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Opportunités et défis pour l’emploi des jeunes en Afrique

Deux tendances convergent en Afrique, avec des effets potentiellement profonds sur le mode de croissance future de l’économie africaine et sur les endroits où elle générera des emplois. En premier lieu, stimulées par les cours élevés des principaux produits d’exportation, les économies africaines ont renoué avec la croissance, après une pause de plusieurs décennies. La production passe dans une grande mesure de l’agriculture aux services, vers lesquels s’oriente lentement l’emploi. En second lieu, d’ici quelques générations, la rapide crois­

sance démographique africaine aura alimenté le plus vaste réservoir mondial de personnes en âge de travailler, dont la majorité sera des jeunes. Ces tendances indiquent que la structure de l’emploi continuera d’évoluer en Afrique, mais que cette transformation sera lente.

Tant économiquement que socialement, l’Afrique aurait avantage à orienter l’énergie de sa population active jeune vers des emplois plus productifs. Le défi est de taille et requiert une attention immédiate, mais il peut être relevé.

L’industrie — en particulier le secteur manufac­

turier orienté vers l’exportation — s’est avérée une source dynamique d’emplois salariés dans

d’autres régions, principalement en Asie de l’Est.

En Afrique, l’industrie en est à ses balbutiements.

Pour se développer, il lui faut du temps et un envi­

ronnement favorable en matière de politiques. Les États doivent également exploiter les possibilités plus immédiates d’emplois productifs dans l’agri­

culture et les entreprises individuelles*. Le présent rapport évalue les défis et opportunités spécifiques liés à l’emploi des jeunes dans les exploitations agricoles, les entreprises individuelles non agri­

coles et le secteur salarié moderne. Il examine ces questions et les interventions possibles à la lumière de deux types d’obstacles restreignant la productivité des jeunes dans ces secteurs : ceux liés au capital humain et ceux liés à l’environnement des affaires.

* Les entreprises individuelles sont des activités non agricoles sans personnalité morale, appartenant à des ménages. Du point de vue de l’emploi, elles sont en général composées d’un indépendant (le propriétaire de l’entreprise) travaillant seul ou avec l’aide de membres de la famille.

Population africaine en âge de travailler : très jeune et en croissance rapide

L’âge médian africain est de 18 ans — 7 ans de moins que celle de l’Asie du Sud, la deuxième région la plus jeune du monde (Figure 1.1).

En d’autres termes, une bonne moitié de la population africaine est âgée de moins de 18 ans. L’Afrique restera la région la plus jeune du monde au cours des prochaines décennies, et la différence d’âge avec les autres régions va se creuser. Selon les prévisions des Nations Unies, l’âge moyen en Afrique n’atteindra que 21 ans en 2035 et 24 ans en 2050. À ce moment-là, la médiane sera de plus de 35 ans dans d’autres régions du monde et de presque 45 ans en Asie de l’Est et Pacifique.

En Afrique, la structure de la population est une pyramide avec une base large et un sommet très aigu (Figure 1.2). Cette large base corres-pond à « l’explosion démographique de la jeu-nesse » en Afrique (le continent compte deux fois plus de jeunes de 15 ans que de personnes de 35 ans). Dans d’autres régions du monde, la structure est plus renflée, reflétant une dis-tribution plus uniforme des groupes d’âge.

Le profil démographique de l’Asie du Sud est le plus proche de celui de l’Afrique, tandis qu’en Asie de l’Est et Pacifique, la pyramide est inversée, avec plus de personnes âgées que de jeunes. Les prévisions suggèrent qu’en Afrique,

la forme de la pyramide restera la même dans un futur proche, avec juste plus de personnes à chaque âge.

Ces tendances démographiques suggèrent qu’au cours des prochaines années, le nombre des jeunes entrant dans la vie active augmentera en Afrique. Selon les estimations des Nations Unies pour l’Afrique subsaharienne, le nombre des 15 à 24 ans devrait y atteindre 193 millions en 2015, 295 millions en 2035 et 362 millions en 2050 (Figure 1.3). Entre 2015 et 2035, quelque 5 millions de jeunes atteindront chaque année leurs 15 ans. Avec cette rapide augmentation, l’Afrique diffère radicalement du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord, où l’accroissement de cette tranche s’est stabilisé, et même de l’Asie de l’Est, dont les chiffres sont dominés par la Chine et où la taille de la cohorte devrait chuter de 350 millions en 2010 à 225 millions en 2050.1 En Asie du Sud, elle devrait augmenter, puis se sta-biliser et commencer ensuite à diminuer dans un avenir proche.

