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Opinion sur la sélection scolaire à l’âge de 12 ans, telle qu’elle se fait en Suisse

3.1. Partie 1 : Gestion de l’hétérogénéité

3.1.2. Opinion sur la sélection scolaire à l’âge de 12 ans, telle qu’elle se fait en Suisse

Voici la question que j’ai posée aux enseignants vaudois et finlandais en lien avec cette deuxième thématique: « En Suisse, à 12 ans en moyenne, les élèves sont orientés selon leurs moyennes scolaires. Que pensez-vous de cela ? »

Il est important de rappeler que ce système de sélection est en vigueur en Suisse et plus particulièrement dans le canton de Vaud, contrairement à la Finlande qui connaît un système à structure unifiée. Malgré cette différence de pratique, notre préoccupation est de savoir ce que pensent les enseignants vaudois et finlandais de cette pratique instituée chez nous et abolie en Finlande et, dans la foulée, de comparer les points de vue des uns et des autres. D’évidence, certains arguments sont favorables à cette pratique et d’autres y sont défavorables. Les tableaux qui suivent en donnent un recensement8.

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8 Sur le document 6, vous trouvez l’ensemble de la démarche.

Anthony Coppola Page 43 sur 118 Tableau de synthèse : arguments POUR la sélection

En SuisseEn Suisse et en FinlandeEn Finlande

Aider les élèves qui ont le plus de facilités.Il faut différencier pour avancer par niveau. (8x)Suisse : 4xFinlande : 6x Moins de comparaisons qui peuvent faire souffrir.

Mieux aider ceux qui ont de la peine. La sélection n’est pas nouvelle. Ça fonctionne bien. (4x)Suisse : 2xFinlande : 2x - À 12 ans, ils ont assez de temps.Sans sélection, le travail de l’enseignant se complexifie.Suisse : 2xFinlande : 1x -

Il existe une possibilité de monter en cas de décrochage. - - Difficulté pour mettre sur pied une voie unique en Suisse. - -

Anthony Coppola Page 44 sur 118 Tableau synthèse : arguments CONTRE la sélection

En SuisseEn Suisse et en FinlandeEn Finlande

La sélection se fait trop tôt.Risque de catégorisation (4x)Suisse : 3xFinlande : 3x Système et valeurs qui visent l’équité et l’égalité en Finlande (7x) Ce n’est pas efficace.Privilégier un système qui favorise l’entraide (3x)Suisse : 2xFinlande : 2x Les faibles resteront faibles, conséquences négatives (3x)

Différencier son enseignement à la place de sélectionner. (3x) - On utilise d’autres manières de faire des groupes (2x) Pas de différence de niveau au final dans les voies. (2x) - Je préfère laisser les élèves choisir leurs degrés de difficulté.

- - Crée du racisme et un sentiment de supériorité.

- - Mauvaise impression personnelle vécue.

- - Difficulté de trouver des enseignants dans les classes faibles.

- - Impact sur l’estime de soi.

Anthony Coppola Page 45 sur 118 Opinion et nombre d’arguments par enseignant

Enseignants en SuisseEnseignants en Finlande

OpinionNombre d’argumentsOpinionNombre d’argumentsPrénompour=contrePOURCONTRE Prénompour=contrePOURCONTRE

1. Susie✓321. Mario✓03

2. Fanny✓012. Hikko✓02

3. Valesca✓303. Janine✓05

4. Maria✓224. Ana✓11

5. Miriam✓235. Eva✓32

6. Cassandra✓226. Inkia✓02

7. César✓217. Anama✓11

8. Barbara✓108. Manu✓21

9. Félicia✓029. Annabelle✓12

10. Bella✓1110. Vivi✓02

11. Sandro✓3111. Maraja✓13

12. Amélie✓03 13. Tamara✓02

TOTAL5/134/134/131920TOTAL0/114/117/11924

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D’emblée, on constate que les enseignants finlandais sont plutôt contre la sélection, alors que les enseignants vaudois semblent plutôt avoir un avis mitigé sur cette pratique. Pour les enseignants finlandais, on compte 9 réponses favorables pour 24 défavorables. Chez les enseignants vaudois, il y a autant de réponses favorables (19) que défavorables (20).

