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ET ORGANISATIONS ANALOGUES

INTRODUCTION

La loi fédérale sur les cartels et organisations analogues a été votée par les Chambres fédérales le 20 décembre r962.1 Elle veut apporter pour la Suisse une solution à un des problèmes de droit économique les plus agités de notre temps : celui du régime juridique des restrictions privées mises à la liberté de concurrence 2

1 Elle est entrée en vigueur le 15 février 1964.

2 Le constituant a posé la première pierre de l'édifice législatif en adop-tant, le 6 juillet 1947, un article 31 bis, 3° al., lit. d, autorisant la Confédéra-tion à édicter des disposiConfédéra-tions pour « remédier aux conséquences nuisibles, d'ordre économique et social, des cartels ou des groupements analogues ».

En 1950, la commission fédérale d'étude des prix a été chargée d'établir un rapport général sur le problème des cartels. Ce rapport a paru en 1957 sous le titre : « Les cartels et la concurrence en Suisse. n Ce rapport sera cité ci-après : CEP.

Dans l'intervalle, en 1955, a été déposée une initiative populaire contre l'abus de la puissance économique. Cette initiative visait à interdire en prin-cipe les cartels en déclarant illicites, sauf certaines exceptions, toutes les mesures et conventions destinées à limiter la concurrence, à créer des mono-poles ou des situations analogues, ou à obtenir des avantages excessifs au détriment du consommateur (cf. rapport du Conseil fédéral du 3 février 1957, FF 1957 I 356). Le 28 janvier 1958, le peuple et les cantons se prononcèrent pour le rejet. Dans son rapport sur l'initiative, le Conseil fédéral avait annoncé son intention d'entreprendre la préparation d'une loi sur les cartels dans le cadre de la disposition constitutionnelle.

Le 9 juillet 1957, le Département fédéral de l'économie publique avait institué une commission d'experts de la législation sur les cartels. En avril 1959, cette commission a soumis au département un rapport accompagnant un projet de loi : « Préparation d'un loi fédérale sur les cartels et les

organis-~es analogues n (ci-après rapport des experts). Après la consultation des

Ce n'est pas l'objet de cette étude de définir ce que devrait être la position du législateur face aux cartels et aux organisations qui cherchent à influencer le marché. Le temps des considérations de lege ferenda est passé. Il s'agit maintenant de comprendre la loi qui nous est livrée par le Parlement, d'en discerner les idées maîtresses, bref d'en saisir l'esprit, afin de préparer les voies à son application. Cette recherche du sens et de la portée d'un texte législatif apparaît tout spécialement importante pour la loi sur les cartels, car - outre sa brièveté : 23 articles contre rog pour la loi l'appréciation du juge. Or, ici comme dans le Code civil, la connais-sance de l'esprit de la loi doit guider son interprétation et le com-blement de ses lacunes 1

Pour reconstituer cet esprit, nous nous proposons de refaire le chemin parcouru par le législateur.

Le législateur s'est trouvé confronté à certains comportements économiques, qui sont le fait de cartels et d'organisations projet reflète, pour l'essentiel, l'opinion des experts (message, p. 3).

Le projet a été discuté par les Chambres fédérales au cours de l'année 1962 (Bull. stén. CE, p. 186, 3n, 341; C.N., p. 595, 612, 823, 825).

a été adopté par les deux Chambres le 20 décembre 1962. Le référendum n'a pas été demandé.

1 La lettre de la loi est supposée connue. On sait que l'œuvre législative comprend trois parties (sans compter les dispositions finales) : I. Champ d'application. II. Dispositions de droit civil et de procédure civile, comportant deux titres : I. Entraves à la concurrence de tiers. 2. Engagements internes des membres des cartels. III. Dispositions de droit administratif, avec ses deux titres : I. Organisation et tâches de la commission des cartels. 2. Action administrative. Au cours de cet exposé, les textes les plus topiques seront cités.

Consulter sur la nouvelle loi: L. ScHÜRMANN, Der Geltungsbereich des Kartellgesetzes, Revue Wirtschaft und Recht, 1963, p. 77-98 ; H. GlGER, Grenzen der Privatautonomie im Kartellrecht, Zurich 1964.

logues. S'il entendait les réglementer, le droit positif, tant privé que public, lui fournissait un certain nombre d'« indications» plus ou moins précises. Nous voudrions, pour commencer, reconnaître les phénomènes économiques dont avait à s'occuper le législateur et inventorier les données dont il disposait pour les régir.

