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Modélisation et simulation des écoulements turbulents

3.2 Discrétisation et résolution des équations de Navier-Stokes En utilisant la fermeture apportée par la modélisation sous-maille, on dispose maintenant d’un

3.2.5.1 Parois solides

Dans le cadre de cette thèse, nous aurons à traiter des parois solides immobiles que l’on supposera adiabatiques. Ces conditions impliquent, à l’interface, la nullité des trois composantes du vecteur vitesse et des gradients dans la direction normale de la température et de la pression :

∀t, ∀x ∈ ∂Ωwall, u(x, t) = 0 , nT(x, t) = 0 et np(x, t) = 0 . (3.48) Cela correspond alors à une condition de Dirichlet pour les composantes du vecteur vitesse et à une condition de Neumann sur la température, la pression et donc la densité.

Numériquement, la première maille fictive est alors remplie, à chaque début de sous-itération, par la valeur actualisée de la densité et de la pression de la première maille réelle, positionnée de l’autre côté de la paroi. Pour les composantes du vecteur vitesse, on procède de même avec les valeurs opposées à celle de la première maille réelle. Il en est de même pour la seconde maille fictive, remplie en fonction des valeurs de champ de la seconde maille réelle.

Afin de s’assurer qu’aucune masse, quantité de mouvement, ni énergie ne transitent à travers la paroi, les flux convectifs initialement calculés à partir de la formule (3.34) doivent être corrigés. Ils sont donc surchargés par un calcul effectué directement à partir de la définition (3.24) dans laquelle la vitesse est effectivement considérée comme nulle à la paroi : Fconv

k = p (0, δ1k, δ2k, δ3k,uek).

3.2.5.2 Frontières libres

Pour traiter les frontières du domaine de calcul qui ne s’appuient sur aucune frontière physique, mais délimitent la zone de l’écoulement que l’on souhaite simuler dans un écoulement plus large, on ne peut imposer de condition de Dirichlet ou de Neumann avec des valeurs connues a priori.

On procède alors à une extrapolation à l’ordre zéro des conditions d’écoulement dans les dernières mailles réelles pour le remplissage des cellules fictives. En pratique, pour l’étude d’un écoulement de plaque plane sans gradient de pression, la seule variable imposée sur les différentes frontières fluides du domaine de calcul (mise à part la condition d’entrée abordée dans le prochain paragraphe) est la pression sur la frontière de sortie du domaine. Pour les autres variables et les autres frontières libres, les variables primitives peuvent être amenées à évoluer avec l’écoulement.

Si aucune précaution supplémentaire n’est prise, la condition aux limites d’extrapolation à l’ordre zéro peut être à l’origine de réflexions acoustiques. En effet, les éventuelles perturbations se propa-geant vers l’extérieur du domaine de calcul se retrouvent alors réfléchies vers l’intérieur et risquent de polluer la zone d’intérêt. Une correction des flux est alors apportée. L’écoulement à la frontière est décomposé suivant la méthode des caractéristiques, ce qui permet de séparer les perturbations suivant leur sens de propagation, de sorte à ne conserver que la composante se propageant vers l’extérieur du domaine de calcul.

En plus de ces précautions, une zone éponge est ajoutée en sortie de domaine. Cette zone éponge correspond à une zone additionnelle dans laquelle la discrétisation du maillage est progressivement étirée jusqu’à ce que les mailles soient suffisamment grandes pour ne pas permettre la survie des fluctuations turbulentes. La relaminarisation est alors progressive, sans réflexions parasites, et les champs de vitesse et de pression moyennes sont préservés. Dans les simulations conduites au cours de cette étude, le taux d’étirement d’une maille sur l’autre de la discrétisation ∆x est fixé à 6% et la zone éponge se poursuit jusqu’à ce que ∆x atteigne l’épaisseur de la couche limite.

