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Le travail en groupe

4.4 La dimension personnelle de l’autorité

Huit des enseignants interrogés s’accordent à dire que l’autorité est également une affaire de personnalité. Comme nous l’avons abordé dans la partie théorique, le thème de mon travail de mémoire, implique l’individu. L’autorité ne se fonde pas uniquement sur des facteurs extérieurs mais est liée directement à la personne qui l’exerce.

Ainsi, huit enseignants me font part de l’importance du rôle que joue leur personnalité dans la manière d’exercer leur autorité. Certains se décrivent comme

« de caractère autoritaire » (Paul) ou encore comme « naturellement autoritaire » (Isabelle). Par l’adjectif « autoritaire » ils entendent une personne faisant preuve d’autorité. Dans la même logique, une enseignant désigne l’autorité comme

« quelque chose de presque d’inné » (Céline). D’autres, au contraire, disent qu’elle

« se construit progressivement » (Eva et Maya) ou qu’elle « vient avec le temps » (Sylvie). Certains d’entre eux, encore, se décrivent comme « ne faisant pas preuve d’autorité naturelle» (Leila et Luc).

Ainsi, on constate qu’il émerge une tendance à automatiquement relier l’autorité à la personnalité. Entre les enseignants qui décrivent cette notion comme quelque chose dont ils sont « dotés » et ceux qui l’acquièrent grâce à leur expérience, tous

s’accordent à lui attribuer tout de même un caractère changeant, qui avec l’expérience se modifie, se simplifie ou au contraire se complexifie.

Lorsque les enseignants parlent d’ « autorité naturelle », ils font souvent référence soit au charisme, soit à des traits physiques. Comme le décrit Leila « certains enseignants ont cette autorité naturelle, un certain charisme … difficile à décrire mais c’est en eux ». Eva la rejoint lorsqu’elle dit « je dirais que c’est du charisme ».

Difficile alors de donner une explication sur ce charisme qui émanerait naturellement d’une personne. Isabelle, Sylvie, Leila et Céline, quant à elles, la relie au physique. Béa, étant très grande, avoue que sa taille joue en sa faveur. Selon elle, elle instaure une présence et une posture qui en « impose » involontairement.

Isabelle, Sylvie et Leila, toutes trois plus petites de taille, décrivent certains de leurs collègues comme ayant un physique qui « impose plus d’autorité ».

Cette dimension liée à la part de personnalité de l’enseignant m’amène, à présent, à analyser l’autorité de l’enseignant en prenant en compte la variable « nombre d’années d’expérience ». Je souhaite, par là, comprendre si l’expérience des enseignants les aide dans la pratique de leur autorité et sur le plan personnel, dans l’estime de soi et la confiance en soi. Il s’agit d’essayer de comprendre si le facteur

« nombre d’années d’expérience » apporte une aide et une facilité à gérer son autorité dans l’exercice de son identité professionnelle.

Tous les autres enseignants de mon échantillon, à l’exception d’une, estiment faire preuve de plus d’autorité aujourd’hui qu’en début de carrière.

L’enseignante, la plus expérimentée de mon échantillon (Leila) est la seule à dire qu’elle doit « toujours la travailler ». Ce qui peut, à première vue sembler étonnant.

En effet, après trente ans de métier, on pourrait s’imaginer que cette enseignante serait plus qu’à l’aise avec cette notion et sa manière de l’exercer. Mais au contraire, elle avoue que certains élèves la font beaucoup réfléchir sur cette notion et la remettent souvent en question. Son témoignage ne permet ainsi en aucun cas de valider la variable du « nombre d’années d’expérience » comme étant facilitatrice pour les enseignants de l’école primaire dans le domaine de l’autorité.