Les indications livrées par le droit en vigueur se révélant insuffisantes, le législateur a voulu se former un jugement sur les restrictions privées de la concurrence. A l'école d'économistes et de juristes, il en est arrivé à établir un certain postulat de poli-tique économique et juridique qui peut être tenu pour la pensée législative. Nous nous attacherons, en second lieu, à en définir les contours.

Comment le postulat central a-t-il trouvé son expression dans la loi? Quelles sont les options qu'il a déterminées ? En quoi les solutions législatives s'en inspirent-elles? C'est ce que nous tente-rons de montrer pour terminer.

1. LES DONNÉES LÉGISLATIVES

I. ·Le phénomène des cartels et les phénomènes analogues Ces phénomènes sont connus 1Leur description schématique ressort des définitions de la loi et des états de fait qu'elle vise.

Des entrepreneurs indépendants (producteurs ou importateurs de matières premières, fabricants, grossistes, intermédiaires, détaillants, membres des professions libérales) concluent entre eux des conventions (parfois même sans force obligatoire : gentlemens agreement's) ou prennent ensemble des décisions par lesquelles ils limitent leur liberté de concurrence ; ces conventions et ces décisions influencent ou sont propres à influencer le marché des biens ou des services auxquels elles se rapportent. Ce sont des cartels (art. 2,

al. r). Le but de ces accords est d'améliorer le revenu des parties ou d'en atténuer le fléchissement 2

C'est en réglant notamment la production, la vente ou l'acquisi-tion de marchandises, ainsi que les prix et autres condil'acquisi-tions, que les cartels limitent collectivement la concurrence (art. 2, al. r in fine).

1 Le rapport de la CEP cité à p. 193 fournit sur ces phénomènes écono-miques une documentation sans doute complète pour la Suisse.

2 CEP, p. 193·

contestations seraient de celles qui portent sur des droits dont les parties ne peuvent disposer tout à fait librement.

En résumé, eu égard aux engagements internes à caractère de cartel, l'indication était largement favorable à la liberté des ententes, sans qu'on doive négliger les amorces d'une interprétation res-trictive.

b) Contrainte cartellaire externe

La leçon est différente en ce qui concerne la contrainte cartellaire externe. Dans son arrêt Giesbrecht du 20 décembre I96o (ATF 86 II 365), le Tribunal fédéral a, sans doute définitivement, placé le problème du boycott sur son véritable terrain, celui d'une atteinte à un droit de la personnalité tendant au libre exercice d'une activité économique 1 La personnalité protégée par l'art. 28 CC implique une liberté du commerce et de l'industrie de droit privé. Cette liberté enveloppe la faculté pour l'individu d'entrer dans le circuit des affaires (ou du travail), d'y choisir ses partenaires, de conclure ou de ne pas conclure et, s'il conclut, de le faire sans pression extérieure.

Le Tribunal fédéral s'appuie, pour fonder le droit à la personnalité économique, sur l'art. 31 Cst. féd. qui ferait entendre que l'économie suisse doit reposer sur la libre concurrence (ci-dessous 2).

Mais toute cessation concertée de relations économiques avec un tiers - le boycotté - n'est pas illicite ; le Tribunal fédéral admet que le boycotteur puisse se justifier s'il invoque des intérêts légitimes manifestement prépondérants, qu'il ne peut sauvegarder d'autre manière (principe de subsidiarité). Il n'est donc pas dit que l'immix-tion dont le cartel se rend coupable dans les rapports d'un dissident avec ses partenaires naturels ne soit pas en définitive légitime en vertu d'un certain droit d'intervention exercé par les boycotteurs au nom même de leur liberté de coalition 2 Aussi bien l'arrêt être mis en discussion devant eux, alors qu'il peut l'être devant le juge de l'Etat (p. 159 a-161 a).

1 Sur cet arrêt, cf. notamment M. UsTERI, Zwischen wirtschaftlicher Kollekt-iv- und Einzeltyrannei, Wirtschaft und Recht, 1961, p. 86 sv.; H. DEs-CHENAUX, La nouvelle jurisprudence du Tribunal fédéral en matière de boycott et l'avant-projet de loi sur les cartels, Wirtschaft und Recht, 1961, p. 137 sv.

2 Sur ce droit d'immixtion, qui découle de droits absolus, comme les droits de la personnalité, cf. JA.GGI, op. cit., 195 a.

