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C ONVAINCRE OU PERSUADER ?

Dans le document Manager en toutes lettres (Page 104-107)

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A. : Eh bien, en voici une qui vous contentera peut-être. Nous avons déjà dit que l’éloquence consiste non seulement dans la preuve, mais encore dans l’art d’exciter les passions. Pour les exciter, il faut les peindre ; ainsi je crois que toute l’éloquence se réduit à prouver, à peindre et à toucher. Toutes les pensées brillantes qui ne vont point à une de ces trois choses ne sont que jeu d’esprit.

B. : Qu’appelez-vous peindre ? Je n’entends point tout votre langage.

A. : Peindre, c’est non seulement décrire les choses, mais en représenter les circonstances d’une manière si vive et si sensible, que l’auditeur s’imagine presque les voir.

( ) Un récit simple ne peut émouvoir : il faut non seulement instruire les auditeurs des faits, mais les leur rendre sensibles, et frapper leurs sens par une représentation parfaite de la manière touchante dont ils sont arrivés.

FÉNELON

Le débauché parle avec chaleur de son vice, et il en parle bien parce qu’il est possédé de son sujet. Parlez comme lui.

Julien GREEN

Pour « parler au cœur » des hommes, il faut personnaliser son discours, en valorisant ses interlocuteurs, sans trop parler de soi. Dans un exposé, les seuls cas précis où vous pou-vez parlez de vous sont l’introduction pour dire que vous êtes heureux de prendre la paro-le devant l’auditoire ou pour verbaliser vos difficultés éventuelparo-les (« c’est difficiparo-le pour moi de... ») ou exprimer l’ambivalence de vos sentiments (« j’éprouve tout à la fois une grande joie et un peu de tristesse à l’idée que... »)

L’extrême plaisir que nous prenons à parler de nous-mêmes nous doit faire craindre de n’en donner guère à ceux qui nous écoutent.

LAROCHEFOUCAULD

Parlez-moi d’moi, y a qu’ça qui m’intéresse.

Jeanne MOREAU

Personnalisez vos discours en parlant à la deuxième personne : « soldats vous avez... », en mettant comme sujet de vos phrases non pas des concepts : « la question de la construc-tion de ce pont divise la ville » mais des personnes physiques « les membres de cette entreprise sont divisés sur... » ou morales « l’entreprise est divisée... », en trouvant des anecdotes vivantes et en bannissant les sujets indéterminés (on, il).

C’est dans cette non-imposition et cette imperceptibilité que le On déploie sa véritable dicta-ture.

HEIDEGGER

Le management et le cinéma

Une forte personnalisation commerciale dans « Le sucre » de Gérard Rouffio

©Éditions d’Organisation

MANAGERENTOUTESLETTRES

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Raoul (Gérard Depardieu) remisier au marché à terme, conseille (trop) efficacement un retraité Adrien Courtois (Jean Carmet) dans ses placements.

Raoul : Alors qu’est-ce qu’on fait ? Vous prenez votre bénéfice ? Je vous liquide ou je vous garde ?

L’esprit de la conversation consiste bien moins à en montrer beaucoup qu’à en faire trouver aux autres : celui qui sort de votre entretien content de soi et de son esprit, l’est de vous par-faitement (...)

LABRUYÈRE

Quel que soit le point de vue rien ne vaut en dernier ressort que la personne.

GŒTHE

On peut convaincre les autres par ses propres raisons ; mais on ne les persuade que par les leurs.

JOUBERT

La meilleure façon d’imposer une idée aux autres, c’est de leur faire croire qu’elle vient d’eux.

Alphonse DAUDET

On parle beaucoup trop aux enfants du passé et pas assez de l’avenir – c’est-à-dire trop des autres et pas assez d’eux-mêmes.

Sacha GUITRY

Pour impliquer votre interlocuteur parlez-lui au nom même de sa propre logique : « Vous avez constaté vous-même que..., Vous avez déjà vous-même obtenu... ». Associez-le dans la mise en œuvre de vos propositions, ce qui le valorisera (voir l’appel à l’aide – Chapitre III, 10). Et jouez de la complicité par le « entre-nous » qui s’obtient en reprenant en écho ce qui peut être accepté dans les propos du partenaire : « Nous sommes bien sûr d’accord sur la nécessité de..., nous pensons comme vous que.... » Mais à l’occasion l’effet de complicité peut apparaître comme une manifestation de paternalisme. Voici un bon exemple d’implication dans le débat ci-dessous :

Le management et l'histoire

« D’abord, je dois vous dire quelque chose : je trouve toujours choquant et blessant de s’arro-ger le monopole du cœur. Vous n’avez pas, monsieur Mitterrand, le monopole du cœur. J’ai un cœur comme le vôtre, un cœur qui bat sa cadence et qui est le mien. Vous n’avez pas le mono-pole du cœur et ne parlez pas aux Français de cette façon si blessante pour les autres.

Alors, concernant ce qui a été fait au cours des dernières années, nous avons, la collectivité française a travaillé, et vous avez reconnu vous-même qu’elle avait travaillé dans la bonne direc-tion puisque, en quelques années, nous avons fait de notre pays un pays moderne, vous avez dit, je crois, une puissance industrielle moderne. Alors, le reproche que je vous fais, c’est, à l’heure actuelle, à cause de votre alliance avec le parti communiste (vous êtes si discret sur tous ces sujets), c’est de proposer de briser l’instrument. »

Valéry GISCARD D’ESTAINGà François Mitterand, ORTF, 10 mai 1974

©Éditions d’Organisation CONVAINCREETINFLUENCER

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Pour bien improviser ne vous noyez pas dans votre documentation. Si vous utilisez des pense-bêtes que ce soit sous forme de petites fiches au recto desquelles vous écrivez des mots-clefs. Si vous ne savez pas quoi dire, décrivez ce que vous voyez ou ressentez. Mais la meilleure des improvisations c’est celle que vous aurez longuement préparée et répé-tée à l’avance pour être le jour venu parfaitement à l’aise.

Si l’on a déterminé d’avance les paroles que l’on doit prononcer, on n’éprouve par cela même aucune hésitation.

CONFUCIUS

Évitez de lire vos discours, et si vous y êtes contraint, ne parlez pas alors que vos yeux sont encore sur votre texte. Ne restituez oralement votre lecture que si vous pouvez voir vos auditeurs et tenir compte de leur réaction. Alternez donc lecture et parole. Quand vous parlez, pour que les auditeurs ne voient plus votre feuille, déposez-la à chaque fois à côté de vous ou au pire laissez retomber le long de votre corps le bras qui la tient.

Quand quelqu’un me voit lire, j’ai toujours l’impression d’être déchiré en deux morceaux.

GŒTHE

Pour faire mémoriser vos propos par vos collaborateurs, et en renforcer le caractère de certitude et d’évidence, persuadez par l’effet d’insistance ou de répétition. C’est le Delenda Carthago de Caton. En particulier pour structurer, énoncez votre plan en appli-quant la règle de trois de Léo B.Mayer de la M.G.M. : ce que vous allez dire, dites-le et dites que vous avez dit ce que vous aviez à dire. Repétez-vous donc, mais n’abusez pas des compléments de noms, du style : « le concierge de la maison de ma tante de Paris... » et malgré vos répétitions, trouvez le moyen de laisser votre auditoire (un peu) sur sa faim.

L’erreur se répète toujours dans l’action ; c’est pourquoi on doit répéter inlassablement le vrai dans les mots.

GŒTHE

©Éditions d’Organisation

Dans le document Manager en toutes lettres (Page 104-107)