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Présentation et étude du roman

INFLUENCES EXTERIEURES

2.4. Les espaces et les personnages dans le roman

2.5.4. Onomastique des personnages et leurs représentations

Selon R. Barthes : « on peut dire que le propre du récit n’est pas l’action, mais le

personnage comme Nom propre »1974. La deuxième nomenclature regroupe les

anthroponymes rassemblant les personnages algériens aux prénoms et noms arabes et dont le fonctionnement se fait selon une onomastique révélant la non gratuité du choix. Car chaque nom trouve sa symbolique et son sens dans la langue arabe ou le dialecte algérien.

Nous commençons par le personnage principal Yazid auquel lřauteur donne la tâche de raconter lřhistoire du roman à la première personne du singulier. Dans ce prénom algérien nous pouvons relever deux connotations, lřune appartenant à la langue arabe et qui signifie « il augmente », lřautre, au dialecte algérien « il va naître ». Le personnage romanesque est une créature fictive créée par lřauteur pour représenter une personne réelle. Cřest un élément important au bon fonctionnement du récit.« Le

personnage est un être de papier alors que la personne existe réellement »90Pour donner un effet de réalité à son personnage ; le romancier lui donne une identité (nom, description physique .. .etc.) et une psychologie quřil développe au fil des évènements.

Il est vecteur privilégié de lřidéologie, il peut transmettre une idée, des émotions au lecteur, comme lřa dit Tomochevski in Convergences Critiques :« Les personnages

portent habituellement une teinte émotionnelle(…) Attirer les sympathies du lecteur »91 Dans notre roman nous distinguons plusieurs personnages qui remplissent tous une fonction bien précise, nous allons étudier leurs caractéristiques physique et psychologique dans le roman.

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ACHOUR Christiane et REZZOUG Simone , « Convergences critique, Introduction à la

lecture du littéraire », office de publications universitaires , Alger , 1995, p 200 ;

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Notre analyse nous a permis de décortiquer et dřamorcer les charpentes du récit. Indispensable à toute analyse romanesque, elle permet de dégager les traits pertinents qui constituent la narration, avance des informations sur le roman, sa couverture, sur lřhistoire développée, les évènements déroulées ainsi que les personnages.

1- Situation initiale

La maladie de la mère de Yazid ainsi que son déplacement en France pour des soins

2- Elément déclencheur

La mort de la mère de yazid

la phrase leimotiv : « va ! retourne à la rue Darwin »

3- Action

recherche de la vérité

Yazid entreprend une quête identitaire

4- Conséquences

Rencontre avec Farroudja Retrouvailles de la fraterie

5- Etat final et rééquilibre

Yazid découvre la vérité sur ses origines et trouve réponses à ses questionnements.

Tableau 3 Le schéma quinaire

La structure narrative nous offre une vision plus claire sur les actants ainsi que leurs rôles dans le roman. Nous avons eu recours au schéma de Greimas qui a pour objet de distinguer les personnages et leurs fonctions les uns des autres « dont la

relation inter-fonction (inter-personnages) fait progresser le réci

t

» 92

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Greimas chez OUHIBI GHASOUL, Bahia Nadia, littérature :textes critiques, Oran, Dar El Gharb ( coll. Littératures Etrangères, LAROS ),2003 , p. 116.

Destinataire : Yazid Destinateur : Yazid Yazid Object : Quête identitaire Retour vers les origines

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Figure n°4 Schéma actantiel du personnage principal Yazid

Yazid appelé Yaz, est le personnage principal de lřhistoire. Il occupe la place du sujet opérant et du destinateur. Son rôle de destinateur lui permettra de réaliser son objectif qui consiste à trouver réponses à ses questions, trouver la vérité.

Notre personnage a, bien entendu, des adjuvants qui favorisent sa quête comme des deux mères. La première Karima, maman adoptive est lřadjuvant qui le pousse à entreprendre cette quête en lui murmurant à lřoreille « va, retourne à la Rue Darwin ». La seconde Farroudja, maman biologique du personnage et le protagoniste clé, car cřest bien grâce à ses réponses que Yazid trouvera le chemin de la vérité.

Nous constatons quřil existe trois phases importantes qui charpentent lřarchitecture du roman. La première est celle qui raconte la mort de la mère de Yazid, entourée de ses enfants enfin rassemblés. Venus des quatre coins du monde pour assister à son dernier souffle à lřhôpital Salpetrière à Paris.

