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2. LES RESPONSABILITÉS DE L’ENTREPRISE

2.1 Les responsabilités

2.2.2 La RSE, mise en œuvre de l'éthique d'entreprise

2.2.2.4 Fondements doctrinaux de la RSE

Trois fondements de la RSE peuvent être distingués: l'éthique, les chartes d'entreprise et les textes internationaux.

-L'éthique.

L'éthique est une construction personnelle de l'individu, elle est fondée sur la liberté de jugement et d'action (Bardin, 1991). Elle se caractérise par « la capacité à produire, avec d'autres, des règles permettant de guider et d'évaluer la conformité des actions communes à des principes moraux communs » (Bertrand, 1999).

Le concept d'éthique paraît plus à même de conduire une réflexion approfondie sur la pratique de la RSE au sein de l'entreprise. « la RSE apparaît comme une concrétisation de l'intégration de repères éthiques dans le domaine de l'entreprise qui semblait voué à être régi uniquement par la logique du profit ». Se référer à l'éthique d'entreprise répond davantage à la recherche de convergence des intérêts des différentes parties prenantes pour justifier la pertinence de la RSE. La RSE prend alors toute son importance en appliquant l'éthique aux relations entre les acteurs internes et externes, les parties prenantes. En opposition avec cette vision, la

responsabilité éthique de l'entreprise est une aberration idéologique qui met à mal les bases mêmes du capitalisme libéral. Selon lui, la responsabilité sociétale de l'entreprise est d'accroître ses profits, condition indispensable pour pérenniser sa présence sur le marché. Les thèses libérales rejettent, en quelque sorte, toute forme d'obligations et de contraintes autres qu'économiques. Dans ce cas, le concept de RSE ne peut qu'être relativisé voire refusé dans son application précédemment décrite. Or « les actionnaires ne constituent pas le seul groupe pour le bénéfice duquel l'entreprise œuvre, la maximisation du profit ne doit pas constituer l'objectif unique de l'entreprise ». Enfin la focalisation de l'entreprise sur la poursuite du profit, conduit à des décisions socio-économiques pénalisantes pour certaines parties prenantes: délocalisation d'entreprises, exploitation éhontée des richesses dans certaines régions, prises de risques environnementaux, mise en insécurité des personnes, etc. Tout cela au titre d'une augmentation impérative des profits. Il est clair qu'une telle vision de la gestion d'une entreprise diffère d'une conception éthique dans le cadre de la RSE. Or la recherche d'une éthique d'entreprise est « la traduction d'un souci de la part des organisations d'afficher un comportement et une attitude exemplaires, notamment en cette période de crise de confiance dans les capacités d'autorégulation du système capitaliste ».

A situation nouvelle, discussion nouvelle pour faire émerger des manières d'agir nouvelles consensuelles. Jonnaert, (2002) défend la mise en place d'une éthique de la discussion, dialogue à mener dans la recherche d'un consensus pour toutes les décisions d'importance à prendre. Appliqué à l'entreprise, cela signifie que « sur le plan pratique, cela implique que les décisions concernant les stratégies de l'entreprise seront discutées et argumentées avec les parties prenantes concernées ». Les conditions impératives de la mise en pratique sont la liberté d'expression de chaque partie prenante, la sincérité de tous, la capacité de se mettre à la place de l'autre . Il est clair qu'une telle pratique régulière dans l'entreprise est consommatrice de temps et d'énergie. De plus, certaines décisions qui sont à prendre dans l'urgence ne facilitent pas une pratique éthique de la RSE. Cela impose en fait la mise en place d'un cadre

communicationnel accepté par toutes les parties prenantes intégrant par ailleurs les trois conditions précédemment citées par Heiss (1981). C'est ce cadre communicationnel différent des structures organisationnelles obligatoires dans les entreprises qu'il est nécessaire de proposer.

-Les chartes d'entreprises.

Dans un code ou une charte éthique, l'entreprise officialise ses ambitions, ses valeurs, ses croyances et principes dans le but de sauvegarder l'équilibre et l'équité entre toutes les parties prenantes. « Le bon positionnement de l'affichage des valeurs et des principes vise à répondre aux attentes des parties prenantes, dans un environnement qui accorde un rôle croissant à la responsabilité sociale de l'entreprise » (Autissier et Bensebaa, 2011).

La charte d'entreprise, référentiel éthique, peut être considérée comme étant une des sources essentielles de la RSE. Les dirigeants sont appelés à se responsabiliser en assurant de manière éthique une correction des dommages causés par l'activité de leurs entreprises, lesquelles, dans un contexte économique libéral, poursuivent essentiellement et trop souvent uniquement, des objectifs de rentabilité. Cette responsabilité est perçue comme une action individuelle du dirigeant pour contrebalancer les défauts du système libéral outrancier. La charte éthique prend une valeur stratégique dans l'entreprise en fonction de l'importance que lui accordent les dirigeants, y compris dans leur pratique personnelle. « La prise en compte de la dimension éthique dans les entreprises relève d'abord de l'engagement et de l'intégrité personnelle des décideurs » (Boyer, 2002). C'est souvent le signe que ces derniers en font un référentiel essentiel de l'entreprise. Leurs comportements confèrent une légitimité et une crédibilité à la démarche éthique en confortant la confiance de l'ensemble de l'environnement social. Pour lui donner tout son sens et même lui conférer une valeur stratégique, le code ou la charte devrait être le fruit d'un échange, d'une discussion, d'un dialogue entre toutes les parties prenantes. L'éthique passe d'une conception où s'imposent des normes à une conception où les normes se

dialoguent et s'acceptent au bénéfice d'un consensus. Une fois la charte officialisée, une explication commentée est généralement assurée à l'ensemble des parties prenantes de l'entreprise. « Les normes qui règlent les comportements éthiques doivent pouvoir être comprises sur la base d'échanges et de débats, de sorte que l'action véritable est interaction, l'intercompréhension définit la nouvelle légitimité de l'action » (Kalika, 1984).

