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Parcours accidenté ou en dents de scie (PA) et ses facteurs sous-jacents

CHAPITRE 4: RÉSULTATS

4.2.3. Parcours accidenté ou en dents de scie (PA) et ses facteurs sous-jacents

Le parcours accidenté regroupe cinq participants (15,6%) qui n’ont rencontré aucun problème relié au processus d’accès aux soins, mais qui vivent des problèmes individuels qui perturbent leur suivi. Il s’agit de quatre participants (H, 47 ans, 47 ans; F, 39 ans, 42 ans) qui fréquentent les centres de services à Montréal et un seul (H, 50 ans) utilise ceux de Sherbrooke. Pour ce parcours, le premier facteur qui a contribué à son occurrence est l’exclusion du PFSI à la suite du rejet de la demande d’asile d’un participant (H, 50 ans) liée au processus de l’immigration au Canada.

Figure 9: Schéma du parcours accidenté

Le participant s’est retrouvé sans assurance et sans aucun autre moyen financier pour subvenir au coût des ARV, ce qui a compromis son traitement, comme il nous le rapporte ci-après :

Dépistage

Accès à une prise en charge initiale Conversion possible en PC (n=4)Soutien, travail Plan de soins personnalisé Message éducatif, motivation

personnelle Canada (n=4) Hors Canada (n=1) Barrières individuelles Perception Style de vie Choix personnel Croyances (religieuses) Suivi mais

Pas adhérent, déni, découragement, culpabilité, isolement

Problème de santé mentale (dépression)

Pour avoir les remèdes, initialement, comme j’étais en attente de la décision de la Commission des réfugiés, c’était le fédéral qui payait les médicaments, qui payait aussi les frais de visite à l’hôpital. Bon sauf qu’à un moment donné c’était tout gratuit, et puis, par la suite, ils nous ont envoyé un communiqué pour nous dire que désormais les gens vont payer. H, 50 ans, #101.

Le deuxième facteur associé à ce parcours de soins est le choc de l’annonce du diagnostic comme nous le témoigne le participant ci-dessous. Il est identifié chez les participants (H, 47 ans; F, 42 ans) qui vivent des périodes de crises dépressives liées à leur statut de séropositivité, lesquelles sont alimentées par d’autres problèmes personnels. Ils vivent de l’isolement, du déni, de la culpabilité, du découragement et un manque d’affection. L’adhérence aux soins et au traitement est souvent compromise. Leur prise en charge par l’équipe multidisciplinaire comporte souvent un soutien psychologique. Le soutien de la famille, combiné aux interventions de l’équipe soignante, aide partiellement la PVVIH à sortir de la crise et à retrouver un parcours de soins conventionnel, surtout lorsqu’elle expérimente une amélioration dans sa situation de santé et sociale:

Ben, quand j’ai commencé le traitement, je dois vous avouer que psychologiquement, j’étais pas prêt à affronter cet état de fait parce que pour moi, dans ma tête, la vie s’arrêtait là. [ ] En fait, il y avait un laisser-aller. [ ] J’ai dû faire une thérapie pour désintoxication contre l’alcool. Et lorsque j’ai arrêté la consommation d’alcool, de par mes examens que j’ai faits… assez régulièrement avec le docteur (…), il y a une amélioration. H, 47 ans, #205.

La capacité de surmonter le choc diffère d’une personne à une autre. Pour certaines PVVIH, le choc n’est pas résorbé, il persiste tout au long de son parcours de soins. Elles demeurent en déni et éprouvent de la difficulté à accepter la séropositivité. Elles se sentent inutiles et vivent pour les autres, la famille et les enfants, qui représentent leur seule raison de vivre comme le témoigne une participante ci-dessous :

Je me sens inutile là. Malheureusement. Je me dis vraiment si ça ne dépendait que de moi-même là, si j’étais seule au monde, je préfère mourir. Si je vis encore, c’est à cause de mes enfants que je vis. Si c’est moi-même vraiment en tout cas… On dirait que je suis abandonnée à moi-même. Donc, j’ai pas droit à l’intimité avec quelqu’un ou quoi que ce soit. Donc… C’est pas facile! F, 42 ans, #209.

Le troisième facteur est relié à la religion et à la volonté de la PVVIH. Il a été cerné chez les participants (H, 47 ans; F, 39 ans) qui, pour des raisons religieuses, de convenance personnelle et volontaire, abandonnent les soins pendant qu’ils sont disponibles et

accessibles. Ils ont été dépistés depuis dans les années 1994 pour la femme et 1995 pour l’homme. Ils ont vécu l’introduction et l’évolution des ARV, mais ne s’y sont pas intéressés parce qu’ils se méfiaient des ARV. L’aggravation de l’état général, les épisodes de maladie de plus en plus fréquents, la naissance d’un enfant ou la perte d’un être cher étaient pour eux des occasions de réflexion et de prise de conscience sur la nécessité de soins et de traitement comme le rapporte cette participante :

Donc, évidemment, je pense que le fait que d’avoir perdu ma mère et puis de, d’avoir un enfant, ça je pense ça a été deux choses, surtout l’avenir de l’enfant, ça a été le motif principal pour lequel je me suis dit bon, ma santé se dégrade, il faut que je commence à penser à prendre le traitement. F, 39 ans, #210.

Le message de la foi audacieuse a fait délaisser le traitement ARV disponible à d’autres PVVIH pour ne se donner qu’à la prière dans l’espérance d’une guérison miracle venant de Dieu, comme c’est le cas pour un des participants (H, 47 ans) dont le parcours est parsemé d’épisodes de maladies. Il est arrivé au Canada dans un état critique avec un décompte de CD4 à 3. C’est ici, au Canada, qu’il a pu entendre un autre message l’invitant à continuer le traitement jusqu’à ce qu’il y ait des preuves de laboratoires qui témoignent de la guérison complète :

Bon, comme je viens de le dire c’était la foi that’s it, croire que Dieu va me guérir, pas besoin de médicament. [ ] Mais un homme de Dieu qui enseignait m’avait pas mentionné mais il avait dit pour ceux qui prennent les médicaments si l’analyse médicale n’a pas encore accusé la guérison il faut pas tenter Dieu ou abandonner, si Dieu veut que tu abandonnes l’analyse médicale dira rien. H, 47 ans, #225.

Par rapport au lieu du centre de services, le parcours accidenté compte un participant qui fréquente le centre de services à Sherbrooke et quatre à Montréal. Au moment des entrevues, trois semblaient avoir normalisé leurs parcours de soins en parcours conventionnel, tandis que deux autres (H, 47 ans et F, 42 ans) affichaient encore des périodes d’interruption de traitement à la suite de la survenue d’effets secondaires et de découragement.