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c. Production des ARNm

3. Optimisation des ARNm vaccinaux

Ces dernières années, beaucoup d’études se sont intéressées à l’amélioration des ARNm vaccinaux pour augmenter leur stabilité extra et intracellulaire et leur capacité de traduction, et influencer sur leur immunogénicité26,55. Les ARNm sont des biomolécules extrêmement versatiles : des modifications peuvent être apportées sur l’ensemble des régions présentes dans la séquence de l’ARNm antigénique.

Modifications au niveau de la coiffe

Une structure particulière appelée coiffe, correspondant à une guanosine méthylée en position N7 (m7G) et liée à la partie 5’ des ARNm par une liaison 5’-5’ triphosphate, peut être ajoutée aux ARNm au cours de la synthèse in vitro de ces derniers. La présence de cette guanosine méthylée est essentielle à la traduction de l’ARNm en protéine, en aidant à la reconnaissance par la machinerie de traduction. Il existe deux approches majeures pour permettre l’ajout de cette coiffe aux ARNm transcrits in vitro, présentant chacune des avantages et des inconvénients.

La première technique est basée sur l’utilisation d’enzymes recombinantes dérivées du virus de la vaccine56. Ce complexe porte trois activités enzymatiques (une activité ARN tri-phosphatase, guanylyl-transférase et guanine méthyl-transférase) nécessaires à l’ajout d’une coiffe cap 0 (m7GpppN) ou d’une cap 1 (m7GpppN 2’O-methyl-NpNp). La cap 1 produite est identique à la coiffe qui est le plus souvent trouvée dans les ARNm eucaryotes26. Cependant l’utilisation de ce complexe

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nécessite l’ajout d’une étape enzymatique supplémentaire qui peut compliquer la production à grande échelle.

La deuxième technique est basée sur l’utilisation d’analogues de coiffe. Les premières études ont utilisé les coiffes analogues de type m7GpppG. Cependant, il a été montré que cette dernière était souvent incorporée dans le sens inverse lors de synthèse in vitro, induisant la mauvaise position de la m7G et une reconnaissance altérée par la machinerie de traduction26. Avec cette coiffe analogue conventionnelle, seulement un tiers des ARNm seraient correctement coiffés57. Une coiffe anti-reverse analogue ou ARCA a alors été développée pour permettre la mise en place de la coiffe uniquement dans le bon sens. Il a été montré que la présence de cette coiffe permet de doubler la capacité d’expression des protéines in vitro, en lysat de réticulocyte de lapin58. Cette coiffe a montré un intérêt particulier pour l’augmentation de la demi-vie des ARNm59, mais également pour l’induction d’une meilleure production de protéines en culture60. Depuis la première utilisation de cette coiffe, des modifications lui ont été apportées au niveau du pont triphosphate dans le but d’éviter le décrochage de la coiffe et ainsi de favoriser la liaison des facteurs de traduction. Cette coiffe ARCA modifiée a montré de bons résultats au niveau de l’allongement de la demi-vie et de l’efficacité de traduction in vitro61.

De plus, des études récentes ont montré l’existence de structure en 5’ similaire à la coiffe des ARN eucaryotes dans plusieurs espèces bactériennes. Ces structures, et notamment la nicotinamide adénine dinucléotide (NAD+ et NADH) et la coenzyme A dephosphorylée (dpCoA), peuvent réguler la stabilité des ARNm62.

Modifications au niveau des régions 5’ et 3’ UTR

Les régions non traduites (UTR pour untranslated region) sont impliquées dans la régulation de l’expression des gènes, notamment en régulant l’efficacité de traduction, la localisation subcellulaire et la stabilité des ARNm63,64. L’optimisation des parties 5’ et 3’ UTR est donc très importante dans le design du vecteur antigénique.

Dès le début de production d’ARNm par transcription in vitro, les séquences comportaient des régions 5’ et 3’ UTR et notamment celles du gène de la β-globine du Xénope. La présence des régions 5’ et 3’ de la β-globine du Xénope a montré un réel avantage au niveau de l’efficacité de traduction dans des lignées cellulaires35,65. De nombreuses études ont cherché à comparer l’influence de ces régions sur l’efficacité de traduction des protéines. Par exemple, le groupe de Holtkamp et al. a montré que la liaison de deux régions 3’ UTR de la β-globine du Xénope permettait d’obtenir un niveau de protéine plus important et une persistance d’expression meilleure qu’en présence d’une seule séquence 3’UTR35. La combinaison de la région 5’UTR de la β-globine et de la région 3’UTR de l’α-globine du Xénope est également connue pour stabiliser les ARNm66. Ces régions UTR sont

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très largement utilisées dans les séquences d’ARNm ayant une visée thérapeutique67,68. Des études ont également été menées en utilisant des séquences UTR issues de divers organismes. Par exemple, il a été montré que la région 5’UTR du virus de la gravure du tabac (ou tobacco etch virus) augmentait l’efficacité de traduction dans différents types de cellules et dans le modèle la souris69,70. De plus, la région 5’UTR de la protéine humaine Hsp70, comportant des éléments importants à la régulation post-transcriptionnelle, a permis d’augmenter la traduction in vitro en cellules de mammifère71.

