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Partie 1. La mise en œuvre organisationnelle de la Garantie jeunes :

3. Les choix organisationnels réalisés par les structures de l’échantillon

3.2. ML CHATEAU (vague 2) : un changement majeur, une GJ entièrement délocalisée

La ML CHATEAU est la plus grande structure de l’échantillon. Elle est située dans une grande mé- tropole française. Toutefois cette ML est autant rurale qu’urbaine ; la métropole est en effet étendue et intègre des communes aux spécificités rurales. La ML dispose de locaux en centre-ville ainsi que deux antennes dans deux communes de 5 000 et 8 000 habitants. Depuis l’arrivée de la GJ, la ML compte une centaine de salariés. 15 postes de conseillers Garantie jeunes (CGJ) ont été créés (soit sept binômes et un poste de conseiller support créé pour suivre en individuel les jeunes accueillis au début de l’année), ainsi que deux postes administratifs, soit une augmentation des effectifs de près de 20 %. Cette augmentation rapide des effectifs pose de nombreuses questions sur la gestion du chan-

gement organisationnel dans les grandes missions locales. Rarement voire jamais auparavant, la gestion par les ML de dispositifs publics n’a conduit à de telles croissances des effectifs.

La ML a été intégrée à la vague 2 de l’expérimentation. Par rapport à la ML précédente, cela lui a donné le temps d’analyser les pratiques réalisées par les ML de la vague 1. Ce constat rejoint celui effectué par d’autres bilans intermédiaires de la GJ, selon lesquels les ML de la vague 2 ont bénéfi- cié du temps d’apprentissage des premières ML qui ont « essuyé les plâtres ». Cette ML a ainsi bé- néficié d’échanges entre pairs, de visites de sites ; de même elle a pu utiliser de nombreux docu- ments d’appui et d’analyse produits durant la première année d’expérimentation. La ML s’appuie également sur l’arrivée, début 2015, d’un nouveau directeur adjoint (le poste a été créé à cette occa- sion), en provenance d’une ML plus petite de la même région mais sur un département qui expéri- mentait la GJ en vague 1. Ce directeur adjoint a donc pu utiliser directement sa propre expérience du dispositif. Arrivé en cours d’année pour préparer la succession de l’actuel directeur, il occupe aujourd’hui une fonction centrale de pilotage de l’équipe GJ.

L’équipe GJ a en effet été initialement créée sans management. Ce sont au départ six binômes qui ont été recrutés, pour un objectif de 600 entrées. Le volume a été porté au printemps à 700, en accord avec la Direccte, ce qui a occasionné le recrutement de deux nouveaux conseillers (septième binôme). La moitié des recrutements a été fait en externe, sur des profils de poste « formateur » avec une expérience dans l’accompagnement collectif de groupes.

L’organisation matérielle de la GJ a posé problème, puisque la ML ne dispose pas de capacité d’accueil d’un tel volume de jeunes dans ses locaux du centre-ville. La ML a bénéficié du prêt de locaux par l’Afpa locale, en bordure de la ville. Quatre promotions peuvent y être reçues avec une bonne qualité d’accueil. Une cinquième promotion est localisée dans les locaux d’un centre d’information jeunesse à proximité immédiate du siège de la ML, tandis que les deux autres promo- tions sont localisées sur les deux antennes. Sans l’aide de la direction locale de l’Afpa (avec qui la ML entretenait déjà de bonnes relations professionnelles et personnelles), la ML aurait dû prendre à ses frais la location de locaux coûteux, étant donné le prix de l’immobilier locatif dans de telles grandes villes. À cet égard, le responsable de l’Afpa remet en question l’absence de consignes na- tionales de la part du Ministère de l’emploi (qui est sa tutelle) pour mettre les locaux disponibles de l’Afpa à disposition des missions locales. D’autres entretiens réalisés avec des têtes de réseau ont souligné la mise en danger financière des plus grandes missions locales en raison de ces coûts im- mobiliers.

