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Partie 4. L’accompagnement des jeunes et la gestion des promotions

1. Organiser le travail en collectif

Une évolution importante du travail concerne la gestion de l’accompagnement collectif et le travail en binôme. La plupart des ML recouraient déjà à des ateliers collectifs mais ponctuels, que ce soit sur les informations collectives pour les jeunes primo-arrivants, ou sur des ateliers spécifiques. Ces derniers ateliers (par exemple : rédaction CV, atelier informatique) sont conçus comme des outils utilisables dans le cadre d’une relation qui reste avant tout individualisée, jalonnée par des entre- tiens de face-à-face à différentes étapes du parcours.

Avec la GJ, l’accompagnement collectif vient considérablement modifier ces pratiques enra- cinées, d’où les formes d’appréhension symbolique du changement que nous avons notées. Il n’est pas évident d’organiser des groupes et de fonctionner selon une logique de cohorte. Plusieurs éléments très pratiques montrent la complexité de l’exercice : comment concilier des cohortes d’une durée moyenne de six semaines avec les entrées dans le dispositif, les temps de travail des conseillers etc. Pour coller au temps des cohortes, des nouvelles promotions devraient avoir lieu ainsi toutes les six semaines, ce qui ne permet aucune prise de congés aux conseillers. Si les entrées se tiennent toutes les sept ou huit semaines, alors – outre le risque de déperdition des jeunes en rai- son du temps de latence entre leur venue et leur entrée dans le programme (voir plus haut) – cela risque de conduire à devoir créer des promotions de taille plus importante. Une ML avec un volume de 100 entrées à respecter devra réaliser 8 promotions d’une douzaine de jeunes soit une occupation

effective des conseillers sur 48 semaines (8x6 semaines) sur les 52 que compte une année civile. La GJ vient donc densifier les temps de travail. À chaque ML de trouver son équation entre nombre de cohortes sur l’année, nombre de jeunes par cohorte et temps de travail des conseillers. Or, elle n’a pas la main sur l’ensemble des paramètres de cette équation, puisque le repérage des jeunes et la constitution des groupes peuvent être complexes, comme nous l’avons évoqué auparavant.

Les plus grandes ML ont davantage la main sur l’organisation des promotions. Les petites ML tra- vaillent en « flux tendu » comme l’expriment plusieurs d’entre elles (ECOLE, MUSEE) et n’ont pas les mêmes souplesses organisationnelles que les plus grandes. Toutes les petites ML nous ont rap- porté plus de difficultés que les plus grandes pour constituer des groupes de taille suffisante. Cette difficulté se pose aussi pour les antennes des grandes ML où sont localisés des binômes GJ. C’est par exemple le cas à CHATEAU où les deux antennes doivent réaliser chacune 100 entrées. Elles peuvent bénéficier de « recrutements » de jeunes résidant sur la ville de CHATEAU et invités à se rendre dans les locaux de l’antenne, ce qui est par ailleurs pour les conseillers une façon de vérifier leur motivation.

La taille des promotions peut varier d’un moment à l’autre, en fonction de différents éléments saisonniers (vacances d’été qui entraînent une baisse du flux des entrées, rentrée des classes qui produit une hausse des arrivées en décalé, vers octobre). Etre contraint d’organiser une cohorte de petite taille (par exemple 7 ou 8 jeunes) oblige la ML à devoir grossir la taille des cohortes sui- vantes, au détriment de la qualité de l’accompagnement collectif. Comme le dit un responsable de ML, la « taille optimale d’un point de vue financier » correspond à 15 jeunes (cela permet des temps de répit au niveau de l’organisation, notamment) ; « d’un point de vue pédagogique » cette taille optimale est de 12 jeunes. À CHATEAU, un objectif de 100 entrées supplémentaires a été ajouté en cours d’année, ce qui a conduit au recrutement d’un nouveau binôme. Celui-ci a dû opérer avec des groupes de taille plus élevée (entre 15 et 18 jeunes en moyenne dans les premiers mois) afin de pouvoir atteindre cet objectif annuel en un temps réduit. Certaines ML anticipent de la dé- perdition et forment des groupes de taille plus élevée.

En fait, (…) on a de la déperdition. La taille idéale d’un groupe figé, pour faire ce qu’on a à faire, dans la qualité, c’est un groupe de 12. On sait très bien qu’on aura de la déperdition, donc on monte souvent… En ce moment on monte à 16. (directrice adjointe EGLISE)

Cette responsable de la ML EGLISE insiste sur le risque de qualité dégradée en raison du manque de maîtrise sur l’ensemble du processus de repérage. Étant donné la pression sur les entrées à réali- ser, les ML travaillent en flux tendu. Si pendant un mois ou deux le nombre d’entrées est insuffi- sant, il faut alors opérer un rattrapage quantitatif, au détriment de la qualité de l’accompagnement.

Directrice. Parce qu’en fait, le problème c’est qu’il suffit d’une ou deux fois où il y ait peu de dossiers, et on l’a dans le baba. Parce que comme on est rythmés par les Commissions, on ne peut pas se dire : « On fait un rattrapage ». Après, ce n’est pas parce qu’on a, j’allais dire (pour forcer le trait), ce n’est pas parce qu’on a 40 dossiers qu’on va pouvoir faire par exemple deux groupes et gérer les deux groupes en même temps. C’est ça le problème en fait. Q. Ah oui, on ne peut pas rattraper.

Directrice. Oui. C’est que quand on…, bref. Q. Je n’ai pas compris.

Directrice adjointe. Le souci, c’est que si admettons les 40 dossiers passent, il ne faut pas oublier qu’il y a l’antériorité, c’est qu’il y a des parcours qui sont engagés, la ressource qui est mobilisée en face, il y a des groupes en cours, des locaux. Ou vous faites du quantitatif, au détriment du qualitatif (parce que j’ai vu, parce que je suis engagée dans la formation des territoires, parce qu’on m’a sollicitée pour former les territoires), j’ai vu que certains territoires réduisaient la partie collective, et ils enchaînent des groupes sans interruption, afin d’atteindre leurs objectifs. (ML EGLISE)

Les plus grandes ML peuvent par ailleurs davantage « mixer » les profils (au vu des éléments de la fiche de liaison), par exemple en termes d’âge, de répartition garçons-filles, de niveaux d’études et de difficultés identifiées ; cette mixité des profils est généralement valorisée par les formateurs dans la pédagogie collective. Des cas de groupes concentrant des profils « à problèmes » nous ont été cités comme très difficiles à gérer et produisant un « effet-groupe » négatif pour l’ensemble des participants.