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Giesbrecht pose-t-il le problème en termes de conflit de droits, tout en insistant sur le caractère privé des intérêts opposés 1Dans cet arrêt, le Tribunal fédéral ne donne guère de critères pour procéder à l'arbitrage du conflit des droits. Il se borne à poser deux règles:

la première: ce n'est pas nécessairement l'intérêt économique le plus important qui doit l'emporter; l'auteur du boycott n'est pas dans son droit du seul fait que les avantages qu'il recherche sont supérieurs au dommage subi par le boycotté ;

la seconde : le fait qu'un entrepreneur est en mesure de réduire ses coûts de production par une organisation judicieuse de son entreprise et, partant, d'abaisser les prix qu'il demande à ses clients ne constitue pas un motif légitime permettant de le boycotter, même si son comportement peut ébranler la structure traditionnelle d'une branche économique.

Mais, pour le surplus, on a lieu de penser que le Tribunal fédéral ne renierait pas, sur le terrain de la justification du boycott par des intérêts légitimes prépondérants, telle considération émise naguère sous l'angle d'une simple comparaison des intérêts en présence. On pense non seulement aux raisons d'économie d'entre-prise qui peuvent légitimer des discriminations, mais aussi à l'intérêt supérieur de la collectivité à une organisation rationnelle et adéquate de la branche (arrêt Jud 2), à la protection des cartels d'exportation (arrêt Triebold 3), à la lutte contre la concurrence déloyale, contre la sous-enchère et l'avilissement des prix (arrêts J ud et Triebold 4), voire à la garantie de la formation professionnelle (arrêt Jud 5).

En résumé, quant aux entraves à la concurrence dirigées contre des tiers, l'indication (récente) fournie par le droit privé était en principe défavorable aux cartels, sans qu'on pût mesurer - en

1 P. 378, en voulant apparemment exclure une référence à l'intérêt général, par opposition à l'avant-projet de loi en discussion. A ce sujet, H. DESCHENAux, article précité, p. 150-151.

2 ATF 7611950 II 288-289.

3 ATF 85/1959 II 498.

4 Arrêts précités, ibidem.

5 ATF 76 II 289-290. - Sur les justifications possibles du boycott après l'arrêt Giesbrecht, cf. H. DESCHENAUX, article précité, p. 152-160.

l'état de la jurisprudence - les chances des justifications qu'ils pourraient avancer 1

En revanche, il faut constater que les moyens tirés du respect de la personnalité économique ne permettent guère d'atteindre les entreprises puissantes et les concentrations d'entreprises qui, par leur seule force, peuvent exercer une pression sur le compor-tement économique de leurs partenaires - aussi longtemps du moins qu'elles n'entrent pas dans le jeu d'une convention à caractère de cartel. Le refus pur et simple de livrer, tout comme des prix et conditions discriminatoires pratiqués par des entreprises mono-polistes ou oligomono-polistes ne répondent pas à la notion de boycott comme abstention organisée de relations d'affaires. A la limite, de tels comportements peuvent être contraires aux bonnes mœurs (art. 4r, al. 2 CO) 2; ils ne peuvent guère entraîner, de par le droit civil, une interdiction qui se traduirait par une obligation de contracter (Kontrahierungszwang) 3, 4

1 Si l'indication est différente pour la contrainte interne et pour la est d'amener le boycotté à faire quelque chose ou à s'abstenir de faire quel-que chose (adopter un certain comportement économique ou renoncer à son activité). Cette conception paraît excessive en ce qu'elle tend à condamner toute influence, même non organisée, sur le comportement ultérieur d'un client; tout accord bipartite sur les prix de revente serait illicite. Cf.

DEs-CHENAUX, La nouvelle jurisprudence .. ., p. 146-147.

4 Le droit privé en vigueur soumet à un régime spécial les restrictions apportées à la concurrence sur le marché du travail. Des dispositions régissent les conventions collectives de travail (art. 322 à 323 quater CO, dans la rédaction que leur a donnée la LF du 28 septembre 1956 permettant d'étendre le champ d'application de la convention collective de travail). Ces dispositions n'interdisent pas l'assujettissement d'un outsider à la convention collective de travail (cf. ATF 74/1948 II 167; 75/1949 II 205 ; 85/1961 II 551). En revanche, l'art. 2 de la loi de 1956 soumet l'extension du champ d'application de la convention collective à diverses conditions destinées à garantir la liberté d'association et la possibilité pour les associations d'employeurs et de travailleurs non signataires, comme pour les employeurs et fravailleurs individuellement, de pouvoir adhérer à la convention (ch. 5-7).

