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LA TERRITORIALISATION DE LA GESTION DE CRISE : REFLEXIONS ET ORIENTATIONS DE

1. La gestion de crise : temps, espace, acteurs

1.3. La participation des acteurs au programme de gestion : entre capacité et volonté d’action volonté d’action

1.3.1. La crise comme génératrice de nouvelles dynamiques sociales

La crise est source de changement car elle entraîne un « décalage dans la vie ordinaire » [Clavandier G., 2004, p. 22]. Elle figure le passage d’une étape à une autre. Une crise est un phénomène qui rompt le cours normal des évènements. Il faut les penser en termes de « discontinuité, de rupture qui introduit une différence qualitative entre l’avant et l’après » [Beucher S., Reghezza M., Veyret Y., 2004, p. 22]. Ce type de phénomène provoque l’émergence de nouvelles logiques sociales qui ne se seraient sans doute pas construites sans la

gestion. La notion de changement interroge, de ce fait, pleinement la capacité de réaction et d’adaptation des sociétés [Nally D., 2008]. Elle fait référence au fait que la crise est une situation extraordinaire et singulière qui occasionne une rupture avec les habitudes et comportements traditionnels. La crise est la matrice d’un changement dans l’ordre établi comme l’illustre l’exemple de la découverte du sida et de sa gestion. En effet, le sida a, en quelque sorte, généré de nouvelles dynamiques sociales, notamment lorsque la communauté homosexuelle, d’abord stigmatisée par l’opinion publique, se plaça à la pointe de la lutte et de la mobilisation [Bourdelais P., 2003]. Ce changement social s’est, à ce sujet, opéré en plusieurs étapes. Il s’agit donc, dans l’étude des crises, de retracer les différentes phases qui permettent aux acteurs d’endiguer et résoudre les perturbations engendrées par un tel évènement. L’objectif est alors de questionner, d’une part, le rôle, les stratégies, les relations et l’importance de chacun des acteurs dans les processus de gestion et, d’autre part, les changements que cela a introduit dans leurs activités respectives.

1.3.2. Importunité à surmonter/Opportunité à saisir : la dialectique à privilégier pour connaître les motivations et stratégies des acteurs

La crise est porteuse de bouleversements pour les individus et collectifs qui y sont exposés et tous n’ont pas la faculté pour surmonter les importunités. La crise marque alors un déclin pour ces acteurs qui n’ont pas la volonté ou la capacité de s’adapter. Aux Etats-Unis, les personnes qui perdirent leur propriété à la suite de la crise des « subprimes » en sont, malheureusement, une parfaite illustration [Kaplan D. H., 2009]. Cette crise d’origine économique conduisit des milliers de personnes dans une situation d’extrême précarité [Collombet C., Hiltunen A., 2014]. A l’échelle d’une entreprise [Giuily E., 2013], cette incapacité à surmonter les évènements se caractérise par des pertes de revenus, voire une cessation d’activité. La crise génère une augmentation du chômage, une baisse de la production et, intrinsèquement, une chute de la consommation et du pouvoir d’achat des ménages. Dans cette dimension, les acteurs sont résignés, dépités et défaitistes [Dupuy J.-P., 2004]. Pourquoi agir, alors que tout effort est vain, toute tentative est vouée à l’échec ? La crise apparaît être, pour ces acteurs, un évènement entièrement négatif, redoutable mettant au jour leurs vulnérabilités.

La crise peut, en revanche, être une opportunité à saisir pour d’autres acteurs qui ont, ou se persuadent d’avoir, les capacités suffisantes pour gérer ses perturbations. La crise leur offre

crise est une « opportunité d’innovation » [Stiegler B., 2012, p. 9] au cœur du danger. Elle permet d’analyser les limites de fonctionnement d’une société et, par son plan de gestion, de proposer une nouvelle organisation censée éviter la résurgence des problèmes qu’elle pose. Les crises ne doivent donc pas être uniquement analysées à l’aune des contraintes qu’elles font émerger. Elles doivent, au contraire, être considérées « comme des opportunités voire comme

des ressources pour différents types d’acteurs » [Gilbert C., 2002, p. 32]. Ces opportunités sont

rendues possibles par la « désectorisation » [Dobry M., 1987, p. 126] de la société que la crise provoque, permettant à des acteurs d’entreprendre des actions dans des champs qui leur étaient jusqu’alors inaccessibles ou interdits. Les acteurs qui considèrent la crise comme source potentielle d’opportunités restent toujours dans une logique de projet. Ils analysent les effets et causes de la crise pour en proposer des solutions. Il ne faut, toutefois, pas tendre vers un positivisme exacerbé. La crise reste une véritable épreuve, quels que soient les acteurs en jeu. L’analyse doit porter une attention sur les raisons de mobilisation de certains acteurs, notamment privés, dans le programme d’action publique en situation de crise. Il s’agit de questionner leurs stratégies et les éventuels changements que cela a entraînés dans leur secteur d’activité. En effet, ces acteurs décident d’agir pour proposer des solutions de résolution de crise mais probablement dans une perspective d’enrichissement personnel.

Le couple binaire « Importunités à surmonter/Opportunités à saisir » apparaît en cela être une porte d’entrée intéressante pour l’investigation. Par son biais, l’objectif est notamment de regarder si des acteurs généralement perçus comme n’ayant pas la capacité ou la volonté de faire face à des évènements qui bien souvent les dépassent, à l’instar des riverains des lieux mobilisés par les autorités, ont bel et bien un pouvoir d’action concret face à la crise et sa gestion.

L’action en situation de crise est nécessairement spatialisée puisque des ressources localisées (acteurs, infrastructures industrielles…) sont mobilisées pour résoudre les difficultés que cette dernière fait peser sur la société. Or, cette action n’est pas neutre. L’identification de ressources et leur utilisation commune dans la gestion nécessitent l’élaboration de stratégies et de normes par les autorités. Il convient donc de porter un regard sur la manière dont les pouvoirs publics fondent leurs actions territoriales en situation de crise.

2. La gestion de crise entre territorialisation, potentialisation et

multisituation

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