En fonction du besoin thérapeutique, la production de protéines peut être nécessaire sur une durée courte. Pour cela, des séquences riches en A et U peuvent être ajoutées dans les régions 3’UTR, pour permettre une dégradation rapide de l’ARNm et ainsi une expression sur un temps limité72. Modifications au niveau de la séquence du gène

Plusieurs modifications peuvent être apportées directement dans les séquences codantes (ORF) pour modifier leur reconnaissance par les récepteurs de l’immunité innée, de favoriser la stabilité et l’expression des ARNm, et ainsi d’induire une réponse immunitaire soutenue et adaptée. Nous décrirons dans cette partie uniquement certaines modifications majeures ayant un impact sur la vaccination à ARNm.

Au cours de l’initiation de traduction, les facteurs d’initiation eIF se lient à la partie 5’ et la protéine de liaison à la queue poly-A (PABP) au niveau de la partie 3’ et plus particulièrement au niveau de la queue poly-A. La liaison de ces protéines permet la reconnaissance du codon d’initiation AUG. Dans le but d’éviter les initiations défectueuses, la présence de la séquence Kozac (A/G CCAUGG) englobant le codon d’initiation a montré un réel avantage. Cette séquence ainsi que la séquence entourant le codon de terminaison peuvent être optimisées pour permettre une meilleure efficacité de traduction73,74.

Des observations menées sur les ARNm naturels ont également montré une corrélation entre la quantité de nucléotides modifiés dans les ARNm et le potentiel d’activation des réponses immunitaires. L’apport de nucléotides modifiés naturels dans les séquences d’ARNm, telles que la pseudouridine (ψ), la 5-méthyluridine (m5U), la 2-thiouridine (s2U), la 5-méthylcytidine (m5C) et la N6-méthyladénosine (m6A) ont notamment montré un intérêt. L’ajout de nucléotides modifiés dans les séquences des gènes permet de réduire la reconnaissance par les récepteurs de l’immunité innée et d’augmenter l’efficacité de transfection, tout en gardant une induction résiduelle des interférons de type I et des cytokines pro-inflammatoires36,75,76. Le groupe de Kariko et al. a notamment montré que la modification des uridines (m5U, s2U ou pseudouridines) conduit à l’incapacité des ARNm à activer les DC primaires. De plus, ils ont montré que les modifications m6A ou s2U suppriment la capacité de reconnaissance des ARNm par TLR3 alors que les modifications m5C, m5U, s2U, ψ ou m6A induisent une altération de la reconnaissance par les récepteurs TLR7 et 846,75. De plus, il a été montré

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que l’apport de m5C et/ou de ψ dans les séquences d’ARNm augmente de 9 fois l’expression de protéines en culture77, et apporte une meilleure stabilité in vivo en souris70,78. Des études plus récentes ont montré que la modification m1ψ (1-méthylpseudouridine) augmente de 13 fois l’expression de la protéine in vivo par rapport à un ARNm portant des ψ ou des m5ψ24. Cependant, nous pouvons noter qu’à l’inverse des études menées par le groupe de Kariko et al., deux groupes ont montré que la présence de ces nucléotides modifiés n’améliorait pas l’efficacité de traduction79,80.

Ces dernières années, plusieurs équipes se sont intéressées à l’ajout d’un peptide signal, court peptide de 5 à 30 nucléotides, à l’extrémité N-terminale des protéines pour permettre d’adapter la distribution des ARNm dans la cellule81–83. Cette modification se fait par ajout de la séquence du peptide signal en amont de la séquence de l’antigène. Ce signal permet aux protéines traduites de se diriger plus spécifiquement dans un compartiment cellulaire donné. Dans le cas d’ARNm codant pour des protéines antigéniques, la présence de ce peptide signal peut permettre d’orienter la protéine vers les voies de dégradation par le protéasome ou les lysosomes, ce qui conduit à l’induction de réponses immunitaires cyctotoxiques et humorales, respectivement.

