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Origine de la conception de Yingxi

Chapitre I : Problème de méthode

1.2 Origine de la conception de Yingxi

Pour éclairer la conception du cinéma chinois qui considérait le cinéma comme une sorte de théâtre et un outil au service d’une idéologie, il faut d’abord expliquer des termes chinois et leur évolution sous l’influence européenne : wen, yishu et xi.

La notion de wen a son évolution. Il « a pris le sens de culture chez Confucius, par opposition à l’état de nature (zhi), et ensuite celui d’une partie de la culture, ce qui est écrit35. » Wen était

utilisé pour faire référence à toutes les autres formes d’écriture sauf la poésie dans la littérature classique, et finalement évolue dans la littérature moderne chinoise pour devenir – wenxue. Comme wen-xue, qui possède une forte référence aux connotations occidentales, yi-shu (l’art) était utilisé pour décrire une large palette d’activités allant de la peinture, de la calligraphie au théâtre, l’opéra et toute autre sorte d’expression scénique. Dans la littérature classique en Chine, le théâtre et l’opéra n’étaient pas pris au sérieux mais seulement comme des distractions. Xi, le vocabulaire du théâtre et de l’opéra en Chine signifie aussi « jouer » ou « enjoué ».

34La notion deDao (ou Tao). cf. CHENG Anne , Histoire de la pensée chinoise. Paris : Seuil, 1997. 35cf. Jacques Pimpaneau, Hitoire de la littérature chinoise. Paris : Philippe Picquier, 1989, p 112.

Comme le mouvement du réformisme l’a fait dans les autres domaines du xi, celui des cinéastes de la première génération cherche la valeur sociale dans le cinéma, et il lui attribue la responsabilité du wen, ou « écriture sérieuse». Beaucoup d'intellectuels chinois ont discuté la teneur de wen dans toute l'histoire chinoise. Parmi eux, HAN Yu (768-824) de la dynastie Tang (618-907) était un des plus influents et un Confucianiste célèbre en son temps dans l'histoire chinoise, HAN Yu a combattu durant toute sa vie pour une forme ordinaire et pertinente d'écriture avec un contenu orthodoxe et approprié. Ce qu'affirme HAN Yu sur le contenu des écrits n’a cependant pas influencé très significativement la tradition littéraire chinoise. Cette affirmation de la voie de la connaissance (dao) est l'élément fondamental qui a inspiré ZHOU Dunyi (1017-1073), le père du Néo Confucianisme, dans la dynastie Song (960-1279). ZHOU Dunyi a récapitulé l'idée de HAN Yu : « l'écriture est un véhicule pour la voie de la connaissance » (wen yi zai dao).

ZHENG Zhengqiu, « le père du cinéma chinois », insiste pour que le cinéma instruise le peuple et réforme la société. Les cinéastes croient qu’il est de leur responsabilité de représenter la vérité du peuple et de protester contre les injustices dans la société comme ce que les belles lettres ont fait en leur temps. Peu après que l'industrie chinoise du cinéma ait été mise en place par les réalisateurs de la première génération, le cinéma chinois traditionnel est devenu un véhicule pour exprimer la conscience et les idéaux sociaux dans les mains de la deuxième génération dans les années trente et quarante. La valeur du cinéma de cette époque ne vient pas de sa fonction de divertissement, ni de la recherche esthétique des artistes, mais du réalisme de l’œuvre dont DU Fu et BAI Juyi qui sont des auteurs représentatifs.

