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Divers modèles et approches de l’écriture

Partie I : Les coordonnées de la recherche

Chapitre 3. La didactique de l’écriture et les conceptualisations du genre

3.2. Divers modèles et approches de l’écriture

Selon Dabène (1995), un modèle a pour fonction de construire de nouvelles hypothèses et des savoirs nouveaux sur les processus mis en jeu par les sujets. Les modèles les plus répandus de l’activité scripturale contribueraient aussi à expliquer les échecs et les difficultés en matière d’écriture. Les contraintes pour chaque modèle appartiennent à deux catégories différentes, notamment celles de normes scolaires et celles des représentations sociales. Mais même si un modèle échoue à atteindre ses fins, il garde une fonction positive, celle de contribuer à enrichir les connaissances relatives à la production de textes. Cette fonction positive des modèles et des approches; quelles que soient leurs issues, semble s’expliquer et se justifier par la diversité des théories de référence et des entrées choisies pour la formalisation de l’écriture. Chaque théorie et chaque approche contribuent à apporter un éclairage nouveau, indépendamment de son degré de validité.

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3.2.1. Les approches psycholinguistiques et psychocognitives

L’approche psycholinguistique du langage tente d’explorer le fonctionnement des opérations psychologiques mobilisées dans l’activité langagière. L’ancrage de la langue dans le contexte énonciatif est l’une des pistes les plus explorées par les psycholinguistes. Cette approche a une conception du langage comme étant une activité psychologique spécifique. La description linguistique est utilisée pour explorer les stratégies d’utilisation de la langue écrite par les sujets. Le but de la description linguistique est de formaliser les opérations mises en œuvre. Elle étudie l’articulation entre le langage et l’extralangagier, entre le contenu textuel et les repérages spatiotemporels. Cette approche, fondée autant sur l’étude des textes que sur celle des sujets, a l’avantage d’explorer des pistes intéressantes dans le domaine de l’écrit.

L’entrée du modèle psychocognitif est le scripteur. Barré-De Miniac distingue deux tendances principales à l’intérieur de ce courant : la première étudie le processus d’écriture à travers l’étude de protocoles (Barré-De Miniac, 1995). Le modèle psychocognitif a pour finalité de comprendre le processus rédactionnel par intermédiaire des verbalisations des auteurs et des observations des scripteurs par les chercheurs. Les recherches initiales dans ce domaine ramènent l’écriture à plusieurs opérations : la planification, la textualisation et la révision. L’utilité du modèle réside dans sa capacité à identifier les opérations déficientes chez le scripteur et à les automatiser (Fayol, 1992).

Les côtés positifs du courant ne sont pas négligeables, mais certaines critiques sont à considérer. Pour de nombreux chercheurs, ce modèle a l’inconvénient de partir d’une conception classique de la pensée et du langage et de décrire le processus de production de façon linéaire. C’est dans le processus de linéarisation des données conceptuelles et linguistiques que réside la principale faiblesse : le scripteur doit assurer le passage d’une organisation cognitivosémantique à une organisation langagière essentiellement linéaire. Les adeptes du constructivisme, quant à eux, reprochent au courant cognitiviste ses thèses fixistes et sa conception d’un système stable.

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3.2.2. Les approches anthropologique et historique

Il s’agit ici d’une approche qui s’intéresse aux circonstances dans lesquelles sont apparus les différents systèmes d’écriture. Selon les représentants de ce courant, toute une série de changements historiques ont mené à l’adoption des systèmes élaborés de correspondance entre la graphie et la langue. Comme tout changement de moyen de communication est lié à des changements dans les modes d’interaction humaine. Ce courant de recherche s’est développé en dehors du contexte scolaire et de préoccupations didactiques. Son rôle est mis en relief dans la construction d’une conception nouvelle de l’écriture : elle ne se réduit plus à une simple question technique. Ce courant, dont l’illustre représentant est l’anthropologue britannique, Goody, considère l’acte scriptural comme un acte d’analyse, de fixation, de distanciation et de critique de la parole. Sur le plan institutionnel et social, l’écriture a donné lieu à la spécialisation des institutions et à l’imposition de celle-ci. Autrement dit, elle modifie le rapport à la culture et à la société. Les sociétés humaines passant à une économie agricole, basée sur le commerce des céréales en pleine expansion, il fallut trouver un moyen de marquer, indiquer les quantités en cas d’inventaire, les expéditions, le paiement des salaires, le calcul des profits, etc. L’augmentation des échanges imposait de transporter des quantités sans cesse grandissantes de jetons d’argile qui rendaient la tâche difficile. Cette dynamique aboutit à l’écriture cunéiforme puis à d’autres formes d’écriture plus élaborées. L’écrit semble avoir donné des possibilités cognitives nouvelles à la pensée rationnelle et abstraite (Goody, 1976).

3.2.3. L’approche génétique

L’approche génétique consiste à analyser les processus d’écriture à travers les manuscrits et aide à comprendre les mécanismes de la production : comment élucider la démarche de l’écrivain/écrivant et comment cerner les procédures qui ont permis l’émergence du texte ou de l’œuvre? Il s’agit de déplacer l’interrogation de l’écrit vers l’écriture, de la structure vers les processus. La méthode génétique offre ainsi une nouvelle approche pour étudier les opérations d’écriture propres à tout scripteur. Reuter (1996) souligne que la génétique

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textuelle consiste à étudier les transformations et à émettre des hypothèses sur le mode d’écriture, et à appréhender le mode de transformations dominant selon l’âge, selon le degré de maitrise. Les types de transformations mises en lumière par cette approche sont les suivants : le remplacement, l’ajout, la suppression et le déplacement. La perspective de cette approche est constructiviste piagétienne; son apport contribue à la formation des enseignants.

3.2.4. L’apport de Vygotski

Dans le domaine de l’écriture, la pensée de Vygotsky a été d’un apport considérable. Elle a contribué à la reformulation des questions d’apprentissage de l’écriture. Apprendre à écrire correspond à une transformation du fonctionnement langagier; apprendre à écrire, c’est entrer dans l’ordre scriptural. Cela voudrait dire que l’écrit change la conception que l’enfant a du langage. D’un autre coté, l’enseignement de l’écrit est conçu comme devançant ou devant devancer le développement chez l’enfant. Cette vision est liée à la notion vygotskienne de « zone proximale de développement », la distance entre le développement actuel et le niveau de développement potentiel (Vygotski, 1997).

Pour Reuter (2001), la formalisation didactique doit être euristique, c’est-à-dire qu’elle doit avoir pour fonction de comprendre et d’expliquer. Mais en même temps, elle doit avoir les attributs suivants :

— construire et hiérarchiser les composantes de l’écriture pensées dans ce cadre;

— permettre d’appréhender les apports possibles, mais aussi les limites des disciplines contributoires dans cette perspective;

— permettre de mieux comprendre les problèmes des apprenants;

— permettre de mieux percevoir les limites des conceptions traditionnelles; — avoir une visée praxéologique, mais sans être prescriptif;

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