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P ARADOXES ET SINGULARITES

Dans le document TOME II TABLE DES MATIERES (Page 77-80)

Chapitre II - LES ESPACES URBAINS ( 1 )

5.9 « P ROTECTIONNISME » DES A THOIS INTERVIEWES

6. PROFILS DE SATISFACTION

6.4 P ARADOXES ET SINGULARITES

La lecture des profils de satisfaction révèlent en outre certaines combinaisons d’informations que l’on pourrait qualifier de paradoxales et, par conséquent, riches d’enseignement.

Vie associative et culturelle

Les structures d’accueil et de support de la vie associative et culturelle sont à Bomel assez nombreuses et variées. Pourtant, les personnes que nous avons interrogée s et qui, pour la plupart, prennent ou ont pris une part active dans ces associations, ne montrent guère d’enthousiasme en tout cas pour le comité de quartier. Nous avons déjà parlé de l’aspect essentiellement revendicateur de ce comité, contexte oblige, qui doit en rebuter plus d’un. En effet, seuls des résultats concrets permettent de motiver les participants. Or on connaît l’ingratitude vouée à ces associations qui passent plus de temps à essayer de convaincre dans l’espoir d’un geste ou d’une action, souvent ténue. Il faut donc être convaincu et engagé, et aimer ça, pour éprouver de la satisfaction dans ce type de comité.

La situation est bien sûr différente à Ath où les revendications majeures ont été anticipées par les autorités communales. La nature des associations est d’ailleurs révélatrice puisqu’elle est essentiellement culturelle et folklorique. La satisfaction est jugée maximale.

Accessibilité et proximité

Les quartiers péri-centraux des villes moyennes bénéficient souvent d’une localisation intéressante en terme d’accessibilité et de proximité des éléments urbains : services, commerces, loisirs, transports, etc. Constat théorique si on en juge les cotes attribuées à ces deux critères pour le quartier de Bomel.

Sur le papier, ou simplement sur un plan, ce dernier jouit d’une situation que l’on pourrait presque qualifier de privilégiée, à deux pas de la gare et du centre, disposant d’un accès routier efficace. Certes la proximité de ces éléments est indéniable et reconnue (satisfaction maximale pour la proximité) mais encore faut-il pouvoir atteindre ces éléments avec un niveau minimum de confort et de sécurité. Ici c’est évidemment l’accessibilité qui pose problème. Que ce soit à pieds ou en voiture, les liaisons entre le quartier et le centre sont mal assurées. Le problème est que Bomel se situe « au-delà » d’une frontière forte qui le sépare de la ville et lui empêche de rester en relation avec son « noyau ». Les passages devraient être clairs, fluides et sécurisants ; ils sont masqués, difficiles d’accès et dangereux.

64 C’est-à-dire sans engendrer des coûts que ne pourraient supporter les gestionnaires et en considérant les potentialités réelles du site ou des infrastructures.

Bien entendu, à Ath, la situation est différente puisque l’accès et la proximité sont définies pour une bonne part à l’intérieur même de l’espace urbain étudié, c’est à dire tout l’intra-muros. Les cotes de satisfaction et de qualité sont de fait maximales. D’autant plus que la localisation régionale de la ville de Ath lui confère des potentialités indéniables vis à vis de l’accès à la frontière française en général et Lille en particulier, à Bruxelles, au réseau ferroviaire et autoroutier.

L’important ici est donc de bien saisir la combinaison qu’il faut élaborer entre la proximité et l’accessibilité. L’une ne pouvant aller sans l’autre.

Echelle spatiale et transports publics urbains

L’étonnante uniformité du profil de satisfaction relevé à Ath laisse toutefois transparaître quelques distorsions. Nous en avons déjà détaillé une importante concernant les espaces publics privatifs et publics. Une autre vient de l’écart constaté entre les infrastructures relativement réduites pour le transport public et la satisfaction que les personnes que nous avons interrogées pouvaient en retirer.

L’explication est simple : la ceinture de l’intra-muros délimite une zone qui correspond parfaitement à ce qu’un piéton « moyen » accepte de parcourir à pieds. Cette partie de la ville se traverse en une bonne dizaine de minutes, ce qui est très peu. De plus, la qualité des cheminements joue en faveur des déplacements pédestres : cadre, sécurité, mise en valeur du patrimoine.

En conséquence, les infrastructures réduites suffisent à générer une satisfaction élevée. En fait, il s’agit « simplement » d’une adéquation correcte et raisonnée des infrastructures et de la gestion des transports publics avec les besoins et pratiques des habitants 65.

Mixité raisonnée

Les cotes relatives aux critères de mixité sont assez révélateurs et confirment les tendances que nous avions déjà relevées dans d’autres études de cas. A savoir que, à propos de la mixité fonctionnelle, les habitants ne sont pas demandeurs d’une offre surabondante que l’on pourrait caricaturer par : « de tout partout ».

