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B ESOINS JUGES PRIORITAIRES

Dans le document TOME II TABLE DES MATIERES (Page 81-84)

Chapitre II - LES ESPACES URBAINS ( 1 )

5.9 « P ROTECTIONNISME » DES A THOIS INTERVIEWES

7. REAPPROPRIATION DES ESPACES URBAINS

7.1 B ESOINS JUGES PRIORITAIRES

Ce premier scénario est celui des sensations les plus fortes, des rancœurs les plus vives, de la satisfaction la plus réjouissante ou de l’insatisfaction la plus désespérante ; c’est aussi un scénario pour lequel les processus d’appropriation pourront être soit très aboutis, soit pas même entamés. En effet, lorsqu’un besoin ressenti comme important voire vital peut s’assouvir dans de bonnes conditions, il génère un sentiment de satisfaction compréhensible mais dont l’ampleur peut ne pas être maximale. Certains considérant qu’il est normal qu’un type de besoin particulier soit satisfait.

Par contre, ce qu’aucun habitant ne peut admettre, c’est qu’une demande clairement formulée et correspondant à un besoin considéré comme « vital » ne soit pas rencontrée. On se retrouve ici dans un schéma classique de type revendicatif : on cherche à obtenir une réponse à une série d’exigences et l’absence de réaction rend la situation difficilement acceptable par l’habitant qui peut alors envisager un changement résidentiel. Mais les choses ne sont pas si méthodiques et deux facteurs majeurs vont venir freiner ces envies de changement : tout d’abord le manque de moyens (on n’a plus le courage, on n’a pas l’argent), ensuite le fait que d’autres critères, plus satisfaisants ceux-la, contrebalancent les défauts du « profil ». A cela s’ajoute l’attachement, jamais à négliger et difficilement quantifiable, des habitants pour leur logement, leur quartier, leurs habitudes, leurs pratiques, bref, leur habitat, malgré les défauts et imperfections de celui-ci.

Quid de l’appropriation ? Nous avons relevé que les processus d’appropriation les plus

« extrêmes » sur une échelle de valeur se retrouvaient dans ce premier scénario. Examinons quelques exemples.

Accessibilité/proximité

On a vu la place très forte que ces deux critères indissociables occupaient dans les profils de satisfaction, aussi bien à Bomel qu’à Ath. Les besoins de proximité mais surtout d’accès sont très clairement exprimés et la bonne qualité de ceux-ci est directement « payante » en terme de satisfaction. Par contre, là où ces critères n’atteignent pas un niveau qualitatif suffisant, l’insatisfaction – voire le mécontentement revendicatif – est générale et ne souffre d’aucune justification. C’est le cas de l’accessibilité, ou plutôt de la non-accessibilité, du centre ville de Namur depuis Bomel-Herbatte dont nous avons déjà longuement parlé.

On se trouve ici dans un système relationnel dont le noyau est le logement tandis que les éléments reliés sont les commerces, écoles, services culturels et sportifs et les lieux de travail. La satisfaction s’élabore suivant un ajustement plus ou moins harmonieux des modes d’accès à ces différents lieux. Mais insistons à nouveau sur le fait que la localisation d’un logement n’est que rarement un processus rigoureux dont on maîtrise tous les paramètres.

De plus, on sait que les critères de choix tels que la composition du ménage, les lieux de travail, les réseaux sociaux sont très changeant et on voit apparaître des stratégies 67 qui ne privilégient non pas la proximité avec ces lieux mais avec des modes et des infrastructures de déplacement qui rendent ces lieux accessibles (nœuds autoroutiers essentiellement). On se retrouve donc dans une situation où plutôt que de se rapprocher physiquement des endroits que l’on fréquente, on cherche à optimiser leur accès. Rien d’étonnant à ce que la ville dense ne soit plus un lieu convoité par les personnes disposant de moyens de déplacement individuels tels que la voiture, relativement satisfaisant pour leur usager.

Des études de cas, il ressort donc clairement que la combinaison de :

67 C’est une tendance qui semble se dégager des interviews informelles et des lectures que nous avons menés mais elle n’apparaissait pas clairement dans les études de cas.

• une série de services et commerces dit de proximité ;

• l’accès à un réseau de déplacement efficace

rencontre un réel besoin et est producteur de taux élevés de satisfaction à condition que :

• la « zone de proximité » disposent de cheminements de bonne qualité (sécurité routière et physique, maintenance et entretien, qualité « paysagère ») ;

• les réseaux de déplacement privés ou publics soient efficaces 68.