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Au final, ce nřest que parce quřelle est morte que Yazid a entrepris la phase suivante, celle de la recherche de soi, une quête identitaire qui prend forme dans la Rue Darwin, un quartier populaire à Alger, plus précisément à Belcourt mais également titre du roman. Lřhistoire repose sur un aller retour. La troisième concerne lřenvironnement, le pays et un certain regard. Cřest une saga familiale sur fond dřhistoire de lřAlgérie où lřon rencontre une fratrie dispersée sur tous les continents, une fratrie comme autant de visages de lřAlgérie: Karim à Mars

Ensuite, place aux prénoms choisis pour la fratrie à savoir : Nazim, Karim, Souad, Mounia, El Hadi ainsi que son frère de sang Daoud. Le prénom Nazim vient dřun terme arabe signifiant « qui établit l’harmonie, l’ordre ».

Dans Rue Darwin, Nazim adapte son humeur suivant les circonstances. Son sens de lřobservation et son esprit analytique lui permettent également de reconnaître rapidement le comportement adéquat. Homme de principe, il nřobéit quřà sa conscience et à sa moralité. Sociable et dévoué, Nazim reste néanmoins élitiste dans le choix de son cercle dřamis.

Quant au prénom de Karim, il signifie en langue arabe «généreux », Souad renvoie au bien-être, heureuse, chanceuse en référence au mot arabe « Saada », Mounia «Oumnia »: le souhait.

El Hadi : lřilluminateur, celui qui guide vers le chemin droit, vers Dieu. Et là effectivement, il se trouve quřil joue le rôle du serviteur de Dieu mais sous un angle différent (jihadiste).

Concernant le dernier frère découvert « mon frère Daoud, mon cher David »( R.D.p.237)le prénom est un mot hébreu « Daoud » qui signifie «aimé de Dieu » et qui au fil de lřhistoire a changé son prénom en David « j’apprendrais qu’il se faisait

appeler David, la forme judéo-chrétienne de Daoud. Et il y avait une raison à cela, forte et étrange et douloureuse» (idem. p.134), pour être plus à lřaise quant à son

homosexualité vis-à-vis de la religion musulmane.

Les autres personnages loin dřen faire autant, le changement sřest opéré avec lřajout des (I) grecs dans leur prénoms « ils avaient eu la merveilleuse idée de mettre des i

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grecs dans leur noms, pour être de leur monde, de leurs temps, elles et ils sřappelaient Fayza, Baryza, Soraya, Faryd « ainsi leurs prénoms étaient orthographiés en légende

dans l’album de Jean et encore, en arrière plan, il y avait le palais d’Alger. 93

Un autre personnage sřavère important pour notre personnage principal, dans sa recherche de ses origines ; Yazid finit par rencontrer sa mère biologique qui porte le prénom de Farroudja. Ce prénom prend racine du mot arabe « Faradj » qui signifie sérénité, (dissiper les soucis) ; cette mère biologique a en effet en adéquation avec son prénom soulagé Yazid en lui racontant dans les moindres détails la vérité sur ce quřest son identité.

Quant à la figure emblématique du roman, la puissante Lalla Saadia, Lalla désigne un titre de noblesse, Saadia renvoie au bonheur. On la nomme aussi Djedda ; Personnage dont le nom revient 103 fois dans la 1ere partie, puis 36 fois dans la seconde. Djeda est un mot tiré de lřarabe classique qui signifie grand-mère. La récurrence de ce mot de ce personnage nřest pas fortuite. Elle correspond au rôle prépondérant quřelle a joué dans la destinée de Yazid mais également des autres personnages.

Faiza, une des pupilles de la grande maison, désigne par son nom en langue arabe gagnante, incarnation de la réussite, ayant suivi un chemin tracé par Djedda, elle fini au trône de la tribu des Kadri.

Mankouba : comme cité dans sonroman à la page 59, le prénom Mankouba signifie sinistrée selon la traduction du dictionnaire arabe/français. On lřappelait ainsi pour la raison quelle nřavait quřune moitié de visage, lřautre disait-on avait été arrachée par un lion.