La jeunesse africaine peut-elle constituer un avantage économique ?

La population active de l’Afrique, jeune et croissante, mérite une attention particulière pour diverses raisons, ne serait-ce que parce qu’une population semblable a été le fer de lance de la transformation économique qu’a connue la région Asie de l’Est et Pacifique entre 1965 et 1990. Au cours de cette période, la population en âge de travailler y avait prati-quement doublé (passant de 541 à 1 039 mil-lions). Plus important encore, le nombre des

« personnes à charge » (les 0 à 14 ans et 65 ans et plus) n’avait augmenté que de 143 millions (de 437 à 580 millions). Si en 1965, la région comptait à peine plus d’un adulte en âge de tra-vailler par personne à charge, en 1990, ce rap-port était passé à deux pour un (Figure 1.4). Au cours des mêmes années, le produit intérieur brut (PIB) par habitant en Asie de l’Est et Paci-fique a augmenté d’environ 1 300 dollars EU à 3 300 dollars EU. Une analyse transnationale de la relation entre les taux de croissance et l’évo-lution de la structure de la population a

attri-50

et Pacifique Europe et Asie centrale

Âge médian (années)

2015 2035 2050

Figure 1.1 La population africaine est jeune et le restera

Source : Sur base de Nations Unies : 2011.

a. Afrique subsaharienne b. Asie du Sud c. Asie de l’Est et Pacifique

100 80 60 40 20 0 20 40 60 80 100 0–4

10–14 20–24 30–34 40–44 50–54 60–64 70–74 80+

Populations en millions

Groupes d’âge (en années)

100 80 60 40 20 0 20 40 60 80 100 0–4

10–14 20–24 30–34 40–44 50–54 60–64 70–74 80+

Populations en millions

Groupes d’âge (en années)

0–4 10–14 20–24 30–34 40–44 50–54 60–64 70–74 80+

Populations en millions

Groupes d’âge (en années)

160 120 80 40 0 40 80 120 160

Féminin 2035 Masculin 2035 Masculin 2015 Féminin 2015

Figure 1.2 La structure de la population de l’Afrique subsaharienne est différente de celle d’autres régions

Source : Sur base de Nations Unies, 2011.

400 350 300 250 200 150 100 50 0

1950

Asie de l’Est et Pacifique Europe et Asie centrale Amérique latine

et Caraïbes Moyen-Orient et

Afrique du Nord Asie du Sud Afrique subsaharienne

2010 2050 1950 2010 2050 1950 2010 2050 1950 2010 2050 1950 2010 2050 1950 2010 2050

Population des 15 à 24 (millions)

Estimates Projections

Figure 1.3 Contrairement à celui d’autres régions, le nombre des jeunes de l’Afrique subsaharienne augmentera de façon spectaculaire dans un avenir proche

Source : Sur base de Nations Unies, 2011.

Note : Chaque barre correspond à une estimation ou une projection du nombre des 15 à 24 ans, pour une année, avec un intervalle de cinq ans.

bué entre un tiers et la moitié de la croissance économie de l’Asie de l’Est aux changements démographiques (Bloom et Williamson, 1998 ; Bloom, Canning et Malaney, 2000).

Certains avancent que le « dividende démo-graphique » de l’Asie de l’Est a transformé l’économie à l’aide de deux grands facteurs. Le premier a été la disponibilité accrue de la main-d’œuvre. Plus de travailleurs signifie plus de production, et lorsqu’il y a plus de travailleurs par rapport à la population, la production par

habitant augmente. Le deuxième facteur était l’augmentation continue de la population en âge de travailler par rapport à l’ensemble de la population, une conséquence de la baisse rapide de la fécondité. Avec moins de personnes à charge, les adultes en âge de travailler peuvent accroître leur épargne, et éventuellement la convertir en investissements productifs qui, à leur tour, stimulent la croissance économique.

