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c. Production des ARNm

2. Capacité immunostimulante des ARNm

Pour être efficace, les vaccins doivent contenir des adjuvants, qui sont reconnus comme signaux de dangers par les cellules immunitaires. Les ARNm antigéniques sont eux-mêmes reconnus par le système immunitaire inné comme des pathogènes via des récepteurs de l’immunité innée appelés PRR (Pattern Recognition Receptor)39,40. La reconnaissance des ARN est médiée dans les endosomes et lysosomes par des récepteurs transmembranaires nommés TLR (Toll-Like Receptors), et dans le cytosol par l’intermédiaire de différents PRR : les récepteurs RIG-I

(Retinoid-acid-Inductible Gene I) et MDA-5 (Melanoma Differenciation Antigen 5) majoritairement (Figure 11).

Ces récepteurs sont exprimés dans divers tissus et cellules. Ils vont induire des cascades d’activation de voies intracellulaires aboutissant à la production de médiateurs de l’inflammation (cytokine pro-inflammatoire et chimiokines notamment). Ces médiateurs vont permettre par la suite d’influer sur l’activation de la réponse immunitaire pour induire une réponse adaptative spécifique au pathogène.

L’activation des récepteurs TLR dans le cas de vaccins est essentielle pour amorcer les réponses immunitaires. Ces récepteurs sont présents dans les endosomes et lysosomes des cellules de l’immunité, et notamment des cellules dendritiques, macrophages et lymphocytes B39. Ces cellules impliquées dans la phagocytose des antigènes vont ainsi promouvoir la rencontre des ARNm antigéniques avec ces récepteurs. Les ARN simple brin et double brin présents dans les endosomes sont reconnus par les récepteurs TLR7 / 8 et TLR3 respectivement. Ces récepteurs jouent un rôle essentiel dans les réponses immunitaires dirigées contre les infections virales naturelles, mais il a été montré qu’ils étaient activés non seulement par les ARN double brin viraux, mais également par les

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ARNm libérés par les cellules et produits par transcription in vitro41. Les ARNm antigéniques notamment via des structures secondaires vont pouvoir activer les TLR spécifiques des ARN simple brin et double brin.

Figure 11 : Activation des PRR par les ARNm antigéniques (Adapté de Gutjahr A. et al., 20164).

Le système immunitaire inné a évolué de manière à reconna ître les agents pathogènes, y compris les ARN du non soi. Dans les endosomes, les ARN simple brin (ssRNA) sont reconnus p ar le TLR7/8, alors que les ARN double brin (dsRNA) le sont par le TLR3. La signalisation induite par le TLR7 est médiée par la protéine adaptatrice MyD88, résultant en l’activation d es facteurs de transcription IRF7 et NF -κB. L’activation du TLR3 induit l’activat ion de la protéine TRIF qui permet l’induction des facteurs de transcription IRF3 et NF-κB. Dans le cytoplasme, des PRR sont également présents pour reconnaî tre les ARNm et induire des signaux de dangers : les récepteurs MDA-5 et RIG-I. Ces derniers permettent l’activation des facteurs de transcription IRF3/7 et du NF -κB.

Les récepteurs TLR7 et 8 interagissent avec les ARN simple brin essentiellement, mais peuvent aussi reconnaître de courtes séquences d’ARN double brin. Ces récepteurs induisent l’activation de la voie du MyD88. Cette voie d’activation résulte en l’activation de facteurs de transcription (AP1), de NF-κB et du facteur de régulation de l’interféron IRF7. Ces facteurs contribuent à l’expression des cytokines pro-inflammatoires et à l’activation des cellules immunitaires42.

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Le récepteur TLR3 est présent essentiellement sur les cellules immunitaires, à l’exception des neutrophiles et des DC plasmacytoïdes (pDC)40. Ce récepteur interagit pour sa part avec des ARN double brin viraux ou synthétiques (tels que les poly I :C), sans spécificité de région. La présence de 40 paires de bases minimum est nécessaire pour permettre son activation et l’affinité est proportionnelle avec la taille des ARNm39. Ceci suggère qu’un ARNm simple brin comportant une structure secondaire suffisamment longue pourrait activer ce récepteur. Le récepteur TLR3 active la signalisation via la protéine TRIF (protéine adaptatrice comportant un domaine TIR), entrainant l’activation du facteur nucléaire-κB (NF- κB) et de la protéine TBK1, régulant elle-même le facteur de régulation de l’interféron IRF3. Cette voie de signalisation permet la production d’interférons de type I (IFN), essentiel pour l’induction d’une réponse antivirale et de cytokines pro-inflammatoires42.

