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2. LES RESPONSABILITÉS DE L’ENTREPRISE

2.1 Les responsabilités

2.2.2 La RSE, mise en œuvre de l'éthique d'entreprise

2.2.2.1 Origine du concept de RSE

Dans les années 50, aux États Unis sous l'influence des églises évangéliques est apparu le concept de « corporate social responsability » traduit en français par

Responsabilité Sociale d'Entreprise (RSE). Le chantre en fut Davis (1948). I1 s'agissait alors de responsabiliser les dirigeants pour qu'ils corrigent de manière éthique et philanthropique les dommages causés par l'activité de leurs entreprises, lesquelles, dans un contexte économique libéral, poursuivaient essentiellement des objectifs de rentabilité. Cette responsabilité était perçue comme une action individuelle du dirigeant pour contrebalancer les défauts du système libéral outrancier.

Pour comprendre l'émergence de ce concept en Europe et son évolution aujourd'hui, un retour en arrière sur le système économique post monarchique du XIXème siècle semble opportun. Sans nécessairement remonter, dans le détail, aux origines des rapports économiques entre les hommes, il est patent que ceux-ci étaient inséparables d'une vision philosophico-théologico-éthique qui fondait le droit féodal et patriarcal de la société économique avant la Révolution française. Un pouvoir hiérarchique de droit divin était attribué, en la matière, au monarque, au maître, au « pater familias », lesquels, selon leur bon vouloir, décidaient de tout, y compris de l'attribution des biens et des valeurs (Paradas, 2010). La Révolution française déclenchera une transformation des rapports économiques entre les hommes au nom de la défense de l'individu. La loi Le Chapelier (1791) en sera un premier archétype. Se fondant sur le principe de la liberté individuelle, elle interdit toute organisation telle que les syndicats, les corporations ou les associations lesquelles brideraient ou contraindraient ce précepte. La liberté d'entreprendre et la poursuite d'intérêts individuels codifiaient désormais les pratiques économiques. Les fondamentaux du libéralisme économique et capitaliste s'implantèrent ainsi et dorénavant s'appliquèrent. Ils servirent au XIXème siècle au développement de la révolution industrielle et de ses séquelles économiques et sociales. Celles-ci entrainèrent une paupérisation des travailleurs et étonnamment le déploiement du paternalisme des dirigeants, ceci d'autant plus que les structures étatiques étaient carencées et s'interdisaient de surcroit un quelconque interventionnisme économique.

Jusqu'au milieu du XIXème siècle, les conditions de travail des ouvriers et les rémunérations relevaient des lois de l'offre et de la demande du marché de travail, sans se préoccuper des effets induits. L'indigence, l'imprévoyance, l'alcoolisme et autres déviances attribuées au monde prolétarien étaient bien souvent considérés par la bourgeoisie libérale comme le fruit de la paresse ou de la recherche d'une satisfaction immédiate du plaisir irréfléchi. Devant ces situations, l'État, quant à lui, ne proposait ni n'apportait aucun remède social, d'autant que les patrons s'y opposaient en général, considérant que l'existence de riches et de pauvres resterait une constante immuable. Mieux même, en cas de grève, le patronat faisait appel à l'État pour rétablir l'ordre. « La misère ouvrière n'est pas dénoncée, mais considérée comme un mal inéluctable, liée au fonctionnement de l'économie » (Paradas, 2010). .Livrée à l'exploitation capitaliste sauvage, la paupérisation du prolétariat devenait inévitable.

Dès la seconde moitié du XIXème siècle, les difficultés auxquelles étaient confrontés leurs ouvriers donnèrent à croire à certains patrons qu'il leur revenait de remplir un rôle paternel à l'égard de leur personnel. La plupart d'entre eux étaient sincères, inspirés par leurs convictions patriarcales, en effet, ils s'estimaient encore à la fois père et maître de leurs ouvriers avec la charge de les aider dans le malheur. Il s'agissait d'un état certes temporaire, mais qui maintenait l'ouvrier en situation de dépendance. Les patrons chrétiens étaient soutenus dans leur démarche par la conscience de leurs devoirs moraux. L'encyclique du pape Léon XIII « Rerum

Novarum », parue le 15 mai 1891 viendra les conforter dans leur conviction

Tiberghien, (1932). « Répondant autant à des exigences économiques et d'ordre social qu'à des sollicitations éthiques, le paternalisme a constitué jusqu'au milieu du XXème siècle une forme implicite de responsabilité sociale d'entreprise » (Capron et Quairel- Lanoizelée, 2004). On peut dire ainsi qu'il existe une filiation de la RSE au regard du concept de paternalisme. Fut-ce avec des conditions d'application différentes, les fondements conceptuels du paternalisme se retrouveront ultérieurement dans les incitations sociales des textes fondateurs de la RSE, de même que dans les décisions

législatives et actions de l’État Providence. Le déclin du paternalisme débutera avec le développement des idées socialistes et marxistes et du syndicalisme naissant. Les nouvelles doctrines sociales visaient à protéger le prolétariat face à l'exploitation patronale et à la dépendance qu'elles entraînaient. La liberté et l'indépendance apparaissaient de plus en plus comme le bien le plus précieux pour les hommes. Le début du XXème siècle fait apparaître un engagement plus important de « l'État- providence qui s'est préoccupé de la réparation des dégâts du progrès » Capron et Quairel-Lanoizelée, (2004). L'État reprend à sa charge nombre de pratiques sociales qui étaient jusqu'à cette époque, propres aux institutions paternalistes. Le paternalisme est amputé d'une partie de ses prérogatives par l'État-providence. Il en résulte que l'entreprise industrielle, empreinte des conceptions tayloriennes se détourne de la mise en œuvre de ses responsabilités sociales et sociétales et de l'éthique qui lui était associée (Capron et Quairel-Lanoizelée, 2004).

C'est avec Davis (1948) que reprend vie le principe de la responsabilité sociale de l'entreprise, à dimension moralisante, par le biais des diverses églises chrétiennes aux USA puis ultérieurement en Europe, mais avec une vision désacralisée et laïque. En effet en Europe l'entreprise a des obligations sociales vis-à- vis de la société (Ben Yedder et Zaddem, 2009). Cette reviviscence du social est le résultat de la carence de l'État devant les abus sociaux, financiers et environnementaux liés à l'expansion économique durant la période dénommée « les trente glorieuses ». Le modèle d'expansion économique s'épuise à la suite des deux crises pétrolières successives de 1973 et 1979. À partir des années 80, l'État cesse d'être le garant suffisant de la protection sociale ou sociétale. « L'entreprise devient l'acteur clé de la régulation sociale ».