• Aucun résultat trouvé

Chapitre 3 La négociation collective chez les pompiers de Montréal

3.3. Rondes de négociation sous le Code du travail

3.3.5. La période suivant les modifications de 1996 au Code du travail

travail en 1996. Ces modifications redonnèrent un caractère volontaire à la médiation et

rendirent impératifs trois critères que l’arbitre devait prendre en compte dans le prononcé de sa sentence, soit l’équité interne, l’équité externe et la situation et les perspectives salariales et économiques du Québec394. Ces trois rondes furent exemptes d’épisodes de

grève, alors que les négociations débouchèrent à une occasion sur l’arbitrage. Comme indiqué dans le Tableau VI (p.78-79), lors de la négociation pour la période de 2007 à

390 André CÉDILOT, Pas question de débrayage chez les pompiers, La Presse, 9 mai 1986 391 Pour plus de détails relativement aux modifications de 1993, voir Supra, p. 55-59

392 Loi concernant les conditions de travail dans le secteur public et le secteur municipal, préc., note 269

393 Martin PELCHAT, Les pompiers donnent leur accord à l’entente négociée avec la Ville, La Presse, 26 février 1994, p. A3

2017, l’arbitre n’eut toutefois pas à rendre une sentence complète395, alors que les parties

en arrivèrent d’elles-mêmes à une entente sur plusieurs questions importantes. Les augmentations salariales y étant indiquées pour les années 2010 à 2017, représentent donc le résultat d’une libre négociation. La médiation, quant à elle, fut demandée conjointement à l’occasion de toutes les rondes de négociation.

Tout comme pour la période suivant les modifications au Code du travail de 1983, la période suivant les modifications de 1996, malgré l’absence de grève, fut difficile au niveau du climat de travail. Ainsi, malgré une entente sur les aspects financiers du contrat de travail, conclue en avril 1998 et couvrant la période de 1997 à 2000, les pompiers reprochèrent ensuite à la Ville de ne pas intégralement respecter le contenu de la convention collective. Plus précisément, les pompiers dénonçaient entre autres le rythme des embauches, le nombre minimal de camions en service et le sort réservé aux pompiers partiellement invalides de façon permanente396. C’est pourquoi, environ huit mois suivant

la conclusion de l’entente, les pompiers eurent recours à des moyens de pression, tels que « ordinateurs brisés, serrures fracturées, menaces, harcèlement, gestes ou paroles hostiles, colle dans les prises téléphoniques, eau dans les réservoirs de diesel, etc. »397. Le directeur

du service incendie de l’époque alla même jusqu’à évoquer un contexte d’« anarchie»398. Les

parties tentèrent alors de s’entendre sur les clauses à incidence normative en recourant à un conciliateur, mais celui-ci alla même jusqu’à ajourner une séance de conciliation, « constatant que les discussions s’enlisaient »399. Les parties eurent aussi recours à

l’arbitrage, mais selon les dires du directeur Michaud, cela était voué à l’échec étant donné que la période du renouvellement de la prochaine convention collective coïnciderait alors

395 L’arbitre François Hamelin rendit tout de même, le 1ier mars 2010, une sentence concernant la seule question salariale des années 2007 à 2009. Il impose alors le «cadre financier offert par la ville, mais ajoute à compter du 31 décembre 2009, une augmentation de 3% », Notre histoire d’hier à aujourd’hui, préc., note 331, p. 11

396 Louise LEDUC, Le conflit entre Montréal et ses pompiers, Le Devoir, 22 décembre 1998, p. A1

397 Michèle OUIMET, Les pompiers frustrés veulent en découdre avec leur chef de service, La Presse, 17 décembre 1998, p. A13

398 Paul ROY, C’est l’anarchie dit le chef Michaud – Le patron des pompiers est démuni devant les nouveaux

moyens de pression, La Presse, 30 octobre 1997, p. A8

399 Marie-Claude GIRARD, Injures et friture sur les ondes – Les pompiers de quatre véhicules n’ont pas utilisé la

avec le prononcé de la sentence arbitrale400 et que tout serait alors à refaire. Finalement,

devant la menace de la ministre du Travail de l’époque de mettre le syndicat sous tutelle, le président du syndicat décréta une « trêve générale illimitée »401, ce qui poussa alors le

directeur Michaud à affirmer que ce calme était trompeur et que les pompiers attendaient « le moment propice pour repartir »402.

La ronde de négociation suivante, couvrant les années 2001 à 2006, se déroula dans le contexte des fusions municipales. Considérant l’intégration de plusieurs pompiers à un nouveau service desservant l’île de Montréal, le syndicat dut alors « négocier une première convention collective au sens de la loi »403, le principal défi des parties à la négociation étant

de réussir à harmoniser les différentes conventions collectives concernées. L’application du plancher d’emploi au nouveau service fusionné, de même que l’harmonisation des principes de santé et sécurité au travail, étaient parmi les sujets chauds de ces négociations404. Les

négociations furent dures, le syndicat qualifiant la situation d’ « enfer »405 en regard au

caractère périlleux des interventions, découlant d’une harmonisation des procédures d’intervention difficile. Les tensions furent alors très vives, « la direction ayant imposé plus de 150 mesures disciplinaires et suspendu une vingtaine de pompiers »406. Les parties en

arrivèrent tout de même à une entente négociée le 5 septembre 2003, ce qui poussa même le président du syndicat à préciser que les relations de travail étaient à ce moment « meilleures qu’elles ne l’ont jamais été en 10 ans »407.

Finalement, à l’échéance de cette dernière convention collective, soit le 31 décembre 2006, un autre conflit s’engagea, la Ville voulant « imposer un gel des salaires pour l’année 2007 et différentes concessions »408, ce à quoi s’opposait le syndicat. Ceci marqua le début

du plus long conflit dans l’histoire des pompiers de Montréal, soit six années de conflit «

400 Michèle OUIMET, Entre la Ville et les pompiers, la guerre dure depuis 10 ans, La Presse, 31 octobre 1999, p. A1

401 Id. 402 Id.

403 Notre histoire d’hier à aujourd’hui, préc., note 331, p. 11

404 Martin PELCHAT, Première impasse dans les relations de travail de la future mégapole – L’affectation de 200

pompiers montréalais en banlieue au cœur du litige, La Presse, 28 juillet 2001, p. A1

405 Karim BENESSAIEH, Du mou dans la lance… L’intégration des pompiers connaît de nombreux ratés, La Presse, 26 février 2003, p. A1

406 Id.

407 François CARDINAL, 22% aux pompiers : farfelu, proteste Tremblay, La Presse, 24 septembre 2003, p. E1 408 Notre histoire d’hier à aujourd’hui, préc., note 331, p. 11

particulièrement tendues, marquées par des actes de vandalisme, de l’intimidation, des méfaits et du sabotage »409. Les parties eurent recours à la procédure d’arbitrage, mais

l’arbitre François Hamelin n’eut finalement qu’à se prononcer sur la question salariale des années 2007, 2008 et 2009410, les parties en arrivant à une entente négociée en mars

2012411, qui mena à une convention collective d’une durée de 8 ans, soit la plus longue de

l’historique des relations de travail impliquant les pompiers de Montréal.

3.4. Portrait général des rondes de négociation sous