies d'apprentissage » (Buchs, 2016a, p. 12) et d'effectuer un travail sur ce qu'il vient de se passer en ce qui concerne les apprentissages visés mais aussi le travail de groupe (l'élève lui-même, l'élève au sein du groupe, le groupe en général, etc.). La réflexion critique doit permettre à chacun de s'exprimer sur son ressenti, sur des questionnements (en lien avec des contenus scolaires et/ou des éléments plus sociaux concernant le travail en groupe, les habiletés coopératives), sur des problèmes rencontrés et des améliorations possibles en proposant des solutions envisageables. Les modalités de mise en oeuvre de ce principe peuvent varier. En effet, la réflexion critique peut prendre la forme d'un autoévaluation qui implique que l'élève porte un regard sur son travail et son attitude dans l'activité dont il est question. Cette réflexion critique réalisée individuellement peut aussi porter sur le groupe et son fonctionnement. En outre, les élèves du groupe peuvent faire ensemble ce travail de réflexion critique, c'est-à-dire réfléchir ensemble sur ce qui a été fait, ce qui pourrait être amélioré, ce qui a bien fonctionné, etc. L'enseignant peut aussi mettre en place une réflexion critique en collectif prenant par exemple la forme d'une discussion collective portant sur le travail de groupe. Par ailleurs, ces modalités de réalisation peuvent être combinées.

b) Organiser les interactions lors du travail

Les principes de formation des équipes, d'interdépendance positive et de responsabilisation individuelle permettent d'organiser les interactions lors du travail en visant la participation de tous les élèves.

La formation des équipes attention particulière doit être portée aux habiletés […] afin de faciliter le bon fonctionnement du groupe. » (p. 172).

L'interdépendance positive

Contrairement à un travail individuel où l'élève obtient des résultats à la hauteur de ses ressources et est seul responsable de ses résultats, lors d'un travail de groupe, ce sont les ressources de chaque membre conjuguées à celles des autres qui produisent un certain résultat. Dans la structure qu'il propose, l'enseignant organise les interactions des élèves de sorte à ce qu'ils soient dépendants positivement les uns des autres, que la participation de chaque élève joue un rôle dans la réussite de chacun, en d'autres termes, qu'ils soient complémentaires. C'est-à-dire qu'il met en place des situations « où la réussite d'un apprenant augmente les chances de réussite de ses coéquipiers et dans [lesquelles] les apprenants travaillent ensemble vers un objectif commun. » (Buchs, 2016a, p. 20). Les élèves sont alors complémentaires et la participation de tous est nécessaire pour atteindre le but commun,

« L'interdépendance existe [lorsque] […] les apprenants perçoivent qu'ils ne peuvent atteindre leur but que si les autres membres atteignent le leur (Johnson, Johnson & Holubec, 1998). » (Buchs, 2016a, p. 20). L'interdépendance positive s'oppose à l'interdépendance négative, communément appelée « compétition », et à l'indépendance, situation dans laquelle les élèves font preuve d'individualisme face à la tâche de groupe (Abramiet al., 1996, p. 21). La structuration de l'activité rend les élèves complémentaires, ce qui signifie que l'apport de chacun est nécessaire pour atteindre le but assigné.

La responsabilisation individuelle

L'interdépendance positive met en évidence la nécessité que chacun participe, cela signifie que chaque élève a une responsabilité, doit se sentir responsable dans l'atteinte du but collectif au moyen d'efforts personnels. Chaque apprenant est à la fois responsable de ses propres apprentissages mais également de celui de ses camarades. Ceci touche au principe de 24

responsabilisation individuelle qui « permet de distinguer la contribution apportée par chaque individu à la tâche collective. […] [Elle] maximise la contribution que chaque élève apporte à son propre apprentissage et à celui des autres. » (Abramiet al., 1996, p. 86). De plus,

« Renforcer la responsabilité individuelle permet d'accroître l'investissement des élèves. » (Buchset al., 2004, p. 173). Ce principe est étroitement lié à celui d'interdépendance positive puisque « Plus l'interdépendance positive entre les membres est perçue, plus la responsabilité personnelle serait importante [...] » (Buchset al., 2004, p. 173). Le rôle de l'enseignant est ici encore important, puisque celui-ci doit s'assurer que les élèves ont en leur possession les moyens pour satisfaire ce principe, que ceux-ci en soient conscients et qu'ils en perçoivent l'utilité, voire la nécessité dans le travail de groupe. En somme, il doit rendre possibles, nécessaires et visibles les contributions de chaque élève afin qu'ils aient conscience de la valeur, pour le groupe et pour eux-mêmes, que représente leur apport personnel.

Les objectifs fondamentaux du Plan d'Études Romand intègrent certaines capacités transversales impliquant d'amener les élèves à travailler en coopération. La collaboration et la communication sont deux axes qu'il est préconisé de travailler. La visée de la capacité « à collaborer est axée sur le développement de l'esprit coopératif et sur la construction d'habiletés nécessaires pour réaliser des travaux en équipe et mener des projets collectifs. » (CIIP, 2010). La communication concerne « la mobilisation des informations et des ressources permettant de s'exprimer à l'aide de divers types de langages, en tenant compte du contexte » (CIIP, 2010). Cette capacité amène entre autres l'élève à poser et répondre à des questions, à adopter une attitude réceptive, etc.

