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Contrôle de la turbulence pariétale

2.3 Oscillations transverses de parois et ondes progressives

2.3.1.4 De la dépendance temporelle à la dépendance spatiale

Plutôt que d’imposer à la paroi un mouvement transverse qui oscille temporellement, le contrôle peut également consister en un mouvement de la paroi qui soit stationnaire, mais dont la vitesse évolue avec x. La vitesse à la paroi est alors imposée par l’équation

ww(x) = Wosc sin (kx,oscx) = Wosc sin x

λx,osc !

. (2.20)

On parlera de contrôle par onde transversale stationnaire de paroi. Cette stratégie de contrôle a été appliquée par Viotti et al. [273] qui rapportent un comportement du frottement vis-à-vis des paramètres (λ+

x,osc, W+

osc) similaires à ce qui a été décrit pour les paramètres (T+ osc, W+

osc) de l’oscillation temporelle de paroi. Ainsi, la réduction de frottement croît monotoniquement avec W+

osc et la longueur d’onde optimale pour une vitesse W+

osc donnée est λ+

x,osc' 1000. Les performances optimales en termes de réduction de traînée, mais surtout en termes d’économie nette d’énergie, sont améliorées par rapport au cas classique d’oscillation temporelle puisqu’elles atteignent F RR ' 52% et ESR ' 23%.

La longueur d’onde longitudinale λx,oscpeut être reliée à la période Tx,oscde l’oscillation tempo-relle via la donnée d’une vitesse de convection. D’après (1.65), la vitesse de convection des structures proche-paroi peut être considérée comme constante et égale à environ 10 uτ. Ainsi, en utilisant cette correspondance espace–temps, les performances de réduction de frottement sont équivalentes pour les stratégies de contrôle par oscillations temporelle et spatiale.

Les dispositifs d’oscillation temporelle et spatiale de paroi, définis respectivement par (2.16) et (2.20), sont des cas particuliers d’ondes transversales progressives de paroi. La vitesse transverse de la paroi est régie dans ce cas plus général par

ww(x) = Wosc sin (kx,oscx− ωosct) = Wosc sin x

λx,osc − 2π t

Tosc

!

. (2.21)

Depuis les premiers travaux de Du et al. [74, 75], l’optimisation et l’étude de cette stratégie de contrôle font l’objet d’une intense activité de la part de la communauté scientifique ces dernières années. La carte typique de réduction de traînée à Woscfixé est représentée dans le plan (ωosc, kx,osc) sur la figure2.27. On observe que la traînée est réduite pour l’ensemble des paramètres de contrôle, sauf dans le domaine hachuré de la figure, correspondant à des ondes progressives de vitesse de propagation ωosc/kx,oscproche de la vitesse de convection. Les paramètres optimaux correspondent à une onde progressive avançant à environ 30% de cette vitesse. Pour plus de détails, nous renvoyons le lecteur intéressé aux articles de Quadrio et al. [220] et de Hurst et al. [118] qui apportent de nombreux éléments de caractérisation et de compréhension que nous n’aborderons pas ici.

2.3.2 Caractéristiques de l’écoulement contrôlé

La compréhension des mécanismes physiques expliquant le comportement du frottement sur une paroi oscillante est encore partielle et floue [218]. Aucune théorie ne permet à ce jour d’expliquer, de façon unifiée, les cas d’ondes progressives longitudinales et transverses, pour lesquels l’oscillation de paroi est un cas particulier.

Le profil de vitesse moyenne longitudinale de l’écoulement contrôlé présente les mêmes propriétés que celui au-dessus des riblets : la loi déficitaire de sillage (1.46) est toujours valide et l’on observe bien une zone de profil logarithmique (1.50), cependant, celle-ci est surélevée par rapport au cas de référence [139]. Ce comportement est caractéristique des écoulements contrôlés par des dispositifs pariétaux de réduction de traînée [41].