2. Droit public

C'est le contexte constitutionnel que nous considérerons. Le contexte législatif ne peut fournir d'indication générale 1 •

L'article 31 Cst. féd. garantit la liberté du commerce et de l'industrie. Chacun sait que la protection assurée par la Constitution ne vise que les rapports entre les particuliers et l'Etat, et non ceux de particuliers entre eux. Un individu ne peut invoquer cette protection contre des atteintes à sa liberté. économique venant d'autres individus 2Des auteurs, notamment des auteurs récents 3, soutiennent que l'article 31 Cst. institutionnaliserait en quelque sorte le régime de la libre concurrence par l'effet d'une sorte de

« Drittwirkung » de la loi fondamentale sur le droit privé. Selon d'autres auteurs, la disposition constitutionnelle garantirait sim-plement la structure privée de l'économie, même si elle prend des formes monopolistes ; elle consacrerait seulement un principe de non-intervention étatique 4 Le Tribunal fédéral incline à donner raison aux premiers quand il dit que l'article 31 Cst. f. ne laisse pas de faire entendre que l'économie suisse doit reposer sur la libre concurrence, et que par conséquent son jeu ne doit pas être empêché

1 Les mesures de protection prises par l'Etat en faveur de certaines branches, notamment de l'agriculture, ne sont pas révélatrices d'un esprit généralement favorable aux restrictions de la concurrence, encore qu'elles installent ou conservent dans de larges secteurs des organisations de type cartellaire (p. ex. associations laitières). Des règles spéciales s'appliquent aux tarifs des entreprises publiques (par art. II, al. 2, et art. 14 LF sur les trans-ports par chemins de fer) ; si des dispositions de ce genre peuvent autoriser la conclusion d'accords de faveur avec certains clients, on ne peut en tirer aucune indication sur les tendances du législateur suisse en matière de concurrence.

2 ATF 86/1960 II 376, 82/1956 II 302, 62/1936 II IOO.

3 W. BURCKHARDT, Kommentar der Bitndesverfassung, édit., 1931, p. 233; EGGER, Kommentar, Personenrecht, 2• édit., art. 28, rem. 10; SIMONIUS, Ein verkanntes Freiheitsrecht, Festgabe fitr Erwin Ruck, 1956, p. 261 sv., 275 ; MERZ, op. cit., p. 20; H. HUBER, Staatsrecht des Interventionismus, p. 175;

Das Kartellproblem au/ der Verfassungsstufe, Wirtschaft und Recht, 1955, p. 166; W. HuG, Zur gesetzgeberischen Ausführung des Kartellartikels der Bitndesverfassung, Wirtschaft und Recht 1958, p. 89 sv., 98.

4 NEF, Liberté du commerce et de l'industrie, FJS 1950, p. 8; MARTI, Die Handels- und Gewerbefreiheit nach den neuen Wirtschaftsartikeln 1950, p. 19, 28-29, 74, 157, 175-176; KuNDERT, Die Befugnisse des Bundes au/ dem Gebiete des Kartellwesens, thèse Zurich 1954, p. 71 sv., 78 sv.

par des accords privés 1Il semble bien en effet que le constituant de r874 soit parti de l'idée que, une fois libérée des contraintes étatiques, la vie économique allait se dérouler selon le système de l'offre et de la demande, mais sans penser que la liberté même des contrats pouvait amener les industriels et les commerçants à restreindre d'un commun accord le jeu de la libre concurrence 2 • Cela étant, s'agit-il d'autre chose que d'un présupposé du consti-tuant? Et un tel présupposé a-t-il en soi la valeur d'un principe constitutionnel débordant sur la sphère des relations privées?

Mais, admettons-le. On est aussitôt plongé dans la perplexité par l'article 3r bis, alinéa 3, lit. d de la Constitution. C'est un des articles économiques introduits en r947:

La Confédération a le droit, en dérogeant, s'il le faut, au principe de la liberté du commerce et de l'industrie, d'édicter des dispositions ...

pour remédier aux conséquences nuisibles, d'ordre économique et social, des cartels ou des groupements analogues.