L’idée que « l'écriture est un véhicule pour la doctrine » (wen yi zai dao) influence au fond le concept de réalisme dans le cinéma chinois avant 1949. Le réalisme est un terme qui établie le lien entre la responsabilité de l’homme et la fonction sociale de la littérature dont on trouve l’origine dans la pensée du confucianisme. Le « Dao » intègre humanisme et responsabilité de l’homme dans un sens confucianiste qui est aussi l’essence du réalisme. Selon Mencius, l’humanité est la responsabilité et la destinée de l’homme :

S’il n’y a pas plus de pl ace, dans la perspective confucéenne, pour le Mal en soi que pour une quelconque idée de liberté ou de libre arbitre, il existe bel et bien un sens de la

responsabilité qui nous fait pleinement assumer la charge qui nous est impartie par le Ciel. Tout dépend de la détermination de chacun à prendre son destin moral en main ou, comme le dit Mencius, à le ‹ mettre sur pi ed › ( li ming, 立命). Ce sens de la responsabilité, loin

d’être l’apanage de quelques saints, est si profondément inscrit en chacun de nous qu’il s’impose de lui-même, surtout en situation limite … Les sens de l’humain, c’est l’homme même36.

Les poèmes de DU Fu et BAI Juyi sont considérés comme la grande tradition du réalisme, car ils expriment directement une protestation à l’intérieur de la société et ils représentent la réalité de l’existence des personnes ordinaires. Le film de « gauche » dans les années trente et quarante est une grande victoire de réalisme selon la définition traditionnelle et selon le concept de « wen yi zai dao », car il reflète les réalités de la société d’un point de vue humaniste.

Comme le précisait FEI Mu en 1948 le réalisme lui-même pourrait poser problème parce que sa mission de poursuivre le vrai s'opposerait avec la subjectivité et le romantisme ou l'idéalisme d'un directeur37. De fait, il existe une divergence entre le fond et la forme dans le réalisme à cette époque :

XIA Yan, vétéran du ci néma c ommuniste c hinois, a é crit : ‹A l ’époque, le ci néma chinois a emprunté aux Russes pour ce qui est de la théorie et aux Améri cains pour ce qui est de la pratique ›. Ce qui est re marquable dans le cinéma chinois des a nnées 30, c’est qu’il soit parvenu à refléter la vie réelle à travers une multitude de style et de formes38.

Cette rupture (selon le critère d’aujourd’hui) est une manifestation de l’influence de « wen yi zai dao » dans le cinéma. Il exige que le contenu du cinéma reflète la réalité, ou plus exact l’idéologie révolutionnaire, tandis qu’il est indulgent sur la forme qui est influencée par l’esthétique du film hollywoodien.

36CHENG Anne, Histoire de la pensée chinoise. Paris : Seuil, 1997.

37ZHANG Yingjin, Chinese National Cinema. New York: Routledge, 2004.

38LAU Shinghon, Deux âges d’or du cinéma chinois : les années 30 et l’après-guerre. Le cinéma Chinois / ed. par QUIQUEMELL Marie-Claire, PASSEK Jean-loup. Paris : Centre Gorges pompidou, 1985, p61.

La théorie de Yingxi se forme au 20ème siècle dans les années quatre-vingt. À ce moment là, après la Révolution Culturelle, les cinéastes chinois apprennent sérieusement la théorie du cinéma occidental, mais ils ne trouvent pas de théorie adaptée au cinéma en Chine. C’est pourquoi deux cinéastes font ces recherches sur la critique dans l’histoire du cinéma chinois, et forment la théorie de Yingxi.

La théorie de Yingxi est le résultat d'études importantes et le principal concept dans l’histoire du cinéma chinois, mais ce n’est pas le seul. Les réalisateurs chinois s’intéressent aussi à l’ontologie de l’image cinématographique, par exemple FEI Mu, SHI Dongshan, BO Wangchang, etc. Même si le film chinois dans la première période est influencé profondément par le film hollywoodien, il se forme son propre style dans les années trente et quarante. La théorie de Yingxi souligne l’influence hollywoodienne et la théâtralité dans le cinéma chinois dès sa naissance. Nous, dans cette recherche, ne la considérons pas comme la « tradition » du cinéma chinois qui peut se distinguer au cinéma d’autre pays.

2 Pensée des cinéastes

La pensée des cinéastes chinois est très riche dans l’histoire du cinéma chinois. On choisit ici FEI Mu comme réalisateur représentatif avant 1949. On étudie également les cinéastes des années 50 et années 60 comme école de l’esthétique traditionnelle.