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L'Orientalisme et les études littéraires françaises : échanges de bons procédés ?

Nous allons évoquer les travaux de toute une série d'universitaires qui ont cherché à travailler différemment sur L'Orientalisme et sur son auteur Edward Said. Plus académique que les travaux de Pascal Blanchard et Nicolas Bancel, moins opposés aux thèses défendus par Said qu'un certain type de milieu orientaliste français que nous venons d'évoquer, ils s'attachent cependant à maintenir une perspective critique concernant ces sujets. Les personnes que nous associons à ce courant, à cette mouvance, sont Daniel Lançon, Michel Murat, Sarga Moussa et Dominique Combe. Nous évoquerons en lien avec

49 Ibid.

eux, dans une certaine mesure, Guillaume Bridet et Xavier Garnier d'une part, et Ridha Boulâabi d'autre part. Nous allons expliciter les diverses raisons qui nous ont conduits à associer ces acteurs au sein du même courant.

Un séminaire : « « Orientalismes : théories, représentations, échanges culturels,

de 1750 à nos jours »

Le séminaire universitaire « Orientalismes : théories, représentations, échanges

culturels, de 1750 à nos jours » que nous allons à présent évoquer s'est déroulé entre 2008

et 2013, et a été fondé par Daniel Lançon, Sarga Moussa, Dominique Combe, à l'invitation de Michel Murat. Il s'est déroulé à l’École Nationale Supérieure de la Rue d'Ulm à Paris de manière mensuelle, avec des interventions diverses et variées de la part de ces différents universitaires51. Ce séminaire nous intéresse dans la mesure où « sur le plan théorique, les

différents intervenants ont entamé une réévaluation de l’œuvre d’Edward Saïd »52. Au sein de cette initiative importante, il est considéré que « la notion de « discours orientaliste »», utilisée par Said dans L'Orientalisme, « doit être nuancée, problématisée, historicisée »53. C'est l'un des objectifs de ce séminaire ambitieux, et dont les six années de fonctionnement témoigne du succès et de l'intérêt qu'étudiants et chercheurs portent à ces questions en France. On peut notamment insister sur la présence des idées de Said, et notamment de

L'Orientalisme dans ces réunions mensuelles, avec des interventions telles que « Saïd avant Saïd »54, animée par Daniel Lançon »55, ou « Goethe, Saïd et l’orientalisme »56 qui ont eu lieu au tout début de ce séminaire. Ainsi, ce dernier n'est pas tant centré sur

L'Orientalisme de Said en soi, que sur la remise en cause qu'il propose, à savoir celle du

courant orientaliste. Il s'agit de le revisiter pour pouvoir l'analyser à l'aune de préoccupations différentes, politiques et idéologiques notamment. Ainsi le monde de la littérature et de la littérature comparée s'est-il emparé de la perspective saidienne pour, sinon l'adopter, du moins l'étudier et voir en elle ce qu'elle pourrait nous révéler de nouveau sur les grands artistes, penseurs et écrivains orientalistes.

Un colloque : « Lectures d'E.W. Said : unité et diversité d'une pensée »

Un colloque en particulier a attiré notre attention, notamment parce qu'il mobilise plusieurs des noms que nous venons d'évoquer. Intitulé « Lectures d'E.W. Said : unité et

51 Pour plus d'informations concernant ledit séminaire, voir le Site Internet de l'ENS Paris (http://lire.ish-

lyon.cnrs.fr/spip.php?rubrique264)

52 « Présentation », Séminaire de recherche (http://lire.ish-lyon.cnrs.fr/spip.php?rubrique264) 53 Ibid.

54 « Séance sous la responsabilité principale de Daniel Lançon (Université de Grenoble 3) avec la participation des autres organisateurs du séminaire » (http://lire.ish-lyon.cnrs.fr/spip.php?article886)

55 Ibid., le 19 septembre 2008 (http://lire.ish-lyon.cnrs.fr/spip.php?article886)

56 Matthias ZACH (Université de Potsdam) et Mandana COVIDASSAMY (Université Paris 4-Sorbonne), le

diversité d'une pensée », il s'est tenu le vendredi 22 juin 2012 à la Maison de la Recherche à Paris. Organisé par Guillaume Bridet et Xavier Garnier, il a notamment réuni Sarga Moussa, Daniel Lançon, Dominique Combe et Michel Murat. Les discussions ont porté sur nombre de sujets, aussi divers que la lecture de Raymond Schwab ou de Raymond Williams par Edward Said, la singularité des « préface » (2003) et postface (1994) à

L'Orientalisme, en passant par la critique de la littérature par Said ou encore l'évocation

d'une question, pertinente, « Pourquoi l'orientalisme de Saïd est-il seulement proche ou moyen oriental ? ».

Ce colloque, au-delà de l'opportune réunion de personnes ayant beaucoup travaillé sur le thème de l'orientalisme traité par Said, a été l'occasion d'échanges sur la richesse de l’œuvre de cet intellectuel et de l'importance de L'Orientalisme en soi, mais également dans sa réception, tant l'ouvrage a été, on l'a vu, source de débats et de polémiques. Le colloque insiste également sur Said comme fondateur des études postcoloniales, et comme auteur d'ouvrages nombreux et très divers, source d'une « polyphonie » que le retard des traductions a conduit à diminuer significativement et à réduire à un seul ouvrage57,

L'Orientalisme, une analyse que nous avons déjà eu l'occasion d'évoquer. Une œuvre que

le colloque s'est attaché à montrer « plus contradictoire, […] plus riche, [… et] plus

variée »58. D'ailleurs, il est important de noter que ce colloque s'est traduit, en 2014, par un numéro de la revue Société & Représentation59, qui a repris l'essentiel des interventions du

colloque ayant eu lieu deux années auparavant. Nous avons ainsi utilisé plusieurs articles dans le cadre du présent mémoire, particulièrement pertinents s'agissant de notre bibliographie, comme nous l'avons souligné dès le chapitre 3 consacré aux relais du transfert culturel qui a lieu.

Tout cela témoigne d'idées pertinentes et d'entreprises fécondes initiées par ce troisième courant que nous avons identifié assez rapidement comme adoptant

L'Orientalisme de Said comme une œuvre importante tout en gardant une approche critique

et une volonté d'aller plus loin dans l'étude de l'orientalisme, sans pour autant condamner de manière univoque ce courant multiséculaire. Tous spécialistes d'études littéraires, de langue française ou de littérature comparée – des domaines proches des préoccupations universitaires de Said – ils ont reconnu dans L'Orientalisme une nouvelle appréhension de

57 Voir le détail de ces thématiques sur la page consacré au colloque (http://www.univ-

paris13.fr/cenel/recherche-cenel/activites-projets-cenel/journee-etudes-cenel/317-je-260612-cenel.html)

58 Ibid.

leur discipline dans sa manière de traiter avec l'Autre, et en particulier les sociétés arabes. A noter qu'au-delà même de ces trois courant que nous avons pu identifier, des initiatives isolées mais particulièrement intéressantes ont émergé en France, s'inspirant de

L'Orientalisme, et parfois des études postcoloniales, pour faire un usage différent des idées

développées par Said.