Les enseignants vaudois semblent donc avoir des opinions disparates. D’après leurs propos, nous pouvons supposer que cinq enseignants sont favorables à la sélection, quatre enseignants auraient un avis partagé et enfin quatre enseignants sont contre le système sélectif à l’âge de 12 ans. Tandis qu’en Finlande, les enseignants semblent avoir des avis plutôt similaires. Six enseignants sur les onze interviewés sont contre cette idée d’orientation, alors que quatre enseignants auraient un avis partagé. Aucun d’entre eux n’est favorable à cette pratique.

Une autre façon de compter consiste à dénombrer les thématiques évoquées. C’est ce que le présente le tableau ci-dessous.

Nombre de thématiques différentes POUR la sélection.

Nombre de thématiques différentes CONTRE la sélection

Suisse 9 4

Finlande 6 10

En bref, les enseignants vaudois ont plus d’idées lorsqu’il s’agit d’argumenter en faveur de la sélection, plutôt qu’en défaveur. Concernant les enseignants finlandais interviewés, on trouve un résultat opposé.

Enfin, il est intéressant de se rendre compte des thématiques les plus fréquemment mentionnées par les enseignants vaudois et finlandais.

Thématique la plus mentionnée POUR la sélection.

Thématique la plus mentionnée CONTRE la sélection.

Suisse Il faut différencier pour avancer

par niveau. (8x) Risque de catégorisation (4x)

Finlande Aider les élèves qui ont le plus de facilité. (6x)

Système et valeurs qui visent l’équité et l’égalité en Finlande

(7x)

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En définitive, pour les enseignants vaudois interviewés, bien qu’ils soient au courant des risques de catégorisations engendrés par la sélection, il n’est pas envisageable de l’éviter en raison des différences de niveaux que l’enseignant doit gérer dans une classe. La sélection permettrait donc de mieux pouvoir gérer les rythmes différents d’apprentissage des élèves. À l’inverse, bien que les enseignants finlandais se rendent compte que les élèves les plus doués pourraient en bénéficier, la sélection n’est pas envisageable en raison des valeurs d’égalité des chances ancrées dans le pays.

Le tableau qui suit permet d’affiner l’analyse en rapportant les propos des enseignants vaudois, d’une part, et finlandais, d’autre part, lorsqu’ils se disent favorables à cette pratique.

Propos favorables à la constitution de « filières » d’enseignement

Enseignants vaudois Enseignants finlandais

Il devient nécessaire d’avancer par niveau en raison des différences de rythme de travail et de capacité des élèves (S.3, S.4). Ainsi, les élèves pourront avancer aussi par intérêt (S.6).

Ce n’est pas agréable quand il y a trop d’écart entre les élèves (S.11) et cela rend le travail de l’enseignant plus complexe (S.6).

C’est surtout difficile pour ceux qui avancent vite d’attendre sur les plus lents (S.4).

En effet, il y a des élèves qui sont plus intellectuels que d’autres et qui sont destinés à faire des études (S.1). L’orientation permet justement aux élèves les plus brillants de pouvoir aller plus loin dans les

apprentissages (S.5), tout en laissant plus de temps et d’explications pour ceux qui ont en besoin (S.4, S.10).

De toute façon, aucun système n’est parfait et à 12 ans, on peut considérer que les élèves ont assez de temps pour montrer ce qu’ils valent (S.1). Après tout, nous avons tous connu la sélection et ce n’est pas dramatique (S.1). Elle se faisait même plus tôt

auparavant (S.11) et ça a toujours bien fonctionné de cette manière en Suisse (S.7,

En Finlande, en raison de notre système à voie unique, les élèves doués sont parfois oubliés et reçoivent moins d’attention et d’aide que les autres élèves (F.4, F.8). En effet, dans notre pays, on a beaucoup de moyens d’aider les plus faibles, mais on ne pense pas assez à ceux qui sont doués (F.5.

F.9).