La GJ a ainsi été lancée en début 2015 alors qu’il n’y avait pas une organisation spécifique dans la ML. Elle a aujourd’hui trouvé son modèle organisationnel avec le directeur adjoint qui manage l’équipe des conseillers, mais dans un premier temps les conseillers n’avaient pas de responsable hiérarchique direct. Sur les douze conseillers recrutés en début d’année, seuls 4 conseillers ont reçu la formation DGEFP sur le module 1. Un conseiller qui a reçu cette formation la considère comme « utile » : « elle a permis de se saisir des outils », dont certains sont tombés en désuétude (par exemple : la formation débat). Les autres CGJ ont été formés en interne, dans le cadre d’une se- maine de transmission par les conseillers qui ont suivi la formation DGEFP. Une conseillère s’est par ailleurs rendue dans une ML de la vague 1.

Pour compléter cela, vers mai-juin, la ML a recouru à la prestation externe d’un coach et formateur (qui était déjà intervenu dans le passé auprès de la ML) qui a travaillé sur le contenu des modules et l’accompagnement des conseillers, par exemple sur la gestion du collectif ou encore sur le travail en binôme. Comme le dit le directeur adjoint, il n’est pas naturel de travailler en mode « binôme », cela est très rare dans l’industrie ou dans les services. Cela nécessite de préparer les salariés. Cette formation interne complémentaire a été rendue nécessaire au regard des premiers mois où les diffé- rents binômes ont pu se sentir quelque peu déboussolés par la gestion de la GJ. Ce coaching a eu le mérite de provoquer un temps d’échange interne, alors que la communication formelle entre con- seillers des différents sites était limitée – « ça nous a fait réfléchir sur la façon de procéder, ça nous

ont pu la suivre et ont pu revenir collectivement sur leurs pratiques. Ce moment marque une véri- table réappropriation par les conseillers du dispositif ; ils ont pu le considérer comme « leur » et l’investir, alors qu’ils étaient davantage dans une posture d’exécution auparavant.

Les échanges entre les conseillers GJ et les autres conseillers de la ML ont été quasiment ab- sents. C’est à nos yeux une des principales caractéristiques de l’organisation de la GJ sur ce territoire. Localisée dans quatre lieux différents (l’Afpa, le point jeunesse et les deux antennes), la GJ se met en œuvre à distance des conseillers de la ML (à l’exception des deux antennes où les équipes, de taille réduite, sont mélangées). Cette problématique de distance n’a pas été compensée par un management spécifique. Pendant la première année, il n’y a pratiquement pas eu de réunions d’échange entre les équipes GJ et le reste de l’équipe de la ML. De fait, plusieurs collègues de la ML ont le sentiment que l’équipe GJ est à part, qu’il n’y a pas de liens entre eux. Au niveau des relations de travail, les CGJ n’échangent pas avec les conseillers prescripteurs, ils n’ont même pas de fiche de liaison. A un niveau plus subjectif, ces derniers trouvent difficile de ne pas connaître les conseillers GJ, pour la plupart de nouvelles recrues. Cela crée des formes « de jalousie,

d’incompréhension » selon le directeur adjoint. Les CGJ ont en effet (sur le papier) moins de jeunes

en suivi, ils auraient – selon la perception qui en est faite – plus de moyens, etc.

La direction n’a certainement pas anticipé suffisamment ces changements majeurs et reconnaît cette difficulté. Aujourd’hui, elle essaye d’améliorer la communication interne, par différents canaux. D’abord, l’équipe de la GJ est officiellement managée par le directeur adjoint. Ensuite, des conseil- lers insertion et des conseillers GJ participent désormais, en rotation, aux réunions de comité de bassin d’emploi qui se déroulent tous les 15 jours. Cela permet de se rencontrer et de se connaître. À partir du début 2016, les nouveaux groupes de jeune auront systématiquement un conseiller « classique » associé. Ce dernier passera au moins un jour sur l’accompagnement collectif. Cela permet aux conseillers insertion de visualiser ce qu’est en pratique l’accompagnement collectif, qui, de l’extérieur voire de loin, peut être l’objet de divers fantasmes. Cette ML a finalement trouvé son modèle organisationnel au fil de l’eau, sans faire l’objet de tensions aussi vives que dans la ML EGLISE, mais au prix d’une faible communication entre les différentes équipes (équipe GJ, équipe des conseillers insertion, équipe emploi – nous reviendrons plus bas sur l’impact de ces relations de moindre intensité entre l’équipe GJ et l’équipe emploi).

3.3. ML ECOLE (vague 2) : l’insertion sereine d’un nouveau dispositif en interne