A Ath, l’offre est de bonne qualité, diversifiée, accessible facilement, mais cela reste l’offre d’une ville de petite taille. La satisfaction maximale qu’on y rencontre trouve son origine dans la bonne adéquation offre/demande et dans l’assimilation faite par les habitants de pratiques de plus longs déplacements pour accéder à l’offre non disponible sur place. Ces déplacements sont considérés comme « normaux » bien qu’occasionnels. Bien sûr, l’étendue et les caractéristiques de la zone étudiée sont en faveur d’une forte mixité fonctionnelle à une échelle plus vaste, c’est à dire une bonne répartition sur le territoire des fonctions de commerce, de bureaux et de services.

Bomel offre nettement moins de choix, mais son statut, son échelle et sa localisation sont différentes. L’offre est en fait localisée en centre ville dont nous avons déjà relevé les difficultés d’accessibilité. Le quartier en lui-même ne recèle que des commerces de proximité et quelques services ; ce qui constitue une offre trop faible pour assurer une satisfaction

« honorable ». Mais, une fois encore, la facilité d’accès à quelques grandes surfaces assez proches en voiture améliore quelque peu l’appréciation. La répartition fonctionnelle de Bomel diffère également de celle de Ath par la dominance de son secteur résidentiel que viennent ponctuer les écoles, parfois importantes, du quartier ; les bureaux sont rares à l’intérieur même de celui-ci.

65 On se rappellera que le système de navettes intra-muros a été supprimé car peu utilisé.

On le voit, les questions de mixité fonctionnelle ne peuvent être prises isolément des caractéristiques intrinsèques du quartier : échelle, étendue, proximité, accessibilité. Ceci nous donne une première piste pour approcher la notion de « mixité raisonnée ». Une seconde voie vient de la mixité sociale.

Aussi bien à Bomel qu’à Ath, celle-ci génère proportionnellement moins de satisfaction que sa pendante fonctionnelle.

Nos deux cas présentent à cet égard des configurations fondamentalement différentes.

Bomel est devenu un quartier assez populaire, une forte population immigrée d’origine variée s’y est installée, souvent à court terme. Le « taux de roulement » comme on dit est élevé ; c’est d’ailleurs un des principaux griefs présenté par les habitants plus ancien du quartier à propos de l’évolution de celui-ci. On a donc à Bomel un taux de mixité sociale important, à prendre dans le sens d’une addition de populations d’origine et de statuts fondamentalement différents et qui ne semble pas rentrer dans un processus d’assimilation. Cette forte mixité ne génère que peu de satisfaction et on en a déjà présenté les raisons qui se synthétisent par l’absence de lien social entre ces habitants qui semblent fonctionner dans des structures complètement cloisonnées les unes par rapport aux autres.

Ath n’est pas un quartier mais une petite ville, même dans sa partie intra-muros. Nous relevons un taux de mixité sociale pourtant moins fort qu’à Bomel ; mais, on l’a vu, les statuts et configurations de ces deux cas sont très différents. Mixité moyenne et satisfaction moyenne pour Ath. En fait, ces cotes sont à nuancer : la satisfaction relevée pour l’instant est plutôt bonne mais elle semble relativement instable. Les habitants interrogés ont peur que l’équilibre qu’ils considèrent avoir atteint en terme de répartition de types de population est fragile et doit être préservé. D’après eux, une cause importante de ce déséquilibre potentiel vient du logement social qui se développerait trop dans la zone intra-muros, attirant de la sorte toute une population extérieure qui ne semble pas convenir à l’épanouissement de certaines personnes interrogées. La stigmatisation du logement social est toujours vive alors que les configurations qu’il prend, en tout cas à Ath, vont dans le sens d’une grande intégration au tissu urbain existant (petites unités de logements dispersées dans la ville).

Malgré l’absence de « concentration », le locataire social n’est pas considéré comme un habitant « normal » ; en fait, il semble qu’il soit toléré à condition qu’il ne soit pas trop ouvertement perçu.

Finalement, on peut se demander où réside le paradoxe dans ces questions relatives à la mixité ? En fait, le paradoxe tient dans les discours des personnes interviewées qui, tout en se réclamant d’une grande tolérance et ouverture d’esprit, ne peuvent véritablement s’abandonner à la satisfaction optimale que s’ils font partie du groupe social dominant et sur-représenté et qu’ils ne se sentent pas « menacés » par un autre groupe émergeant ou nouvellement installé. Ces comportements ne sont pas nouveaux mais ils tendent à abaisser le niveau global de satisfaction de façon claire. Pour peu qu’un ménage considère ce critère comme déterminant, cela peut amener à un changement résidentiel ; à condition que le ménage en question soit en mesure de maîtriser ce processus 66.

La mixité raisonnée trouverait donc son épanouissement dans une adroite combinaison de mixité fonctionnelle et sociale telle que qu’elle ne fasse pas chuter la courbe des profils de satisfaction des habitants. Evidemment, assurer cette condition pour tous est impossible. Il faudrait donc étudier une série de cas type et tracer les profils de satisfaction correspondants afin de trouver le meilleur équilibre possible entre le « taux de mixité » susceptible de répondre aux besoins objectifs et la capacité des habitants à assimiler ce taux.

66 Un changement de résidence, et en l’occurrence d’habitat, est une opération lourde, complexe et onéreuse qu’il faut pouvoir assumer.

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