À cette vitesse moyenne longitudinale s’ajoute une composante transverse cyclique, induite par l’oscillation de la paroi. Dans le cas de réduction de traînée proche de l’optimum, cette perturbation

ω+ osc k+ x,osc 102 102 103 Courbe de F RR maximum à kx,osc fixé F RR maximum (onde progressive) F RR maximum

(onde stationnaire) F RR maximum

(paroi oscillante) Région d’augmentation du frottement Courbe de frottement maximum à kx,osc fixé

Figure 2.27 – Schéma qualitatif de la carte de réduction de traînée dans le plan des para-mètres (ωosc, kx,osc) d’une onde progressive de déplacement transverse de la paroi. Figure adaptée de [220].

reste confinée à la sous-couche visqueuse et le profil de vitesse transverse est alors très bien approché par la solution analytique de couche limite de Stokes [39,266]. Cette propriété reste d’ailleurs valable dans le cas général où la paroi est animée d’un mouvement périodique non-sinusoïdal [47]. Ainsi, l’oscillation de la paroi ne se fait pas sentir directement au-delà de la zone tampon.

Cependant, ce mouvement de Stokes additionnel, bien que très localisé, influence les intensités turbulentes sur toute l’étendue de la couche limite, comme cela a été constaté dès les premières études [139] par la chute des niveaux fluctuants en valeur absolue (c’est-à-dire sans adimension-nement). Néanmoins, comme en témoigne la figure 2.25, l’utilisation d’un adimensionnement en unité de paroi approprié révèle que seul le niveau d’intensité turbulente longitudinale u+

rms est di-minué à proximité de la paroi, pour y+. 30 [224]. Au-delà, le profil u+

rms(y+) retrouve le niveau du cas canonique à même Reτ. De plus, le niveau des fluctuations normales v+

rms est clairement inchangé sur toute l’étendue de la couche limite, alors que celui de w+

rms est même augmenté en dessous de y+' 40. Ainsi, la baisse de u+

rms cumulée à la hausse de w+

rms conduit à une réduction significative de l’anisotropie. Ce constat est néanmoins contradictoire avec les résultats bien plus généraux de Frohnapfel et al. [84], qui corrèlent la réduction de la traînée à l’augmentation du niveau d’anisotropie à proximité de la paroi.

La contrainte de cisaillement de Reynolds R+

xy est atténuée dans la région proche paroi. C’est cette chute du cisaillement turbulent qui explique l’épaississement de la sous-couche visqueuse et l’élévation de la loi logarithmique sur le profil u+(y+). Il est à noter la présence additionnelle et cyclique de la tension de Reynolds Ryz. Ce terme est nul dans le cas non contrôlé, mais joue, vis-à-vis de l’écoulement transverse induit par la paroi oscillante, un rôle similaire à celui de Rxy sur l’écoulement longitudinal. Il est en particulier responsable de la hausse de w+

rms.

Les termes du bilan d’énergie cinétique turbulente k subissent tous une baisse significative en absolu [14,224,266]. Il en est de même pour les bilans associés aux tensions de Reynolds Rxx, Ryy et Rxy. L’analyse des bilans de Toubert & Leschziner [266] suggère que la réduction de la contrainte de cisaillement de Reynolds (puis des intensités turbulentes dans leur globalité) soit attribuée en particulier au déclin des évènements du quadrant Q2, c’est-à-dire des éjections.

proche-paroi. Ainsi, la perturbation périodique du champ de vitesse provoque une importante distorsion des streaks et de l’organisation des mouvements cohérents proche-paroi. Les premières études ont rapporté la disparition totale de l’alternance des streaks lents et rapides au profit d’un écoulement quasi bidimensionnel [139,14]. De récentes études ont néanmoins révélé la présence de streaks de forme classiquement allongée dans la direction de l’écoulement moyen, c’est-à-dire que leur orien-tation évolue cycliquement avec l’écoulement moyen transverse induit par la paroi [224, 266]. Ces

streaks sont moins énergétiques que dans le cas canonique, ce qui est cohérent avec la chute du

niveau d’intensité urms sur la figure 2.25. Néanmoins, les super-structures de la région externe ne sont quasiment pas affectées par le contrôle, mais contribuent grandement à réorganiser le cycle de turbulence proche-paroi affecté par l’oscillation pariétale [266].