Sécurité physique et routière

En général assez insatisfaisant, ce critère joue un rôle considérable dans la modulation générale du profil dès qu’il s’applique à une situation de mauvaise qualité. Bomel illustre magistralement cet état de fait surtout par l’insécurité routière qui y règne. On retrouve ici à nouveau le rôle très large joué par l’accessibilité et les cheminements. A Bomel, ces derniers ne sont pas sûrs : la circulation automobile est trop présente et empiète sur le domaine réservé aux piétons, les zones « protégées » ne sont pas claires et certains passages ont mauvaise réputation quant à leur dangerosité (sensation d’insécurité).

Quasiment tous les discours d’habitants de Bomel font état de ce soucis de pouvoir se déplacer dans l’espace public en sécurité ; c’est une préoccupation majeure. Et tant que l’évolution de la situation ne sera pas favorable, on sent bien que le mécontentement restera vif. Par contre, à Ath où la situation semble bien meilleure, rares sont les personnes qui font état du bon niveau « sécuritaire » de leur ville, sauf si on leur demande explicitement. Cela explique les niveaux de satisfaction assez moyens pour Ath. Disons qu’on ne rencontre pas d’ « enthousiasme » exprimé vis-à-vis de ce critère.

Ce que l’on peut extraire de ces deux cas, outre la portée du critère « sécuritaire » en soi, c’est l’importance pour l’habitant de saisir une dynamique positive dans le traitement de ces questions ou de ses besoins. Ce qui bouleverse parfois l’habitant, c’est le sentiment que les autorités ne tiennent aucun compte des souhaits qu’il considère lui comme fondamentaux.

En outre, on sait pertinemment qu’il est impossible de régler tous les problèmes liés à la sécurité une bonne fois pour toute ; il faut donc jouer sur cette dynamique du traitement de ces problèmes et montrer qu’on agit en améliorant la qualité de l’espace public et de sa pratique par tous. C’est à dire que l’on rend les espaces « appropriables » par plus d’usagers : les piétons et les automobilistes, les jeunes et les vieux, les isolés et les familles, etc.

68 Il serait intéressant de replacer ces critères dans le cadre plus large de la « mobilité durable ». Maintenant que nous y voyons plus clair dans les besoins et les critères de satisfaction, les travaux de la prochaine subvention devraient nous permettre de faire ce lien.

Nuisances

Rappelons que sous cette appellation sont regroupées toutes les nuisances urbaines classiques telles que le bruit (circulation, personnes et animaux) et les déchets (dépôts sauvages, voiries et espaces publics mal ou non entretenus).

Avec les problèmes de sécurité, ce type de nuisance est en bonne place dans la liste des principaux inconvénients de la ville généralement cités. Nos études de cas ne nous offriront pas d’exceptions à ce qui est en train de devenir la règle. Bomel témoigne d’un taux de nuisance abondant annulant dans la foulée toute trace de la moindre satisfaction à cet égard. Quant à Ath, c’est l’absence de nuisance qui se voit immédiatement récompensée d’un très bon taux de satisfaction. La relation est claire et les revendications le sont tout autant.

On peut se demander dans quelle mesure il ne s’agit pas ici d’un des exemples les plus flagrants d’ « appropriation exclusive » de l’espace. En effet, ces nuisances s’exercent dans l’espace public et sont produites par des gens qui, en agissant de la sorte, brisent le confort d’usage dont devraient pouvoir bénéficier d’autres « consommateurs » du même espace.

Dans certains cas, la nuisance pénétrera dans ce cocon qu’est le logement et que l’habitant croyait imperméable et dont il pensait maîtriser les frontières ; mais les bruits de la rue passent par les fenêtres, et les vues sur les zones non entretenues ne peuvent pas toujours être occultées.

C’est devenu un lieu commun de dire que le bruit et les déchets sont, avec la sécurité, les désagréments générateurs de la fuite de certaines populations urbaines. Il s’agit pourtant là de problèmes relativement bien identifiables et dont le traitement souffre d’un « simple » manque de moyens et, dans le cas des déchets, d’un manque de savoir-faire logistique.

Ath, qui est une petite ville rappelons-le, a su faire face à ces problèmes de façon assez efficace en améliorant la qualité des espaces publics d’une part (ce qui peut avoir un effet d’entraînement quant au respect de ces espaces) et en mettant en place une procédure de maintenance énergique d’autre part.

Deux conditions semblent se dégager ici quant aux respect des espaces publics (et par extension des espaces privés) et surtout des personnes qui les utilisent :

• une dynamique perceptible d’amélioration de la qualité de ces espaces ;

• un système de gestion, de surveillance et de maintenance de ces espaces ;

• une vision à long terme incluant les coûts et les développement futurs.

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