Modifications au niveau de la queue poly-A

La queue A représente la structure terminale des ARNm antigéniques. Cette queue poly-A a également montré un avantage particulier dans la stabilisation des poly-ARNm, mais aussi sur leur traduction en protéine en agissant de manière synergique avec la coiffe63. Cette structure peut être ajoutée aux ARNm soit par une réaction enzymatique de polyadénylation après synthèse in vitro, soit par clonage d’une queue poly-A directement dans la séquence de l’ADN plasmidique modèle. Cependant, il est important de noter que la taille de la queue poly-A obtenue par synthèse enzymatique est dépendante des conditions de réaction, et notamment du temps de réaction et de la quantité de polymérase35. Pour contrôler le nombre de nucléotides et permettre une bonne reproductibilité, la méthode d’ajout du nombre souhaité de nucléotides dans la séquence de l’ADN plasmidique est donc plus adaptée.

Comme vu précédemment, cette structure est essentielle à la protection des ARNm vis-à-vis des phénomènes de dégradation, et influe donc sur la demi-vie de ces derniers. La taille de cette structure a été très étudiée ces dernières années afin d’identifier le nombre de nucléotides optimal pour obtenir la meilleure expression35,84. Dans un premier temps, les ARNm utilisés dans les études précliniques comportaient des queues poly-A avec une taille de 30 à 70 nucléotides, et des essais cliniques ont été réalisés avec une taille de 64 nucléotides35. Cependant plusieurs études ont montré l’avantage de l’allongement de la queue poly-A sur l’efficacité de traduction. Les transcrits ayant une queue poly-A plus courte sont plus rapidement dégradés et induisent une quantité de protéine plus faible et de manière moins prolongée dans le temps35. Grâce aux résultats de plusieurs études, il a été

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conclu que la taille optimale de la queue poly-A pour les ARNm transcrits in vitro est comprise entre 120 et 150 nucléotides35,63,85.

Dernièrement, le groupe de Uchida S. et al. a construit un ARNm comportant une séquence double brin uniquement au niveau de la queue poly-A, en réalisant une hybridation avec une séquence poly-U. Cette construction favorise la reconnaissance des ARNm par les récepteurs TLR3 et RIG-I, et la sécrétion de cytokines pro-inflammatoires. De plus, cet ARNm est traduit efficacement en protéine et induit des réponses immunitaires humorale et cytotoxique in vivo chez la souris significativement plus fortes qu’avec un ARNm classique86.

Combinaison des modifications

La combinaison des modifications amplifie les avantages de ces changements. Dès les premiers tests, la présence d’une coiffe et des régions UTR de la β-globine ont montré une efficacité de traduction des ARNm 1000 fois plus importante qu’avec un ARNm sans ses éléments65. De plus, de nombreuses études ont montré l’effet synergique de la présence d’une coiffe et d’une queue poly-A pour induire une meilleure efficacité de transfection84,85,87. La présence de ces deux structures semble en effet favoriser la formation d’un complexe entre la coiffe et la queue poly-A, via les facteurs eIF4 et PABP, permettant la formation d’une boucle qui aide au recyclage des ribosomes87

et permet la protection des ARNm88. Depuis, de nombreuses études utilisant des combinaisons de modifications au niveau de plusieurs régions ont été publiées35,85.

Les études semblent s’entendre sur certaines modifications essentielles, comme la présence d’une coiffe, des régions 5’ et 3’UTR, ou d’une queue poly-A de taille comprise entre 120 et 150A, mais la présence de certaines modifications, comme l’ajout de nucléotides modifiés, fait encore débat. Un résumé des modifications les plus couramment citées et donnant les résultats les plus prometteurs est présenté dans le Tableau I.

Bien qu’aucun design idéal n’ait été décrit, il est important de noter que les modifications doivent être adaptées au pathogène ciblé afin d’induire la réponse immunitaire la plus proche de celle obtenue dans le cas d’une infection naturelle. L’ensemble de ces modifications peut en effet induire des changements au niveau de la structure secondaire des ARNm, sur la traduction et les modifications post-traductionnelles apportées aux protéines antigéniques, et ainsi sur les portions antigéniques présentées et l’induction des réponses immunitaires23.

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Tableau I : Modifications recommandées pour un vecteur optimal.

Régions Modifications optimales Fonctions Ref

Coiffe ARCA / ARCA modifiée Augmente la stabilité et l’efficacité de traduction 59–61

5’ et 3’ UTR Séquence de β-globine Augmente la stabilité et l’efficacité de traduction 35,65–68

ORF

Séquence Kozak Favorise l’expression 73

Nucléotides modifiés (ψ, m5C etc…)

Diminue la reconnaissance par les PRR et l’induction de IFN-I

Augmente la stabilité et l’efficacité de traduction

46,70,75–78

Addition d’un peptide signal Orientation de la réponse 81–83

Queue poly-A

Taille entre 120 et 150 pb Augmente la stabilité et l’efficacité de traduction 35,63,85

ARN db sur la queue poly-A Augmente l’immunogénicité, la stabilité et l’efficacité de traduction 86

Séquence complète Purification HPLC Diminue l’immunogénicité non spécifique et augmente l’efficacité de traduction 36