PROBLÉMATIQUE ET QUESTION DE RECHERCHE

Cette recherche va permettre d'explorer les effets d'un travail spécifique sur des stratégies de compréhension en lecture, qui seront entraînées dans le but d'être, par la suite, automatisées par les élèves. La séquence didactique sera organisée selon un dispositif coopératif amenant les élèves à travailler dans des modalités variées, propre à la pédagogie coopérative. Le but est de voir si le fait de mettre en place certains principes de la pédagogie coopérative pour travailler des contenus didactiques crée une évolution du travail des élèves, si leurs résultats se voient améliorés lorsqu'ils travaillent ces mêmes stratégies individuellement.

Les deux objectifs poursuivis dans cette étude s'appuient sur plusieurs constats. Dans un premier temps, il ressort des travaux effectués par les élèves de cette classe de 5P, un manque au niveau de certaines stratégies en compréhension de textes. En effet, les élèves réalisent les activités avec une compréhension « à peu près » et effectuent un travail en surface. Mes observations des élèves mettent en exergue le fait qu'après une lecture, les élèves ne retournent pas ou peu au texte et se contentent d'une seule lecture. Cet aspect justifie le choix de l'intégration de la stratégie « justifier ses réponses par le retour au texte » expliquée précédemment dans ce travail. Par ailleurs, le vocabulaire, et notamment le traitement des mots nouveaux représente une difficulté importante pour bon nombre d'élèves de cette classe.

Beaucoup de mots pouvant paraître « simples » ou habituels ne sont pas connus ce qui a un impact négatif dans beaucoup de domaine sur le travail des élèves. Cette seconde observation légitime le choix de la deuxième stratégie choisie pour le dispositif à savoir « donner un sens aux expressions/mots inconnus » déjà explicitée.

Dans un second temps, le contexte de cette classe a été un élément contribuant au choix de proposer un dispositif qui favorise la participation de tous dans le travail sur la compréhension et notamment des plus faibles. De manière générale, actuellement les élèves sont peu habitués à travailler autrement que de manière individuelle. L'élève se retrouve, la plupart du temps, seul face aux tâches qu'il est amené à réaliser. Toutefois, il ne suffit pas de mettre les élèves en groupe pour qu'ils participent et qu'en découlent des apprentissages. Par ailleurs, lorsque les

26

élèves travaillent en groupe, ils occupent spontanément une place qui est le plus souvent non discutée par la collectivité que représente le groupe-classe, ce que Cohen (2002) appelle

« effets de statut ». Les effets de statut cités ci-dessus sont très présents au sein de ce groupe-classe où les élèves les plus faibles au niveau scolaire occupent difficilement, voire pas du tout, leur place parmi leurs camarades.

L'objectif poursuivi dans cette étude est de proposer un dispositif qui travaille les stratégies de compréhension citées ci-dessus en misant sur les interactions entre élèves. Cela va se faire en introduisant un dispositif en plusieurs séances, qui s'appuie sur un travail explicite des stratégies à chaque séance avec l'ajout des interactions entre pairs, puis l'ajout d'une structuration des interactions visant à soutenir la participation de tous. Par ailleurs, cet objectif comprend une volonté de documenter l'évolution des acquis des élèves en français suite à ce dispositif et à étudier l'évolution lorsque la structuration des interactions est plus forte grâce à des responsabilités, et si les élèves intègrent les responsabilités et les transfèrent dans une situation ultérieure. Cette mise en oeuvre est liée à la volonté d'observer si des différences émergent au niveau des interactions, de ce qu'il ressort des réflexions critiques et auto-évaluations, ainsi que de la qualité du travail effectué (avancement, compréhension, réussite).

De plus, le fait de mettre les élèves en groupe sans structuration offrira des données intéressantes sur l'organisation qui émerge. Le second travail de groupe non structuré fait suite à un travail structuré et il sera intéressant de voir ce qu'il reste des principes coopératifs instaurés lors du travail structuré. En somme, voir si les modalités de coopération seront maîtrisées et réinvesties par la suite.

Ces constats permettent de dégager les questions de recherche suivantes :

Au niveau de la discipline français, quel est l'évolution des stratégies de compréhension des élèves au cours du dispositif ?

- Dans quelle mesure les élèves ou les groupes d'élèves mobilisent-ils les stratégies travaillées lors des différentes étapes du dispositif ?

- Quelle est l'évolution des stratégies mobilisées par les élèves au cours des différentes étapes ?

- Quelle est l'évolution des apprentissages par les élèves individuellement au départ et à la fin du dispositif ?

Au niveau coopératif, quelle est l'évolution de la participation des élèves au cours du dispositif ?

- Quelle est l'évolution des interactions de l'ensemble de la classe ?

- Quelle place les élèves de niveau faible occupent-ils dans les interactions ?

- Observe-t-on une évolution des interactions dans les groupes lorsque les consignes proposent une forte structuration ?

- Dans quelle mesure les élèves s'approprient des manières de fonctionner proposées dans la situation fortement structurée et conservent des éléments lorsqu'ils sont libres de s'organiser comme ils le souhaitent ?

- Comment les activités réalisées en groupe sont-elles vécues, au niveau du groupe et individuellement, par les élèves ?

28

MÉTHODOLOGIE