3.2.5.3 Condition d’entrée

La condition d’entrée est un point crucial pour la justesse et la réduction du coût d’une simulation LES ou DNS de couche limite turbulente. L’enjeu réside dans la difficulté à générer des fluctua-tions turbulentes réalistes, c’est-à-dire vérifiant les différentes statistiques et corrélafluctua-tions spatio-temporelles d’une véritable couche limite turbulente. Un écoulement qui contient des perturbations

aléatoires, sans contenu fréquentiel adéquat, risque fortement de se dissiper et de conduire à une relaminarisation [253].

Un choix possible est de simuler la couche limite depuis sa naissance, en passant par les phases de développement laminaire, de transition vers la turbulence, puis de développement turbulent jus-qu’à ce que l’écoulement ait atteint le nombre de Reynolds suffisant pour que l’étude puisse être entreprise. Cette procédure, bien que certainement l’une des plus propres quant à la représentativité du contenu turbulent, s’avère clairement inabordable en pratique dès que l’on souhaite atteindre des nombres de Reynolds Reθ de l’ordre de 103 puisqu’elle implique la simulation fine d’une très grande longueur de domaine. Une alternative consiste à imposer, en entrée d’un domaine de calcul bien plus restreint autour de la zone d’intérêt, un champ fluctuant représentatif d’un écoulement turbulent de nombre de Reynolds adéquat.

Les simulations réalisées en canal plan ou en conduite circulaire peuvent tirer profit de l’ho-mogénéité dans la direction longitudinale. Le signal turbulent en sortie de domaine peut alors être réinjecté tel quel en entrée. Il faut simplement s’assurer que le domaine est suffisamment long pour que la périodicité artificiellement introduite ne perturbe pas les phénomènes physiques étudiés.

Dans le cas des couches limites en développement spatial, une telle solution ne peut pas être appliquée directement à cause de l’évolution longitudinale de l’écoulement. Néanmoins, différentes méthodes ont été développées pour transformer, à moindre coût, le signal en sortie de domaine en un signal admissible pour son entrée. On parle de méthodes de recyclage. Notamment, Spa-lart [250,251] prolongeait son domaine de calcul par une zone dans laquelle des forces volumiques agissaient de sorte à réduire artificiellement l’épaisseur de la couche limite. Une fois le bon nombre de Reynolds retrouvé, l’écoulement pouvait être réintroduit en entrée de domaine. Alternativement, Lund et al. [171] puis Tromeur [268] ont mis au point et adapté une méthode analytique de remise à l’échelle du profil de vitesse en sortie de domaine. Afin de prendre en compte la dualité des lois de dimensionnent interne et externe, un traitement différent est appliqué aux régions internes et externes de la couche limite. Cette méthode a largement été depuis utilisée et appliquée à diverses conditions d’écoulement [96,235,253].

Lorsque l’écoulement que l’on désire simuler ne comporte pas de zone d’équilibre, la technique de recyclage et de remise à l’échelle ne peut être utilisée. Une méthode alternative consiste alors à recourir à un calcul précurseur, stocké au préalable dans une base de données. Comme pour la méthode de recyclage, l’utilisation d’un calcul précurseur implique une remise à l’échelle des données instationnaires stockées. Schlüter et al. [241] proposent une formule afin de reproduire un profil de vitesse et des intensités turbulentes cibles, obtenues à partir d’une simulation RANS par exemple. Bien que cette méthode nécessite l’accès à d’importantes capacités de stockage et implique de coûteuses opérations de relecture durant la simulation, elle permet une spécification des données turbulentes pour tout type d’écoulement à un degré de réalisme raisonnable.

Une dernière catégorie de méthode rassemble les méthodes synthétiques, pour lesquelles un signal turbulent instationnaire est créé à partir de données statistiques de l’écoulement turbulent et de séquences aléatoires. De nombreuses méthodes ont vu le jour [146,165,154,237,130,203] et une revue détaillée en est faite dans la thèse de Pamiès [202].

