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Outre les différentes attitudes de l’enseignant, il existe aussi un tas d’outils, au service de son autorité. Il s’agit pour les enseignants interrogés des règles de classe, des rituels ou encore d’objets sonores ou visuels instaurés dans leurs classes. Tous les enseignants que j’ai interviewés font recours, au moins, à l’un d’entre eux. Je souhaite donc m’arrêter un moment sur ces différents outils afin de les analyser de plus près.

Règle de classe

Inhérentes au lieu de vie des enseignants et des élèves dans l’école, les règles de classe sont spécifiques à chaque espace-classe et à chaque groupe-classe. Selon la classe et selon le groupe, il en existe par conséquent une infinité. Les règles de classe traduisent le comportement à adopter par l’élève au sein du microcosme qu’est la classe. Maya explique que « les règles de classe sont importantes pour donner des repères aux élèves ». Elle poursuit en disant « les enfants savent les bons comportements à avoir à l’intérieur de la classe et ceux qui ne sont pas permis ».

Eva, rajoute « le règlement d’école n’est pas vraiment à la portée des petits. Il est plus simple de leur expliquer des règles avec des mots qui leur parlent et qu’ils peuvent comprendre plus facilement ».

Ainsi, tous les enseignants interrogés établissent des règles de classe et le font avec la participation de leurs élèves. L’enseignant n’impose pas directement les règles mais les travaille avec ses élèves. Pourtant, lors de l’élaboration des ces règles, Sylvie et Paul trouvent qu’elles restent principalement suggérées par les enseignants surtout avec les plus jeunes élèves. Comme elle le dit « les 1P ne connaissent pas encore les règles de vie de classe, alors je leur soumets les idées et on en parle ensemble ». Paul explique également « lorsque les élèves oublient certaines règles,

je les leur souffle ». En bref, pour établir ces règles, les enseignants y joignent incontournablement les élèves. A visée participative, cette manière de faire engendre l’implication des élèves, afin qu’ils deviennent acteurs et non spectateurs de ce qui se passe dans leur classe.

Par règles, les enseignants interrogés entendent les « droits » et les « devoirs » des élèves. Aucun d’entre eux ne fait référence au mot « interdire ». Dans ce sens, on peut dire, qu’ils attribuent un caractère « positif » à la notion de règle. Les enseignants confirment donc qu’ « une règle n’existe que pour la simple et bonne raison qu’elle nous aide à mieux vivre en collectivité. Elle n’est donc pas une succession d’interdits, mais bien au contraire des droits contrôlés », comme le dit Foussard (2011, p.76).

Après les avoirs explicitées, il est très important, chez les tous petits, expliquent Luc, Sylvie et Isabelle, de les rendre visibles, non seulement en les affichant par écrit mais aussi avec des illustrations. La plupart des enseignants interrogés, surtout ceux qui exercent en 1P et 2P, les illustrent par le biais de photos (Marie, Paul, Luc, Maya, Béa, Isabelle). Les enfants ont alors un repère visuel encore plus significatif. De plus, souligne Luc « il est d’autant plus favorable que sur ces photos se soient les élèves eux-mêmes qui y figurent ». Ainsi, illustrer les règles de vie de classe par des photographies, comme le dit Foussard (2009), permet à l’élève de visualiser chaque idée.

Panneau de comportement

Tous les enseignants interrogés utilisent également un dispositif qui rappelle à l’élève le comportement attendu. Il existe différents indicateurs de comportement selon la créativité des enseignants. Elles se déclinent sous plusieurs formes : fusée pour Luc - smiley pour Sylvie, Marie, Eva et Leila – bonhommes pour Céline et Paul - feux de signalisation pour Isabelle et Béa.

Ces panneaux comportent tous des niveaux de comportements représentés par des couleurs (principalement, vert-jaune-rouge ou jaune-orange-rouge). Ce système marche, par exemple, de la manière suivante : en début de journée les élèves sont

tous situés dans le niveau dit « bon comportement ». Au fil de la journée, si l’élève se comporte d’une manière qui ne convient pas, il change de niveau et passe au niveau suivant, c’est-à-dire, à la couleur suivante. Selon le système, l’élève avance en montant ou en descendant de niveau. Certains enseignants appliquent des

« avertissements » avant de procéder à un changement. Ce qui laisse une chance à l’élève de ne pas être déplacé dans le curseur de comportement. Cinq enseignants sur dix, offrent également la possibilité de revenir à la couleur qui symbolise le « bon comportement ».

