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SOURCES DE DONNEES POUR ANALYSER

1.3. Constitution d’un corpus : relativité et part de choix

1.3.1. La représentativité d’un corpus

Tout travail de collecte naît d’une première prospection des sources potentiellement utilisables pour l’analyse scientifique. Celle-ci consiste à identifier les lieux où l’information pourrait être

disponible et à définir le ou les type(s) de sources souhaitées (photographies, textes, vidéos…). Cette première étape pose les fondements de la constitution d’un corpus. Dans cette perspective, il faut considérer ce dernier « à travers la notion de prisme : […] celui du chercheur à la

recherche d’un faisceau convergent de preuves ou de traces, mais le corpus est lui aussi prisme

puisqu’il retranscrit les objectifs et les questionnements du chercheur et qu’il constitue la

source principale de résultats voire d’interprétations » [Comby E., 2015, p. 184]. Ainsi, tout

corpus est singulier et a des biais puisqu’il dépend des choix opérés par le scientifique et de la qualité des archives. Comme le soulignait Lucien Febvre, ce sont les documents que nous collectons qui dictent, au moins en partie, nos analyses et nos questionnements [Febvre L., 1942]. Il est donc primordial d’assumer cette singularité, celle-ci ne remettant aucunement en cause la pertinence d’un corpus tant que celui-ci est construit pour répondre à des hypothèses et à une problématique. Un corpus n’est, par conséquent, qu’une « des représentations possibles de la réalité » [Comby E., 2015, p. 187].

Le chercheur commence à élaborer son corpus une fois ses hypothèses posées. A partir de là, ce dernier « devient le lieu de l’analyse et joue donc un rôle central dans les résultats et dans les interprétations » [Comby E., 2015, p. 185]. Un corpus n’est, en outre, jamais fixe. Il est mobile, évoluant au gré des lectures, relectures et découvertes. La construction d’un corpus n’est pas un processus linéaire. Il peut tantôt s’élargir, tantôt se réduire. Une fois la collecte d’informations et de données lancée, le chercheur doit, de plus, réfléchir à la façon dont il va organiser, traiter et délimiter les documents sélectionnés. La constitution d’un corpus doit, dans ce cadre, répondre à trois critères : la significativité pour présenter une pertinence, la diachronicité pour saisir les trajectoires [Prost A., 1996] et l’homogénéité pour autoriser les comparaisons [Mayaffre D., 2002].

Une fois le corpus constitué, le chercheur doit désormais réfléchir à la limite de sa base de données d’un point de vue aussi bien qualitatif que quantitatif [Dalbera J.-P., 2002]. Il est, en effet, presqu’impossible de recueillir l’ensemble des documents produits et/ou des informations potentiellement disponibles sur l’objet étudié, et, ce, pour de multiples raisons (temps de collecte, pertinence de tous les documents, difficulté d’accès au(x) terrain(s)…). L’essentiel des corpus sont donc des échantillons construits autour de données n’abordant que certains lieux, certains acteurs ou certaines périodes. L’échantillon ne rime, pour autant, pas avec une simplification et le hasard. « Le travail sur échantillon se révèle […] être un impératif pratique.

aléatoire » [Dalbera J.-P., 2002]. Il doit effectivement être représentatif d’une réalité plus large pour « donner à voir cette réalité trop vaste pour être embrassée dans sa totalité » [Mellet S., 2002].

Les analyses conduites dans ce travail reposent, en l’occurrence, sur un échantillon car il fut impossible de recueillir tous les discours propres à la crise des farines animales du fait, d’une part, des contraintes temporelles inhérentes à une thèse et, d’autre part, par la disparition d’acteurs (décès, fermeture d’entreprises…) aujourd’hui inaccessibles. Malgré tout, un corpus de recherche, lorsque nous connaissons ses biais et lorsqu’il est questionné, peut devenir un terrain de recherche dynamique dans lequel certains processus pourront être observés et isolés. 1.3.2. Les échelles d’un corpus

Pour répondre aux critères énoncés par plusieurs auteurs, un corpus peut se subdiviser en fonction des buts poursuivis par le chercheur [Bommier-Pincemin B., 1999].

Fig. 15 Les échelles du corpus41 [Bonnier-Pincemin B., 1999 ; Comby E., 2015]

       

41 A noter que la figure ci-dessus ne respecte pas la proportion. En effet, le corpus existant est généralement beaucoup plus important par rapport aux autres corpus. Ce n’est que pour un souci de représentation que la taille de ce dernier est réduite dans l’illustration.

Le corpus existant fait référence à l’ensemble des documents, informations et données disponibles sur un sujet. Il est presque impossible pour un chercheur de réunir ce corpus pour des raisons que nous avons déjà explicitées, si ce n’est pour des études extrêmement fines portant sur des sujets très précis tels que des monographies et biographies. Le corpus de référence désigne, quant à lui, l’ensemble des données collectées par un chercheur. Il comprend aussi bien des éléments qui seront analysés que des éléments de contexte. Pour sa part, le corpus d’étude renferme uniquement les documents qui permettent de répondre à la problématique et aux hypothèses posées. Enfin, le corpus distingué, également appelé sous-corpus, présente « des particularités, [une] cohérence et une homogénéité » [Comby E., 2015, p. 188]. Il peut être analysé comme un objet unique si le chercheur estime que ce dernier, pris seul, peut permettre d’isoler des logiques et processus particuliers, non identifiables, du moins le pense-t-il, dans d’autres sources. Un sous-corpus est utile pour avoir une lecture plus fine de certaines dynamiques.

Ainsi, différentes sources se mêlent dans un corpus. Dans notre cas, et comme nous allons le présenter dans le point suivant, notre corpus de référence lie archives gouvernementales, industrielles, médiatiques, associatives et des entretiens menés auprès de différents acteurs mobilisés dans la gestion. Tous les documents ne sont, néanmoins, pas utilisés dans l’analyse. Certains ont seulement permis de contextualiser la situation étudiée. A l’inverse, d’autres ont été regroupés dans des sous-corpus spécifiques pour faire l’objet de traitements particuliers, à l’instar des entretiens et des archives médiatiques. Les premiers, transcrivant la parole des acteurs gestionnaires, permirent de retracer la gestion de la crise des farines animales au dire des acteurs ayant eux-mêmes participé à cette dernière tandis que les deuxièmes permirent d’analyser les représentations et actions des riverains des sites mobilisés par les autorités.

2. Le corpus et l’étude de la gestion de crise en France : une

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