Pour que l’Afrique produise un dividende démographique, il ne lui suffit pas de disposer

d’une large population en âge de travailler : les taux de fécondité doivent baisser. À moins que le nombre de personnes à charge par adulte en âge de travailler ne baisse rapidement, les avan-tages potentiels des changements dans la struc-ture de la population ne se concrétiseront pas.

L’évolution rapide du rapport entre les deux groupes (illustrée dans la Figure 1.4) a joué un rôle capital dans l’essor de la productivité en Asie de l’Est et Pacifique (Bloom et Williamson, 1998).

Historiquement, les baisses de la mortalité infantile ont précédé les diminutions de la fécondité — une séquence qui entraîne une véritable explosion démographique de la jeu-nesse (habituellement suivie d’une baisse de la population des jeunes, une fois que le nombre des naissances chute). En Afrique, la mortalité infantile a diminué de façon spectaculaire au cours des vingt dernières années, même si cer-tains pays africains affichent toujours les taux les plus élevés du monde. Au cours d’environ la première décennie de ce siècle, le taux de mor-talité des moins de 5 ans a baissé de 160 à 70 au Bénin, de 219 à 129 au Burkina Faso, de 166 à 88 en Éthiopie, de 189 à 112 au Malawi, de 274 à 127 au Niger et de 151 à 90 en Ouganda.2

L’explosion démographique de la jeunesse en Afrique ne ralentira toutefois qu’à condition que les taux de fécondité baissent de manière nettement plus rapide et systématique. Dans les années 1970, le taux de fécondité en Asie et en Amérique latine était identique à celui de l’Afrique d’aujourd’hui, mais il baisse beau-coup plus lentement dans l’Afrique actuelle qu’à l’époque dans ces régions (Bongaarts et Casterline, 2013). Un point plus important à signaler est peut-être que les taux de fécondité ne diminuent pas de façon uniforme dans toute l’Afrique ; en fait, ils ont stagné dans plusieurs pays (Figure 1.5).

Même avec une structure de la population changeant rapidement, le dividende démo-graphique n’est pas automatique. Après tout, comme le montre la Figure 1.4, l’Asie de l’Est n’est pas la seule région où la structure de la population ait changé. En Amérique latine, le rapport entre la population en âge de travail-ler et les personnes à charge est passé de 1,1 en 1970 à 1,9 en 2010. En Asie du Sud, il a aug-menté de 1,2 en 1975 à 1,8 en 2010.

Deux différences importantes permettent d’expliquer pourquoi en Asie du Sud et en Amérique latine, l’évolution de la structure de la population ne s’est pas traduite par un divi-dende démographique. Premièrement, le taux d’augmentation a été nettement plus lent dans ces régions qu’en Asie de l’Est (où le rapport a augmenté de 1,1 en 1970 à 1,8 en 1990). Deu-xièmement, comme relevé dans une analyse du dividende démographique faisant autorité, les pays d’Asie de l’Est disposaient « des institu-tions politiques, économiques et sociales ainsi que des politiques qui leur ont permis de réa-liser le potentiel de croissance engendré par la transition » (Bloom et Williamson, 1998).

Une récente analyse a mis en évidence la menace économique que représentent pour l’Afrique une population croissante, un taux d’épargne peu élevé et une faible productivité, qui pourraient limiter le dividende démogra-phique (Eastwood et Lipton, 2011). Un envi-ronnement économique favorable à l’inves-tissement et à la croissance, dans lequel la population active, avec ses larges cohortes de jeunes, peut entrer et trouver des emplois pro-ductifs, est essentiel pour que la main-d’œuvre croissante de l’Afrique ait un effet positif sur

2,5

2,0

1,5

1,0

1950 1960 1970 1980 1990 2000 2010 2020 2030 2040 2050

0,5 Rapport population en âge de travailler/non en âge de travailler

Asie de l’Est et Pacifique

Asie du Sud Amérique latine et Caraïbes

Moyen-Orient et Afrique du Nord Afrique subsaharienne

Figure 1.4 En Asie de l’Est, le taux de dépendance a changé rapidement ; en Afrique subsaharienne, il évolue, mais lentement

Source : Sur base de Nations Unies, 2011.

Note : La population en âge de travailler comprend les personnes de15 à 64 ans ; la population non en âge de travailler est composée des personnes de 0 à 14 ans et de 65 ans et plus.

« Mon père n’a