En étudiant ainsi le fonctionnement de ces panneaux de comportement, tels que ceux décrits par les enseignants, on peut catégoriser ce système soit comme préventif à la sanction soit comme dispositif de sanction en tant que tel. Ainsi, à titre préventif, il s’agirait de prévenir l’élève, par différentes étapes, que son comportement tend vers une sanction. En effet, on peut soit se dire que ces panneaux sont présents pour réguler le comportement des élèves à titre préventif avant d’appliquer une sanction, soit se dire que ces panneaux sont l’outil de sanctions lorsque l’élève déroge à une règle.

Rituels

Toujours comme outils, sept enseignants, nous parlent de rituels qu’elles instaurent dans leurs classes pour aider les élèves, surtout les plus jeunes, à se repérer dans l’environnement de leur classe et dans le déroulement d’une journée d’école.

Par exemple, Leila et Sylvie utilisent un panier à l’entrée de la classe, pour que les élèves y déposent les objets qu’ils transportent avec eux. Eva le fait également et nomme ce panier : « le panier des trésors ». Marie, Isabelle, Paul et Béa accordent à leurs élèves, en début de matinée, un moment de discussion, pendant lequel les élèves peuvent présenter un objet ou alors raconter une histoire. Ainsi de suite, nombreux sont les exemples de rituels existants dans les classes.

Pour Eva, ces derniers sont très bénéfiques et marchent très bien avec ses élèves.

Pour cette enseignante, qui souhaite exercer une autorité « douce » mais

« présente », comme elle le décrit, les rituels sont un moyen fort dans ce sens. Elle

dit, « les rituels aident les élèves à prendre des habitudes nécessaires dans la classe, cela permet d’éviter des comportements non souhaités ». J’en déduis donc que les rituels permettent de stabiliser des moments. Une fois automatisés, ils deviennent des repères nécessaires pour introduire les apprentissages.

De plus, Eva rajoute qu’il est possible de mettre de l’apprentissage dans ses rituels, afin de lui apporter une valeur didactique. Elle cite des exemples comme : « compter pour sortir de la classe », « réciter une comptine », « dire une couleur » etc. Pour cette enseignante, une fois que les rituels sont en place, cela crée un fonctionnement de classe clair pour chacun. Ces rituels « ne sont plus des moments à discuter… qui sont remis en cause » comme elle le dit. Elle explique qu’ainsi, grâce à eux, la transmission des savoirs peut se faire de manière plus fluide.

Objets sonores

Trois des enseignantes interrogés utilisent également différents genres d’objets pour signaler quelque chose. Par exemple, au lieu d’utiliser constamment la voix, pour regrouper les élèves sur les petits bancs, pour leur rappeler de chuchoter ou encore pour demander le silence, elles recourent à plusieurs types d’instruments tels qu’une boîte à musique, une cloche ou encore un crocodile en bois. Ce sont ainsi différents types d’objets qui émettent un bruit pour dire quelque chose. En début d’année, les enseignants présentent leur objet, ils leur attribuent une fonction et les élèves se familiarisent ainsi avec cette « méthode ». Sylvie confie que les objets permettent

« de ne pas m’essouffler ou de me casser la voix à force de répéter ». Ils sont une alternative à la voix agréable, tant pour les élèves que pour les enseignants, confie-t-elle. En effet, Eva précise que les enfants adorent entendre des sons qui permettent de varier les moyens d’obtenir leur attention.

Dialogue

Enfin, l’autorité est pour beaucoup des enseignants interrogés une affaire de discussion. Pour citer quelque uns d’entre eux, « si un enfant dysfonctionne, il faut le

prendre et discuter avec lui ou sortir de la classe pour discuter » (Marie), « il faut essayer de le faire s’exprimer » (Béa), « discuter du pourquoi » (Isabelle), « les faire discuter entre eux » (Luc). Ainsi, plusieurs tentatives de régulation des comportements, selon ces enseignants, passent par la communication.

Ceux-ci parlent également d’une forme d’interactivité courante dans leurs classes, le conseil de classe. Quatre enseignants en parlent et y font recours pour discuter de ce qui se passe en classe avec les élèves. Le conseil permet également de réguler les comportements et les situations qui peuvent se produire dans le contexte de la classe ou de l’école.

Pour ces enseignants, il est donc important que l’enseignant dise le « pourquoi » et explique à l’élève ce qui se passe. Il s’agit de faire prendre conscience aux élèves de leurs actes par la discussion. Marie nous dit clairement qu’elle applique avec ses jeunes élèves « une autorité de discussion ». Pour elle, la clé d’une bonne autorité est justement la communication.

4.1.4.2. Au niveau didactique

Les enseignants interrogés agissent également sur un plan didactique. Ainsi, plusieurs dispositions sont mises en place par ces derniers afin de faciliter l’exercice de leur autorité. Voyons d’un peu plus près comment ils procèdent.