La charte, dans le meilleur des cas, est confiée à un des dirigeants qui sera le garant de sa diffusion, de son application et de son respect ainsi que le contrôleur des transgressions. En fait, très souvent, la diffusion de la charte est à la charge de l'encadrement qui a pour tâche de veiller en première ligne à sa mise en œuvre. II est fait appel au respect de l'éthique et au sens des responsabilités du personnel conformément à l'approche wébérienne de l'éthique. « Le respect des règles de l'éthique ne semble donc possible que s'il est partagé par les collaborateurs de l'entreprise » (Boyer, 2002.).

À long terme la transgression des engagements éthiques compromet généralement le moral et au-delà, la performance de l'entreprise. L'hypothèse retenue est aussi qu'à moyen et long terme, la charte peut avoir un impact fort sur l'ensemble des parties prenantes au niveau des comportements et de la confiance. Plus largement encore, l'opinion publique, les médias et les consommateurs mettent aisément sur le devant de la scène les transgressions ou les contradictions des entreprises lorsque leurs pratiques ne sont pas conformes à leur charte éthique professée urbi et orbi. Les conséquences en termes d'image et de crédibilité peuvent influer sur les résultats globaux de la société concernée. C'est pourquoi de plus en plus, le référentiel éthique s'inscrit dans la logique de la stratégie de l'entreprise et prend sa place dans le cadre de sa politique générale, car elle peut être la source d'avantages compétitifs.

Quoi qu'il en soit, la charte et son contenu impactent la RSE et par là même l'ensemble des parties prenantes au niveau des comportements et de la confiance.

« Une prise en compte des valeurs et de l'humain est également au centre des modèles de management issus de la responsabilité sociale de l'entreprise » (Bensebaa et Autissier, 2011). Le management par les valeurs prônées par la charte constitue un outil efficace de la formalisation de l'éthique dans l'entreprise. « Il fédère l'ensemble des parties prenantes en cherchant à constituer une collectivité soudée, différenciée et efficace » (De Terssac, 1996). Se préoccuper aujourd'hui des valeurs constitue un minimum indispensable en matière de management et d'éthique de l'entreprise. C'est pourquoi la RSE et son référentiel éthique s'inscrivent dans la logique de la stratégie de l'entreprise et prennent leur place dans le cadre d'une orientation de sa politique générale. Au-delà d'un travail de production formel décrivant les valeurs et les principes, nombre d’entreprises prolongent leur référentiel par des codes déontologiques qui déclinent leurs applications opérationnelles spécifiques dans les différentes structures de l'entreprise: la déontologie de la gestion financière, de la pratique informatique, des comportements commerciaux etc. Certains peuvent y voir des contraintes en contradiction avec l'éthique de responsabilité défendue par Ricœur (1990). Devant un tel reproche « on pourrait plaider que la confusion culturelle dans laquelle se trouve notre époque appelle un effort de restructuration mentale et morale » (Moussé, 1993). Mais plus positivement ce peut être en même temps un guide d'orientation au milieu des arcanes divers nés de la complexité opérationnelle et fonctionnelle des entreprises. Il n'est certes pas suffisant d'écrire une charte pour que les problèmes d'éthique d'une organisation soient effacés, mais en s'affichant elle apporte une base au dialogue sur le terrain pour trouver la solution quand le problème se pose.

- Les textes internationaux.

Dans son discours prononcé en 1999 au forum économique mondial de Davos, le Secrétaire général de l'ONU, Kofi Annan, a évoqué l'idée du Pacte Mondial

(Global Compact). Ce pacte invite les entreprises et les organismes des Nations Unies, le monde du travail et la société civile à se rassembler autour de neuf principes universels relatifs aux droits de l'homme, aux normes du travail, à l'environnement et depuis peu un dixième principe: la lutte contre la corruption (Gond et Igalens, 2012). Les 10 principes énoncés ont été inspirés directement ou indirectement par de grands textes tels que la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme (1948), la Convention internationale des droits de l'enfant (1989), la Déclaration de la conférence de Rio sur l'environnement et le développement (1992), le Protocole de Kyoto (1997). Ces textes ont été complétés par les textes fondateurs de la RSE tels que ceux émis, par l'OCDE (2005). L'Organisation internationale de normalisation (ISO), fin 2010, a quant à elle émit la norme ISO 26000, relative à la responsabilité sociétale des organisations, c'est un outil qui ne donne toutefois pas lieu à une certification ISO classique. Tout en assurant la pérennité économique de l'entreprise, il se veut une référence pour que celle-ci puisse mesurer par elle-même ses progrès sur sept questions centrales: « la gouvernance de l'organisation, les droits de l'homme, les relations et conditions de travail, l'environnement, les pratiques loyales des affaires, les questions relatives aux consommateurs et l'engagement sociétal » (Capron et Quairel-Lanoizelée, 2004).

Ces textes dans leur ensemble ont été et sont encore à la source de la promotion de la RSE. Toutefois, faisant appel à une mise en œuvre volontariste des entreprises, leurs engagements ont été peu contraignants. Beaucoup d'entreprises se sont contentées de déclarations d'intention d'autant que les dispositifs de contrôle n'étaient pas prévus dans le projet. Il reste cependant' que les pouvoirs politiques, concernant des problèmes sociaux ou environnementaux, révisent de plus en plus souvent leur législation et amplifient leur caractère contraignant et les sanctions afférentes, en cas de transgression.