Elle est décrite par lřauteur comme antique, frêle et larmoyante, mais également

brave. Camériste de grand-mère, elle guettait tout ce qui se déroulait dans la maison

pour le rapporter à Djéda. Son rôle ne se résumait donc au fait quřelle soit son ange gardien dans la mesure où elle veillait sur elle, tous les soirs pendant son sommeil, au pied du lit de Djéda, aussi simplette (idem, 103) cřétait sa fonction.

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Nous portons également un intérêt à lřappellation de tous les personnages cités plus haut (Yazid, Faiza et Daoud) regroupés dans le terme :Pupilles. Ce mot se traduit en arabe dialectale par « Moummou », utilisé comme appellation pour les petits enfants mais on lui attribue également un autre sens ; Moummou el 3ayn (pupille de lřœil) et qui signifie dans le collectif arabe lřêtre le plus chéri. A travers ce terme, lřauteur aborde tout en sřeffaçant, la thématique de bâtardise, il sřagit de lřillégitimité génétique de ses enfants appelés Pupilles.

Le choix des noms propres dans la fiction est une opération complexe de la motivation des noms fictionnels qui laisse peu de place au hasard, autrement dit, lřauteur nomme les ses personnages par rapport à la fonction quřils occupent dans le récit. A ce sujet David Lodge confirme aussi le fait quřun nom nřest pas fortuit, il cautionne que

« Dans un roman les noms ne sont jamais neutres. Ils signifient toujours quelque chose, ne serait-ce que leur banalité. Les écrivains comiques, satiriques ou didactiques peuvent se permettre dřêtre ouvertement allégoriques en nommant leurs personnages (voyez Thwackum, Pumblechook ou Pilgrim). Les romanciers réalistes préfèrent des noms quelconques pourvu quřils possèdent les connotations appropriées (comme Emma Woodhouse ou Adam Bede). » 94

Les résultats de notre recherche onomastique dans le roman Rue Darwin, nous permettent de dire que les noms des personnages ont été choisis en fonction :

-Du rôle quřil leur attribue : à titre dřexemple ; le prénom de Nazim : « qui établit lřharmonie, lřordre » correspond au caractère du personnage qui joue le rôle dřorganisateur : « de son côté Nazim « petit génie » (Idem. p. 23) a fait le reste, le plus important : lřhospitalisation (de la mère) à la Salpêtrière, la prise en charge, les recommandations nécessaires, et le billet dřavion en first (première classe). » (95

- -De la destinée qui lui est réservée, lřincarnation de la réussite dont on retrouve tout le sens dans le prénom de Faiza « gagnante », elle vivait dans « le monde des affaires,

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Dřaprès Elizabet Legros Chapuis ; David Lodge : Lřart de la fiction, éd. Rivages, 1996, p 57 (chapitre 8 : Les noms)

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et de la jet-society, assurément comme une grande dame admirée et courtisée, la réplique moderne de notre antique Djedda, autocrate d’une immense tribu aujourd’hui éparpillée sur plusieurs pays ».(idem. p.179)

-Du milieu auquel il appartient, comme pour le choix du changement de Daoud à David, « la forme judéo-chrétienne de Daoud » (idem. P.134). Ce travestissement accomplissait trois objectif ; le premier étant de marquer sa libération en assumant son homosexualité, le deuxième était de ne pas offenser la religion musulmane car « porter

un prénom musulman pour un gay comporte des risques » (idem .P.172), quant au

troisième ; il consistait à favoriser sa situation professionnelle dans « un palace en

France » où « il est plus facile de s’appeler David que Mohammed ».

Dans poétique du récit (le seuil 1977), Roland Barthes dit quř« un nom propre doit

être interrogé soigneusement car le nom propre est, si l’on peut dire, le principe des signifiants ; ses connotations sont riches, sociales et symboliques ».

Le choix des noms par lequel procède lřécrivain, oscille entre deux tendances, lřune correspondrait au caractère des personnages ainsi quřà leur destinée, lřautre, représenterait le milieu auquel ils appartiennent car le personnage ne peut exister que par rapport à la fiction que lřauteur lui attribue. Ian Watt fait remarquer que « Les

noms propres ont exactement la même fonction dans la vie sociale : ils sont l’expression verbale de l’identité particulière de chaque personne individuelle »

« Comme la langue et le langage, l’onomastique qui est une expression de la langue, est un produit d’une société, d’une communauté, d’une ethnie données caractérisées par leur environnement, sinon leur écologie, leur histoire et leurs aspirations »