Ce dernier précise que pour la plupart des méthodes de génération de turbulence synthétique, l’écoulement nécessite une distance d’adaptation en aval de la condition d’injection souvent supé-rieure à celle des méthodes de recyclage. Cette distance traduit la capacité de la méthode à pro-duire une turbulence dotée de bonnes informations statistiques et instantanées. Néanmoins, passée cette distance de relaxation, les méthodes synthétiques permettent l’imposition d’une distribution d’échelles temporelles et spatiales avec un bon degré de réalisme compte tenu du peu d’information statistique qu’elles utilisent. De plus, elles présentent l’avantage comparatif conséquent par rapport aux méthodes de recyclage de ne pas induire de périodicité non physique.

La condition d’entrée utilisée dans les travaux de cette thèse est la méthode d’injection de turbulence synthétique SEM (synthetic eddy method) introduite par Pamiès et al. [202,203]. Tout comme la formulation de Jarrin et al. [130] dont elle est adaptée, la SEM de Pamiès utilise une décomposition de Cholesky du tenseur de Reynolds, ce qui permet d’imposer les moments d’ordre 2. En injectant des structures tourbillonnaires de dimensions, de formes et de distributions cohérentes et adaptées par rapport à leur position dans la couche limite, la méthode tente de générer un signal fluctuant qui reproduit une distribution d’échelle réaliste. Les détails quant à la formulation et l’implémentation de cette méthode figurent dans l’annexeB.

3.2.5.4 Condition de périodicité, raccord informatique et implicitation par bloc

Pour les simulations numériques dont les maillages sont suffisamment gros, le recours à des ma-chines HPC disposant d’un grand nombre de processeurs est nécessaire. Afin de répartir au mieux la charge de travail entre les différents nœuds de calcul, le domaine est scindé en de multiples blocs — ou sous-domaines — qui sont attribués aux différents processeurs. Néanmoins, il est indispensable que les processeurs puissent échanger avec leurs voisins les conditions d’écoulement à leur frontière commune. On parle alors de condition de raccord informatique. Les conditions de périodicité sont très similaires à celles de raccord informatique, à la différence près que les coordonnées des mailles de part et d’autre de la frontière ne sont pas confondues.

Comme précisé à la fin de la section 3.2.4, chaque processeur tente de résoudre, pour chacun de ses blocs, un système d’équations implicite similaire à celui du domaine global, mais dont la portée est restreinte aux mailles du (ou des) bloc(s) qui le concerne. Ainsi, pour chacun des blocs de maillage, un système linéaire semblable à (3.44) est construit, dont une notation simplifiée est celle de l’équation (3.45).

La constitution du membre de droite Rn+1,pdu système d’équations ainsi réduit au sous-domaine nécessite la connaissance des flux à travers les facettes de toutes les mailles du bloc et donc, en parti-culier, au niveau des interfaces de raccord informatique. Classiquement, les processeurs s’échangent alors les informations nécessaires au calcul de ces flux, c’est-à-dire les variables conservatives sur une ou deux rangées de cellules derrière la frontière, cellules considérées comme fictives pour le processeur qui reçoit les informations.

La constitution du membre de gauche Mn+1,pdu système, détaillé dans l’équation (3.44), néces-site l’évaluation de la matrice jacobienne ∂F /∂W des flux par rapport aux variables conservatives. Cependant, puisqu’on ne résout le système implicite que pour les mailles du sous-domaine, la contri-bution des mailles fictives (c’est-à-dire des mailles de l’autre côté de la frontière de raccord informa-tique) à la matrice jacobienne ne peut être prise en compte. Cela revient donc à fixer ∆Wn+1,p+1= 0 pour les cellules fictives, c’est-à-dire imposer une condition de Dirichlet figée à l’état de l’estimation sous-itérative précédente Wn+1,p.

