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Chapitre 3 La négociation collective chez les pompiers de Montréal

3.1. L’avant-1944

Comme mentionné précédemment, la grève ne fut pas toujours interdite pour les pompiers, celle-ci n’étant pas prohibée avant 1944330. Malheureusement pour les fins de

cette étude, peu d’informations permettent de dresser un portrait précis de cette période. Il ressort tout de même de cette dernière que deux grèves eurent lieu, soit en 1918 ainsi qu’en 1943.

La première grève331 de l’histoire des pompiers de Montréal survint en 1918, dans un

contexte d’excitation provoquée par l’armistice en Europe, alors que les pompiers, policiers, vidangeurs et ingénieurs de l’aqueduc travaillant pour la Ville décidèrent d’y recourir. Plus

330 Supra, p. 45 et 46

331 Notre histoire d’hier à aujourd’hui, Association des Pompiers de Montréal, 2013, p. 4. Consulter le :

précisément, les policiers et pompiers réclamaient 500$ d’augmentation par année alors que la Ville de Montréal leur en promettait plutôt 110$. En plus de la question salariale, les pompiers contestaient le congédiement de 17 pompiers survenus quelques jours précédant le débrayage, congédiements considérés par le syndicat comme étant « une provocation contre l’union » en réaction aux demandes salariales332. Un autre point litigieux

d’importance concernait trois chefs du service de la Sûreté publique contestés, dont les salariés demandaient la démission333.

Alors que planait la menace de grève, certains dénonçaient la négociation politisée de la part de la Ville, en avançant que ce qu’elle cherchait était « de s’assurer l’appui de l’opinion publique contre les employés de la Ville, en décriant ceux-ci par tous les moyens possibles. En même temps, on agite aux yeux des contribuables de Montréal le spectre d’une augmentation de l’impôt foncier nécessitée par l’augmentation des salaires »334.

La grève eut finalement lieu les 12 et 13 décembre 1918 et dura trente-trois heures, la fin de celle-ci survenant en raison de la médiation offerte par l’archevêque de Montréal alors que « sa Grandeur Mgr Bruchési a réussi à obtenir une lettre du président de la commission administrative, M.Décary, dans laquelle ce dernier s’engageait à faire droit à la demande des grévistes touchant le renvoi des chefs de la police…»335. Les médiations

offertes par le premier ministre Lomer Gouin, ainsi que par le Conseil des Métiers et du Travail, soit une organisation issue du monde ouvrier, étaient également vantées.

En retournant au travail, les grévistes acceptaient de se soumettre à l’arbitrage, décision éclairée puisque « de l’avis général, les grévistes avaient gagné sur tous les points. Et le maire dit que la grève avait été un mal pour un bien »336. Entre autres gains, les ouvriers

concernés reçurent entre 200$ et 400$ d’augmentations salariales. Le tribunal d’arbitrage était composé de cinq décideurs, dont deux choisis « par les unionistes, deux par les citoyens qui se sont occupés du règlement de la grève, le cinquième enfin par les deux groupes réunis »337, la Ville n’étant ainsi pas représentée. Cette conclusion d’une grève

332 La commission administrative a congédié 17 pompiers, tous des membres de l’union, La Presse, 3 décembre 1918

333 Va-t-on demander la démission des chefs ?, La Presse, 7 décembre 1918

334 En garde contre les tactiques dangereuses de M. Ernest Décary !, La Presse, 10 décembre 1918 335 La fin de la grève, La Presse, 14 décembre 1918

336 Après 33 heures de violences, victoire sur tous les points, en 1918, Reportages, 20 novembre 1955, p. 2 337 Quels seront les cinq arbitres, La Presse, 14 décembre 1918

jugée « désastreuse338 » mena tout de même à une certaine reconnaissance populaire du

rôle de l’arbitrage dans le règlement des conflits de travail, alors qu’il fut jugé que « somme toute, les arbitres ont fait de la bonne besogne et la population de Montréal leur en est reconnaissante »339.

Un autre moment marquant dans l’histoire de la négociation collective impliquant les pompiers de Montréal survint peu de temps après cette première grève. Ceux-ci obtinrent des gains appréciables liés à leurs conditions de travail, notamment lorsque leur horaire de travail passa de 141 heures à 84 heures par semaine340.

La deuxième grève des pompiers de Montréal eut lieu en 1943, alors que la Commission municipale de Québec341 refusait l’affiliation syndicale de ceux-ci avec le Congrès canadien

du travail. La Commission municipale acceptait qu’il y ait une association de pompiers, mais pas qu’elle soit affiliée à une union étrangère, « et surtout pas au CCT, organisation ouvrière jugée trop radicale, politique, voire antisociale »342, et ce, malgré une décision au contraire

de la Commission Brossard peu de temps auparavant. C’est ainsi que, malgré l’acceptation par la Ville des conditions salariales qu’ils exigeaient, les pompiers décidaient de refuser l’offre patronale du 13 décembre 1943. Allait suivre une grève, le lendemain, soit le 14 décembre, entre 11h00 et 22h30. Il fallut une intervention du premier ministre Godbout, qui exigea l’application de la décision de la Commission Brossard rendue précédemment, pour que « victoire en main, les pompiers grévistes retournèrent graduellement au travail »343. Conséquence ou non de la grève, l’histoire ne le précisant pas, « cette même année, les

heures de travail passent de 84 à 78 heures »344.

338 La décision des arbitres, La Presse, 4 février 1919 339 Id.

340 Notre histoire d’hier à aujourd’hui, préc., note 331, p. 4

341 En effet, à cette époque l’administration municipale montréalaise était sous tutelle, le pouvoir décisionnel ayant été confié à la Commission municipale de Québec. À ce sujet, lire : Id., p. 5

342 Jean-François COURTEMANCHE, Pierre-Yves MARCOUX et Francesco BELLOMO, Le feu Sacré – Une histoire

des pompiers de Montréal, Édition 150e anniversaire, Brossard, Stromboli, 2013, p. 178

343 Notre histoire d’hier à aujourd’hui, préc., note 331, p. 5 344 Id., p. 5

3.2. Rondes de négociation sous la Loi des différends entre les