L’orientation permettrait donc d’offrir plus à ceux qui ont beaucoup de facilité et chacun peut apprendre à son propre niveau. (F.5). Il se pourrait même que, par ce système de sélection, les élèves ayant de la peine puissent recevoir davantage d’aide (F.7).

Grâce à l’orientation, les élèves moyens n’auraient plus à se comparer aux plus forts.

Ainsi, la sélection permettrait d’éviter des comparaisons qui pourraient faire du mal (F.5).

Peut-être que la sélection pourrait se faire avant l’âge de 15 ans. Pourquoi pas à 12 ans (F.8) ?

Malgré tout, quelques fois, dans certains sujets, il est possible de diviser notre classe de manière à donner des exercices plus

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S.11), sans compter qu’il y a toujours la possibilité de changer de voie en cas de décrochage (S.3). De toute manière, il serait difficile de mettre en place une voie unique dans notre pays (S.5).

difficiles aux élèves les plus brillants (F.11) et à prendre le temps de bien expliquer aux élèves qui ont de la peine avec des groupes plus petits (F.5).

Intéressons-nous à présent aux propos défavorables à la sélection scolaire.

Propos défavorables à la constitution de « filières » d’enseignement

Enseignants vaudois Enseignants finlandais

En raison de l’orientation, certains élèves auraient un risque d’être catégorisés, de porter une étiquette et d’être mis de côté (S.4, S.13). Peut-être serait-il mieux d’éviter des trop grandes séparations pour empêcher cet effet de catégorisation se s’installer ? Sans doute, le mieux serait de fonctionner en tronc commun afin d’éviter les classes ghettos, ainsi que des classes faibles et démotivées (S.9). De toute manière, au final dans une classe, même en partageant les élèves par niveau, on finit toujours par retrouver les meilleurs, les moyens et les plus faibles (S.12). Par exemple j’enseigne actuellement dans une classe de VSG-VSO et finalement, il est difficile de différencier qui aurait pu aller en VSG ou en VSO (S.1).

Il y a des études qui disent que de toute manière, ça ne sert à rien de sélectionner les élèves (S.7). Notamment en rapport avec les études Pisa, on se rend compte qu’on devrait imiter des pays comme la Finlande qui n’ont pas recours à la sélection.

Ce genre de système à voie unique peut être intéressant au niveau de l’entraide (S.1). En effet, dans cette logique, les forces de chacun pourraient servir aux autres, ce qui

privilégierait l’entraide (S.5), vu que les bons peuvent apporter à ceux qui ont plus de difficultés (S.6).

De ce fait, au lieu de sélectionner, on pourrait différencier dans nos classes jusqu’à la fin de la scolarité obligatoire. Après tout, ça

Dans notre société en Finlande, ce système de sélection ne fonctionnerait pas, car nous avons comme valeur d’aider chaque enfant en leur faisant prendre conscience que chacun a de la valeur comme il est. Chacun est valorisé dans notre société (F.3). L’équité est une valeur importante dans notre pays (F.1). L’école devrait donc promouvoir l’égalité (F.1). Pour grandir, il est important d’interagir avec toutes sortes de personnes pour mieux se rendre compte de comment est la société (F.3). Cette idée de sélection est étrange pour nous, car nous pensons que tout le monde devrait avoir les mêmes possibilités d’étudier par la suite. Notre système se veut plus égalitaire (F.4). Nous pensons que c’est important que tout le monde ait le droit à la même instruction et que les élèves puissent s’entraider (F.9).

Sans doute, une des raisons qui rend le niveau élevé en Finlande pourrait provenir du fait qu’il y a peu de pression sur les élèves et les enseignants par rapport à des tests. (F.11) Je n’aime pas la manière dont vous séparez les élèves (F.3) et je n’ai moi-même pas aimé ce système étant plus jeune (F.3). Ce système de sélection est passé de mode. Ça n’apporte finalement pas les buts recherchés. Le potentiel humain ne se développe pas avec ce genre de système (F.9).

Les élèves sont trop jeunes quand la sélection est faite et particulièrement pour les garçons qui ont besoin de plus de temps pour

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fonctionne bien comme ça au primaire (S.2).