La procédure de résolution itérative est alors la suivante. Après chaque nouvelle sous-itération p effectuée, les processeurs récupèrent de leurs voisins la dernière estimation Wn+1,p des variables conservatives de la (ou les deux) rangée(s) de cellules qui jouxtent leur domaine. Ils construisent le nouveau membre de droite Rn+1,p à partir du calcul actualisé des flux Fn+1,p. Ils mettent à jour la jacobienne restreinte ∂F /∂W (restreinte puisque seule l’influence des mailles réelles sur les flux est prise en compte). Enfin, ils résolvent une nouvelle fois le système linéaire (3.44) en considérant comme figé l’état de l’écoulement dans les cellules fictives. Ce processus itératif est poursuivi pendant un certain nombre de sous-itérations ou jusqu’à ce qu’un critère de convergence prédéterminé soit vérifié.

Le processus ainsi présenté constitue le degré d’implicitation minimale, en termes d’échange d’informations entre les domaines limitrophes. Pour la plupart des écoulements, il suffit à atteindre un degré de convergence acceptable dans un temps tout à fait abordable. C’est le processus implé-menté dans le solveur FLU3M.

Afin d’améliorer l’implicitation de la résolution et donc accélérer le processus de convergence sous-itératif, il est possible de procéder à la résolution du système implicite, non seulement dans le domaine réel, mais également dans les deux premières rangées de cellules fictives. C’est cette approche qui est utilisée dans le solveur FUNk.

Afin de constituer le second membre Rn+1,p correspondant, il faut alors récupérer, auprès des processeurs voisins, les informations permettant de calculer les flux dans les deux premières rangées de cellules fictives, c’est-à-dire, ou bien récupérer les variables conservatives, non plus sur 2, mais sur 4 cellules fictives, ou alors récupérer le second membre Rn+1,p dans les 2 rangées de cellules fictives après qu’il a été calculé par le processeur voisin.

Puisque le système d’équations est également résolu pour les variables conservatives des deux premières rangées de cellules fictives, leur influence sur les flux peut maintenant être prise en compte. La matrice jacobienne ∂F /∂W est alors un peu étendue. Tout comme la matrice jacobienne était déjà modifiée pour ne pas prendre en compte l’influence des cellules fictives dans le cas du solveur FLU3M, elle est cette fois-ci modifiée afin de ne pas prendre en compte l’influence des cellules voisines des cellules fictives. Cela revient à imposer la condition de Dirichlet ∆Wn+1,p+1= 0 deux rangées de cellules fictives plus loin que dans l’approche classique.

Puisque la résolution du système est étendue aux cellules fictives, une solution est obtenue dans ces cellules fictives. Cette solution n’a d’ailleurs aucune raison de coïncider exactement avec celle obtenue par le processeur voisin, chez qui ces cellules fictives sont des cellules réelles. En fait, les valeurs calculées dans les cellules fictives ne seront de toute façon jamais utilisées, puisqu’à la sous-itération suivante, elles seront surchargées par celles du processeur voisin. La raison qui pousse donc à étendre la résolution implicite aux cellules fictives réside uniquement dans le constat suivant. Lors de la résolution sous-itérative bloc par bloc, les rangées de cellules au bord des blocs sont à proximité de cellules dont la résolution n’est pas conduite dans le même bloc et pour lesquelles une nouvelle estimation ne sera prise en considération qu’à la sous-itération suivante. L’impact de cette faible implicitation se ressent grandement dans les deux premières rangées de cellules, dans lesquelles les résidus sont particulièrement élevés. Ainsi, en résolvant le système dans les cellules réelles et dans deux rangées additionnelles de cellules fictives, on repousse les effets de bords néfastes en dehors du domaine utile. Comme on le verra par la suite, cette précaution est particulièrement importante dans le cadre des simulations conduites au cours de cette thèse, puisqu’en raison de la topologie de maillage choisie, les sous-domaines contiennent un nombre très limité de cellules dans la direction transverse.

Études

Établissement d’une méthode pour la