Les récepteurs PRR cytosoliques jouent également un rôle important dans l’effet adjuvant des ARNm. Les récepteur RIG-I (ou DDX58), MDA5 (ou IFIH1) reconnaissent les ARN double brin essentiellement4. Le récepteur RIG-I reconnaît plus particulièrement les ARNm ne présentant pas de cap dans la région 5’43. A l’inverse, le récepteur MDA-5 interagit avec les ARN double brin longs et une région particulière de la coiffe40,44. Ces récepteurs induisent la voie d’activation de la protéine ISP1 (ou MAVS) qui entraîne l’induction des facteurs de transcription IRF3 et 7, mais également du NF-κB. Cette voie conduit donc à l’expression d’interférons de type I et de cytokines pro-inflammatoires42. De plus, nous pouvons noter qu’il existe d’autres récepteurs cytosoliques moins décrits qui sont impliqués dans la reconnaissance des ARNm : les récepteurs NLRP3, NOD2, LGP2, PKR et l’enzyme 2’5’oligoadénylate synthase40,45.

Quel que soit le récepteur impliqué, les ARNm vaccinaux conduisent à une production de cytokines pro-inflammatoires et une forte sécrétion d’interférons de type I (IFN-α et β), impliqués dans la protection aux infections virales. En fonction de l’application thérapeutique, cette fonction des ARNm peut avoir des avantages et des inconvénients. De nos jours, la communauté scientifique discute encore sur les bénéfices d’une telle activation dans le cadre de vaccins à ARNm46. En effet, une dualité existe sur le rôle de l’IFN-I qui induit certes une forte activation de la réponse immunitaire innée et la maturation des cellules dendritiques, mais diminue également le taux de production de protéines antigéniques capables d’activer la réponse adaptative cytotoxique (LT-CD8+). Il est proposé que l’effet de l’IFN-I dépende du moment et de l’intensité de production de l’IFN-I par rapport à l’activation des LT-CD8+47. Si l’activation de la cellule T (via la liaison CMH-I/peptide au TCR des lymphocytes naïfs) précède ou coïncide avec la signalisation de l’IFN-I, cette cytokine va favoriser la différentiation et l’expansion des cellules T CD8+ en cellules cytotoxiques (LTC). En revanche, si la signalisation de l’IFN-I précède l’activation des cellules T CD8+, l’IFN-I va avoir une action inhibitrice sur l’induction d’une réponse cytotoxique47. Afin de diminuer cette forte

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immunogénicité intrinsèque des ARNm et de moduler l’induction des réponses immunitaires, des modifications peuvent être apportées dans les séquences (voir paragraphe suivant).

Bien que les ARNm présentent une immunogénicité intrinsèque, elle peut être augmentée par l’ajout d’adjuvants dans certains cas. Les adjuvants utilisés incluent les adjuvants classiques et ceux développés pour les vaccins à ARNm prenant en compte les avantages liés à l’immunogénicité intrinsèque des ARNm ou leur capacité à être traduits en protéines immunostimulantes23. Un ARNm auto-réplicatif formulé dans une nanoémulsion de MF59 (Novartis) a montré une bonne immunogénicité accompagnée d’une efficacité de traduction dans plusieurs modèles animaux48. Une autre approche efficace est l’utilisation de TriMix, une combinaison d’ARNm codant pour une protéine CD70, un ligand de CD40 et un TLR4 activé. L’ajout de TriMix aux ARNm antigéniques a permis d’augmenter leur immunogénicité et d’induire une forte réponse cytotoxique dans plusieurs études de vaccins contre le cancer49,50, mais aussi dans le cas du VIH-151. De plus, les technologies RNActive et RNAdjuvant, développées par CureVac52,53, ont montré des résultats prometteurs en recherche, et actuellement quatre essais cliniques de phase I sont en cours dans le cadre de vaccins contre des cancers ou contre la rage52,54.