Sur le problème de la signification de l'art. 3r Cst., on relève ceci: pour permettre au législateur de réglementer les cartels, le cons-tituant l'autorise à déroger, s'il le faut, à la liberté du commerce et de l'industrie. Il ne peut s'agir de -déroger au système de la libre concurrence, puisque les cartels sont, par nature, des ententes qui restreignent la concurrence. La question, pour le constituant de r947, était d'empêcher les cartels d'en appeler à la liberté des conventions vis-à-vis de l'Etat, c.-à-d. à l'exemption des contraintes dont jouit à cet égard l'économie 3

Sur le fond, il faut faire l'observation suivante:

L'article 3r bis, lit. d, en donnant au législateur le pouvoir de lutter contre les abus des cartels, commence par leur accorder une sorte de reconnaissance. Les cartels ne sont pas jugés mauvais per se; ils sont légitimes. On peut se risquer à le dire: le consti-tuant admet qu'ils exercent une fonction saine dans notre ordre économique; sinon, il les aurait interdits ou il les aurait seulement

1 Arrêt Giesbrecht, p. 376. Cf. déjà un passage d'un ATF 45 I 358, cité par HuG, lac. cit.

2 Cf. DESCHENAUX, article précité, p. 144-145.

3 Cf. L. ScHÜRMANN, Der Kartellartikel der Bundesverfassung, Wirtschaft und Recht, 1958, p. 181 sv., qui s'appuie sur la genèse de l'art. 31 bis, al. 3, lit. d.

tolérés à certaines conditions. Il s'ensuit une conséquence importante que le législateur devait enregistrer: la réglementation qu'il pouvait édicter ne devait tendre qu'à remédier aux conséquences nuisibles des cartels ; elle ne pouvait pas les proscrire ; M issbrauchsgesetzgebimg non pas Verbotsgesetzgebung. Cette ligne de conduite s'est définitive-ment imposée au législateur après que le peuple suisse eut rejeté, en 1958, une initiative populaire contre l'abus de la puissance économique, initiative qui visait précisément à interdire en principe les cartels, sous réserve de certaines exceptions.

Quant aux abus des cartels, ils ne peuvent pas consister simplement dans les restrictions qu'ils apportent à la libre concur-rence, car il est de leur essence d'altérer le jeu de l'offre et de la demande, ce qu'ils ont le droit de faire, puisqu'ils sont reconnus.

Cependant les entraves qu'ils mettent au déploiement normal des facteurs économiques peuvent être excessives, non seulement eu égard aux intérêts des consommateurs mais aussi eu égard à certains postulats de politique économique dictés par l'intérêt général.

Quels sont ces postulats, c'est ce que la Constitution ne dit pas, en tout cas pas d'une façon claire.

Au titre de la répression des abus des cartels, le législateur pouvait intervenir pour édicter non seulement des règles de droit civil, mais aussi des règles de droit administratif, voire de droit pénal. A partir de considérations d'intérêt public, il pouvait même être amené à infléchir les solutions du droit privé dans un sens ou dans l'autre - en montrant plus ou moins de sévérité pour telles manifestations des cartels. Ce qui n'exclut pas que les considérations de protection de la personnalité économique pouvaient à leur tour guider les pas du législateur administratif. Enfin l'art. 31 bis, lit. d autorise formellement le législateur à s'en prendre aux abus d'organisations autres que des cartels: trusts, concerns et autres organismes de domination du marché 1

1 Le terme de cartel, utilisé par la Constitution, évoque essentiellement les pratiques restrictives sur le marché des biens. C'était une raison pour le législateur- à côté de considérations tirées de la nature différente du marché du travail- pour excepter de sa réglementation les décisions, conventions et mesures qui ne concernent que les rapports entre employeurs et travailleurs, cf. message, p. 20.

En définitive, pas plus que les règles du droit civil, les normes constitutionnelles ne traçaient clairement au législateur la voie à suivre. Il lui fallait un fil conducteur pour le guider à travers les postulats antinomiques et les intérêts opposés. Il était acculé à la nécessité de se former un jugement propre sur l'effet bénéfique ou maléfique des cartels et des organisations analogues, sous l'angle de l'intérêt général et au regard des principes de notre droit. Seul ce jugement de valeur pouvait lui dicter les solutions législatives à

En définitive, pas plus que les règles du droit civil, les normes constitutionnelles ne traçaient clairement au législateur la voie à suivre. Il lui fallait un fil conducteur pour le guider à travers les postulats antinomiques et les intérêts opposés. Il était acculé à la nécessité de se former un jugement propre sur l'effet bénéfique ou maléfique des cartels et des organisations analogues, sous l'angle de l'intérêt général et au regard des principes de notre droit. Seul ce jugement de valeur pouvait lui dicter les solutions législatives à