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Paragraphes, pratiques de rédaction (PRR)

Partie I : Les coordonnées de la recherche

Chapitre 5. L’argumentation et l’efficacité argumentative dans des manuels pour

5.1. Les manuels : des objets complexes aux multiples dimensions

5.2.5. Paragraphes, pratiques de rédaction (PRR)

Paragraphes, pratiques de rédaction est publié aux éditions CEC destiné aux niveaux

intermédiaires et avancés en français langue seconde (FLS). Les auteures, M. Popica et I. Ste-Marie, toutes deux professeures de FLS au niveau collégial, affirment que l’objectif de ce matériel est d’amener les apprenants en FLS à perfectionner leur expression écrite. Les dix chapitres qui composent le cahier combinent le traitement d’aspects de langue, de compréhension et de production écrite, distribuées sur deux grandes parties, Notions

d’écriture et Rédaction composées de dix chapitres dont l’ordre est donné à titre indicatif.

Autrement dit, un usage non linéaire est possible selon les besoins de l’enseignement et le contexte d’utilisation, que ce soit en milieu institutionnel ou dans la cadre d’une utilisation individuelle.

Trois chapitres forment la première partie : Vocabulaire (chap. 1), Améliorer ses phrases (chap. 2) et Comprendre un texte (chap. 3). Ces trois chapitres proposent des activités relatives à la langue et à la lecture efficace. Les sept chapitres suivants concernent la production écrite de divers textes : le résumé (chap. 4); les textes informatifs (chap. 5),

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expressifs (chap. 6), narratifs (chap. 7), argumentatifs (chap. 8); le compte-rendu critique (chap. 9) et de la dissertation explicative (chap. 10). En plus du 8e et du 9e chapitres dont les

titres ne laissent aucun doute sur leurs contenus, le dixième aurait été susceptible d’offrir des activités de nature argumentative, mais ce n’est pas le cas. Ce sont donc les deux avant- derniers auxquels nous consacrons notre analyse; en voici la description.

Le chapitre consacré au « texte argumentatif » commence par des considérations d’ordre général et conceptuel, dont la définition du but du texte argumentatif et les caractéristiques de ce dernier sur le plan pragmatique, linguistique et structurel. Y sont exposées également les différentes étapes du processus de « rédaction », de la planification à la révision, en passant par la rédaction. Ces informations sont complétées par un exemple de textes où sont identifiés les différents éléments exposés. Les exercices varient entre repérages, reformulations de contenus de textes ou mise en pratique des différentes étapes du processus de rédaction. La production finale est accompagnée d’une grille d’autoévaluation.

Le chapitre 9 suit la même démarche, on spécifie le but et les caractéristiques du compte- rendu critique. Sur le plan linguistique, on évoque par exemple la fréquence du lexique expressif, l’emploi de l’indicatif présent et celui de certains signes de ponctuation comme les guillemets. On répertorie également les spécificités du compte-rendu critique sur le plan du contenu et de la structure. Les activités proposées ensuite touchent à des aspects de langue et à la planification de compte-rendu. Le chapitre se termine par une production avec une liste de vérifications qui permet au scripteur d’évaluer son texte.

Même si l’organisation du manuel laisse penser à une répartition qui met de l’avant les aspects linguistiques dans la première partie et les questions de rédaction dans la deuxième, l’examen des chapitres 8 et 9 montre que les éléments de langue traités dans la première partie reviennent dans tous les autres chapitres. Le manuel offre donc un enseignement qui vise à améliorer les connaissances procédurales pour la rédaction, mais aussi les connaissances déclaratives de nature linguistique.

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L’analyse de ces deux chapitres révèle une conception de l’argumentation qui relie tout texte à sa finalité. Le texte dit argumentatif se définit d’abord par l’intention de convaincre et d’influencer « les idées, les valeurs, les opinions et les actions du lecteur » (p. 119). On retrouve le même type de définition dans celle du compte-rendu critique où il est question cette fois de convaincre le lecteur de l’intérêt d’une œuvre et d’influencer ses choix culturels (livres, films, pièce théâtrale, etc.). On peut donc dire à partir des définitions proposées dans les parties théoriques que les textes argumentatifs, quel qu’en soit le genre, s’inscrivent dans une logique d’influence. Concrètement, l’importance de tenir compte du lecteur est soulignée plus d’une fois dans les deux chapitres; on rappelle ainsi l’importance d’envisager le lecteur en tant qu’être doté d’intelligence et de sensibilité en invitant le scripteur à s’adresser à ces deux instances. Cette perspective qui met le destinataire au centre de la communication verbale est maintenue même quand il s’agit de choix grammaticaux, énonciatifs et stylistiques. À titre d’exemple, on souligne dans les deux chapitres l’aspect pragmatique du titre; dans le chapitre 8, on invite l’apprenant à choisir les signes de ponctuation en fonction de leurs effets sur le lecteur; au neuvième chapitre, on met l’accent sur le rôle des figures du style ou tropes dans l’éveil et le maintien de l’attention du lecteur.

Dans une moindre mesure, les auteures rappellent dans les sections informationnelles du chapitre consacré aux textes argumentatifs le caractère polyphonique de ces types de textes. Les scripteurs sont encouragés à laisser dans leurs productions une place pour d’autres voix, que ce soit sous forme de citations qui étayent la thèse ou sous forme de réfutations des arguments opposés. L’activité 7 du huitième chapitre consiste d’ailleurs à repérer et évaluer les arguments. Une activité de même nature est proposée dans le cadre de la planification d’une rédaction dans la mesure où on donne comme consigne d’évaluer les arguments et de sélectionner ceux qui seraient « forts ».

Au terme de l’analyse des aspects pragmatiques, on peut dire que ceux-ci sont davantage présents dans les volets « théoriques » et moins dans les activités. Les auteures font des recommandations, donnent des conseils, mais sans vraiment proposer un enseignement systématique qui permet aux élèves de s’approprier les contenus et les caractéristiques exposés. Les intentions et les vœux déclarés au début des deux chapitres ne se traduisent pas

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par des activités structurées. Par exemple, on évoque la nécessité de choisir des arguments « solides », « crédibles », mais on ne précise pas selon quel critère les évaluer ? Comment savoir si un argument est crédible? Le contexte de communication est tout simplement mis de côté ou du moins réduit à un simple « lecteur » sans autres indications. S’agit-il du destinataire universel du Perelman? Cette hypothèse ne semble pas se confirmer si on considère les contenus notionnels qui ne relèvent en rien de la Nouvelle rhétorique. Les auteures en associant l’argumentation au raisonnement démonstratif, en proposant également une typologie des arguments en arguments « rationnels », dits « objectifs » et « vérifiables », et en arguments « émotifs », s’éloignent effectivement du courant initié par Perelman et prolongé par ses successeurs. C’est au contraire le plan du texte qui reçoit la part du lion vu la part consacrée à la structure du texte que ce soit dans les volets théoriques ou dans les activités, voire dans les grilles d’autoévaluation par lesquelles se terminent les deux chapitres.

Même si le manuel représente une avancée qualitative dans l’offre éditoriale en FLS, il peine à concevoir des modules d’enseignements susceptibles de permettre un réel développement des compétences argumentatives des apprenants. On peut supposer que cette faiblesse provient du fait que les auteurs tentent de proposer des contenus qui concordent avec les programmes et les pratiques d’enseignement de l’argumentation au collégial. Un autre aspect décevant est celui des démarches suivies le long du manuel : on expose des données théoriques, on les illustre par un texte pour finalement proposer quelques activités. L’apprenant est censé transférer de façon intuitive les connaissances déclaratives en compétences rédactionnelles.