Comme on l’a vu, le champ de vitesse transverse directement induit par la paroi oscillante ne pénètre pas l’écoulement au-delà de la sous-couche visqueuse. Comment expliquer alors les mo-difications constatées bien au-delà, sur les profils moyens et sur les mouvements cohérents ? La sous-section suivante apporte des éléments de réponse à ces questions.

2.3.3 Mécanismes de réduction de traînée

La soudaine imposition d’un mouvement latéral constant (non oscillant) dans une couche limite turbulente altère temporairement, mais profondément, les structures de la turbulence, provoquant ainsi une chute de l’énergie turbulente. Cependant, si le mouvement latéral est maintenu dans la durée, l’écoulement se réadapte après une phase transitoire : l’écoulement s’aligne à la direction de la nouvelle vitesse moyenne résultante et la turbulence retrouve son comportement canonique [14]. Ainsi, la notion de perturbation instationnaire de l’équilibre de la turbulence devra certainement être au cœur du (ou des) mécanisme(s) expliquant la réduction significative du frottement engendrée par les dispositifs d’oscillation de paroi.

Les deux principaux mécanismes qui ont été proposés et étudiés par la communauté scientifique pour spécifier le mécanisme par lequel le contrôle parvient à réduire la traînée sont développés ci-après.

2.3.3.1 Déplacement latéral relatif des structures turbulentes proche-paroi

Le premier principe, initialement avancé par Laadhari et al. [160], repose sur la capacité du champ oscillant transverse à perturber la cohérence spatiale entre les tourbillons quasi-longitudinaux et les bandes sinueuses que sont les streaks lents et rapides. Le contrôle modifie la disposition relative entre ces structures caractéristiques du cycle proche-paroi de régénération auto-entretenue de la turbulence.

Baron & Quadrio [14] avancent sur l’explication du mécanisme en approximant le champ oscillant moyen par la solution analytique du second problème de Stokes7. Ils calculent la profondeur de pénétration de cette couche limite oscillante dans l’écoulement turbulent et la comparent aux zones caractéristiques de localisation des structures turbulentes. En évaluant cette profondeur grâce à la formule (2.18), on obtient l+

osc ' 14 dans les conditions quasi-optimales de réduction du frottement, c’est-à-dire avec T+

osc' 100 et W+

osc' 15. Ainsi, la zone la plus intense des streaks étant localisée dans la région y+. 10− 15, ces derniers sont significativement entraînés par le mouvement oscillant de la paroi. À l’inverse, les TQLs étant classiquement situés dans la région 10 . y+ . 50, ils ne sont que marginalement affectés.

Ainsi, dans son mouvement oscillant, la paroi entraîne avec elle le fluide à sa proximité sur une épaisseur suffisante pour contenir les streaks. Les tourbillons quasi-longitudinaux étant suffisam-ment distants pour ne pas être autant affectés, leur position relativesuffisam-ment aux streaks s’en retrouve perturbée. Normalement, les TQLs balayent la paroi avec du fluide à grande quantité de mouvement (évènements Q4) et éjectent le fluide pariétal de faible quantité de mouvement (évènements Q2). Cependant, à cause de la rupture de cohérence spatiale entre streaks et TQLs, ces derniers peuvent

à l’inverse éjecter le fluide des streaks rapides (évènements Q1) et balayer vers la paroi le fluide des streaks lents (évènements Q3). Ces deux évènements contribuent positivement au cisaillement de Reynolds Rxy, permettant d’expliquer l’influence du contrôle sur le profil de R+

xy(y+) de la fi-gure2.25. Par ce mécanisme, l’oscillation de paroi parvient à bouleverser le cycle auto-entretenu de régénération de la turbulence et cause une chute de l’énergie cinétique turbulente et de l’impact de la turbulence sur le frottement pariétal.

Ricco et al. [224] apportent un éclairage sur ce mécanisme en observant les bilans énergétiques. Ils se sont en particulier penchés sur le bilan d’enstrophie turbulente ω0

iω0

i, grandeur qui caractérise directement la dissipation ε, comme cela a été abordé avec l’équation (1.23). Lors de la mise en place du contrôle, la baisse transitoire d’un des termes de production d’enstrophie — il s’agit de la production par le cisaillement du champ moyen, dont l’expression est donnée par ωxωyyu— traduit le changement de phase entre les TQLs (liés à ωx) et les streaks (liés à ωy) évoqué précédemment. Ce résultat est donc en accord avec le mécanisme de Laadhari et al. et de Baron & Quadrio.