Peu importe qu’on soit expérimenté ou novice, ce qui revient souvent, d’après les interviewés, c’est la confiance qu’on a en soi. Comme le dit Eva, « c’est important de croire en soi, dans ce qu’on met en place », ou encore « être sûre de soi est primordial » pour Luc. Pour ce dernier, connaître les objectifs de chaque année, maîtriser tout le programme scolaire lui permet ainsi d’avoir plus d’assurance dans ses pratiques et ainsi être plus confiant. Pour Béa, savoir ce qu’elle peut attendre de ses élèves lui permet également de savoir où elle va.

Ainsi, on constate que plus les enseignants sont à l’aise avec les enjeux de chaque année scolaire, plus ils sont à l’aise et plus ils ont cette confiance qui leur permet d’avancer « droit », avec assurance.

Pour Eva, « c’est lorsqu’on est sûr de ce qu’on fait, qu’on croit dans notre système » que l’autorité devient plus facile à exercer.

Il est intéressant de noter que pour Sylvie, exercer son autorité est également une question de « ressenti ». Elle dit : « il faut faire ce qu’on ressent sur le moment, au feeling ». Elle parle ainsi d’instinct. Pour elle, il faut parfois savoir se détacher des règles et agir selon ce qu’il nous semble bon de faire. De plus, elle rajoute « il faut y aller avec sa façon d’être » et dans ce sens elle rejoint les propos d’autres enseignantes telles qu’Eva et Isabelle. D’après ces trois enseignantes, il ne serait pas bénéfique d’adopter des systèmes qui ne nous correspondent pas. Eva l’explique clairement lorsqu’elle dit « on a beau voir des manières qui nous semblent efficaces ou qui semblent fonctionner, si elles ne nous correspondent pas, elles ne nous sont d’aucune utilité ». On comprend par là qu’il faut rester proche de ses convictions, ce qui garantira, comme le souligne Foussard (2011) et Rey (2009), « la crédibilité de l’enseignant » auprès des élèves. En effet, afin de rester ferme et de ne pas être amené à négocier sa manière de faire, il faut être convaincu de son système et s’y tenir. Exercer l’autorité d’une autre manière que celle qui nous correspond, nous rend fragile, explique Eva.

Enfin, l’autorité précise deux enseignants, aussi significative qu’elle puisse être dans leur métier, n’est pas enseignée à l’issue de la formation des enseignants. « On ne nous enseigne pas l’autorité », dit Eva, ou encore « on ne nous enseigne pas la discipline » dit Luc. La notion d’autorité rejoint, par leurs propos, l’idée qu’elle est un trait lié à l’individu. D’après ces deux enseignants, l’autorité, l’enseignant la crée lui-même en découvrant au fur et à mesure ses facettes, à travers sa pratique et ses expériences. La question qui émane de ce constat serait la suivante : pourquoi l’autorité est-elle alors livrée à la construction de l’enseignant ? Est-elle effectivement une compétence de l’individu, un trait de personnalité ? Les différents propos émis par les enseignants interviewés m’amènent à ouvrir davantage les pistes de réflexion concernant cette notion d’autorité.

5 CONCLUSION

Dans cette dernière partie de mon travail, je vais conclure ma recherche après avoir analysé les données obtenues grâce aux entretiens menés auprès de dix enseignants d’écoles primaires genevoises du cycle élémentaire.

Il s’agit pour moi de faire « germer et croître » mes réflexions sur ma question principale de recherche, à savoir : « Dans quelle mesure est-il possible d’instaurer une autorité préventive en division élémentaire ?».

A travers les éclairages théoriques, qui ont été des repères utiles pour encadrer ma recherche, puis à travers l’analyse de pratiques pédagogiques des professionnels interrogés, je vais tenter de répondre à ma question de recherche principale.

Au cours de cette synthèse, il s’agit avant tout de faire l’état des lieux au moment où s’arrête mon analyse et donc où aboutit mon travail de mémoire. C’est ainsi que ce chapitre se structure en trois parties : « Retour réflexif sur mes question de recherche » – « Limites de la recherche » – « Bilan personnel ».