Il est tout à fait possible de donner les moyens aux enseignants pour gérer l’hétérogénéité des niveaux des élèves (S.12). Alors pourquoi les profs secondaires ne pourraient-ils pas différencier comme nous nous différencions dans nos classes ? (S.13).

Beaucoup d’enseignants pensent que la sélection se fait trop tôt (S.4, S.6). Certains élèves auraient besoin de plus de temps pour montrer de quoi ils sont capables. (S.10).

L’orientation à 12 ans empêche certains apprenants, dont ceux qui ont des déficits d’attention, de se développer (S.4). Éviter la sélection permettrait de stimuler les élèves qui seraient en décrochage scolaire (S.9).

Dans une voie unique, les faibles seront tirés vers le haut par les autres. Ils peuvent donc faire davantage de progrès (S.12).

s’intéresser aux apprentissages scolaires (F.6, F.10). Ce serait donc mieux de donner le temps à l’élève pour atteindre les objectifs, car personne ne se développe exactement au même moment (F.11).

Quel est l’impact sur l’estime de soi de ceux qui se retrouvent dans les groupes les plus faibles (F.5) ? En raison des attentes

transmises par la société, les élèves qui vont dans les voies les plus basses vont rester les plus faibles (F.2). Si tu es seulement avec des élèves à difficulté de comportement ou démotivés, cela ne donnera pas d’autres possibilités (F.3). La sélection ralentit donc le développement de ceux qui ne sont pas capables de montrer leurs capacités au même moment que les autres. (F.9)

Si tu mets toutes les personnes intellectuelles ensemble, cela pourrait conduire à construire un sentiment de racisme et supériorité (F.3), sans compter que ça doit être difficile de trouver des enseignants pour les classes les plus faibles où les élèves sont démotivés.

(F.10)

C’est une bonne idée de faire des groupes, mais pas seulement en se focalisant sur les résultats scolaires. (F.1) Dans ma classe par exemple, les élèves peuvent décider du degré de difficulté qu’ils souhaitent essayer. Je privilégie davantage l’auto-évaluation. De cette manière, tout le monde est intéressé à aller le plus loin qu’il peut et veut et accepte plus facilement un travail de niveau plus faible. (F.2)

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En conclusion, bien que les enseignants vaudois et finlandais reconnaissent qu’il serait préférable de fonctionner par niveaux pour offrir une aide adéquate aux élèves qui apprennent à des rythmes différents, ils ont des avis bien différents sur la pratique de l’orientation.

Les enseignants finlandais qui ne pratiquent pas l’orientation sont plutôt contre la sélection scolaire, bien qu’ils pensent que l’hétérogénéité des groupes freine la progression des élèves les plus brillants dans leur système. Pour eux, la sélection scolaire serait un système passé de mode qui ne parviendrait à trouver les buts recherchés. Les élèves les plus faibles verraient leur estime de soi baisser et auraient une marge de progression ralentie. Les enseignants finlandais défendent principalement des valeurs égalitaires. Tout le monde devrait avoir le droit à la même instruction et devrait pouvoir s’entraider.

Quant aux enseignants vaudois, qui exercent dans un contexte qui connaît un système plus compétitif et qui utilise l’orientation à la fin du primaire, les avis sont plutôt partagés. D’une part, ils disent que la voie unique, système plus efficace selon les recherches, permettrait d’éviter les effets pervers de catégorisation et privilégierait l’entraide, et d’une autre part, ils disent que ça a toujours fonctionné ainsi. Pourquoi s’y prendre différemment ?

Quoi qu’il en soit, les enseignants vaudois et finlandais s’accordent à dire qu’il est possible pour l’enseignant de gérer l’hétérogénéité en ayant recours à la différenciation, bien que les enseignants vaudois précisent que ça complexifierait leur travail. Un enseignant finlandais préfère laisser la possibilité aux élèves de s’autoévaluer pour qu’ils puissent choisir leur propre niveau des tâches à effectuer.

Concernant l’âge de la sélection en Suisse, les enseignants vaudois ont un avis plutôt mitigé.

En Finlande, les enseignants interviewés considèrent majoritairement que les élèves sont orientés à un âge trop précoce.

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