L’étude des bilans permet également de préciser que ce mécanisme est indirect, puisque la vitesse transverse, sur laquelle agit la paroi oscillante, n’apparaît pas directement dans le terme de production d’enstrophie.

Une fois le régime de réduction de traînée établi, la dissipation et la production s’équilibrent nécessairement. Bien qu’il ait été démontré que l’oscillation transverse de paroi a un impact fort sur le cycle d’auto-régénération de la turbulence, il n’est alors pas possible d’établir sur lequel des termes de dissipation ou de production le contrôle a effectivement une influence. En s’intéressant à la phase transitoire qui suit la mise en marche du contrôle, Ricco et al. [224] ont néanmoins pu mettre en évidence que le contrôle engendre une hausse de la dissipation d’énergie cinétique turbulente ε. Ce résultat fort permet de comprendre que le contrôle rend l’écoulement plus dissipatif pour y réduire l’activité turbulente. La baisse de l’activité turbulente se traduit par une chute du cisaillement associé et donc du frottement pariétal. Un nouvel équilibre se met en place, de sorte que les profils turbulents adimensionnés par le frottement affaibli retrouvent globalement les niveaux canoniques.

2.3.3.2 Création de vorticité transverse négative

Choi et al. [43] constatent que l’oscillation de la paroi conduit à la génération de vorticité transverse négative, que ce soit lors des phases d’aller comme de retour du mouvement oscillant. Ils expliquent ce constat par le mécanisme suivant.

Lorsqu’une paroi bordant du fluide au repos est animée d’un mouvement dans la direction ww <0, la couche limite de Stokes qui se créer correspond à une nappe de vorticité longitudinale ωx posi-tive. Lorsque ce même mouvement de paroi est réalisé dans une couche limite, la nappe de vorticité est alors inclinée dans la direction des z négatif sous l’effet du cisaillement moyen, comme illustré sur la figure de gauche de 2.28. Ainsi, en plus de vorticité ωx >0, une composante de vorticité latérale ωz <0 est générée dans la région proche paroi.

Lorsque la paroi bouge dans la direction opposée, la couche de Stokes crée une nappe de vorticité longitudinale qui est cette fois-ci négative : ωx <0. Immergée dans une couche limite, cette vorticité est inclinée vers les z positifs, c’est-à-dire vers le bas sur la figure de droite de2.28, ce qui produit cette fois encore une composante de vorticité ωz <0.

Ainsi, de la vorticité transverse négative est générée dans la couche limite turbulente pendant les phases d’aller et de retour du mouvement oscillant de la paroi. La vorticité transverse négative induit en conséquence un ralentissement de la vitesse longitudinale u dans la région pariétale, comme l’illustre la figure2.29.

Un tel transfert de vorticité longitudinale vers de la vorticité transverse contribue également à diminuer l’intensité des TQLs. Karniadakis & Choi [141] avancent de plus que cette réduction de vitesse freine leur élongation, ce qui a pour effet de réduire l’intensité des évènements de balayage.

x y z start start

Figure 2.28 – Visualisation des structures de la turbulence proche-paroi en présence d’oscillation de paroi, lors des phases d’amplitude de vitesse ww négative (à gauche) et positive (à droite) maximale. Les flèches annotées “start” localisent l’extrémité amont de la zone de contrôle. Figures extraites de [141], réalisées à partir de clichés instantanés des expériences de Choi [42].

u(y)

ωz< 0 ∂yu réduit

u(y) sur-élevé

Figure 2.29 – Modèle conceptuel expliquant la réduction de frottement induite par l’oscillation transverse de la paroi. La création de vorticité transverse négative par le contrôle affecte le profil de vitesse moyenne u(y) ( ) de sorte à diminuer le gradient à la paroi par rapport au cas canonique ( ). Figure extraite de [42].

Modélisation et simulation des écoulements